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Les hygiénistes dans le paysage européen

Gestion cabinet Par le 20-07-2015

Présente dans une vingtaine de pays européens, la profession d’hygiéniste dentaire recouvre une pratique bien différente d’un État à l’autre. Bruxelles a réuni les ministères nationaux pour avancer sur une organisation et une réglementation européennes de cette profession.

Vers la création de la profession d’hygiéniste dentaire en France? Pour l’heure, ce n’est pas à l’agenda, mais l’entrée en vigueur de la nouvelle directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, en janvier 2016, pourrait changer la donne. C’est en effet l’un des sujets qui étaient à l’ordre du jour de la réunion de la Fédération des autorités compétentes et des régulateurs dentaires européens (Fedcar), le 16 mai dernier à Tallinn (Estonie). De quoi s’agit-il ? La nouvelle directive organise une procédure exceptionnelle : celle de l’accès partiel à une profession réglementée. Et pose la question suivante : un hygiéniste dentaire espagnol pourra-t-il accéder en partie à la profession d’assistant dentaire en France ou en Belgique? Et dès lors exercer son métier dans les limites de celui d’assistant dentaire?

Il n’est cependant pas sûr que cela lui soit profitable si l’on se réfère à la Convention collective des cabinets dentaires qui stipule que l’assistant dentaire «collabore à l’éducation des patients en matière d’hygiène bucco-dentaire» sans pouvoir se substituer à la personne du chirurgien dentiste (1). Le ministère, voire le juge, tranchera la question à court terme. Plus largement, la nouvelle directive fournit aussi la possibilité aux hygiénistes dentaires de composer une formation minimale commune à toute l’UE (un «cadre commun de formation » dans les termes de la directive). Sur la base de cette formation, les hygiénistes, comme les chirurgiens-dentistes, infirmières, médecins, pharmaciens, sages-femmes, vétérinaires et architectes bénéficieraient de ce que l’on appelle aujourd’hui la reconnaissance automatique de leur diplôme quand ils décident de circuler dans le marché du travail européen.

Mais ce n’est pas pour demain : plusieurs années seront nécessaires pour qu’une profession si diverse dans sa formation et dans ses actes parvienne à se mettre d’accord sur une éducation commune. Dans tous les cas, la composition de cette formation reposera sur une série de consultations obligatoirement menées en Europe tant auprès de la France et des autres États qu’auprès des chirurgiens-dentistes, des assistants dentaires et des autres professionnels de la santé qui donneront alors leur avis sur l’organisation et la réglementation des soins d’hygiène dentaire. Quelle est la réalité de la profession d’hygiéniste dentaire en Europe? Pré- sente dans une vingtaine de pays européens, cette profession recouvre une pratique très hétérogène d’un État à un autre. Si chaque pays est souverain dans l’organisation de son système de santé publique, chacun d’entre eux partage aussi le cadre commun de la libre circulation des professionnels de santé en Europe. Dans cet entre-deux, il appartiendra à la France de décider, à l’avenir, de l’organisation des soins d’hygiène dentaire. Le 30 avril dernier, la Commission européenne réunissait à Bruxelles les ministères nationaux autour du sujet de la réglementation de la profession d’hygiéniste dentaire. Cette réunion concluait une série de rencontres consacrées à «l’évaluation» des réglementations professionnelles, la précédente réunion ayant été consacrée à la réglementation de la profession de masseur-kinésithérapeute. L’objectif vise à comparer les choix de réglementation (exigence de qualification, activités réservées) pour s’inspirer des modèles les plus souples. Lors de cette journée du 30 avril, la grande variété des conditions d’exercice de la profession d’hygiéniste dentaire a été mise en évidence. D’abord, elle n’existe pas dans une petite dizaine de pays – dont la Belgique et la France – et, lorsque la profession existe, elle n’est pas nécessairement réglementée, soit par choix économique de déréglementation (tel est le cas en Estonie), soit parce que la profession est en ré- alité exercée par un assistant dentaire qualifié comme en Allemagne et en Autriche.

Ainsi en Allemagne l’assistant dentaire, qui se forme professionnellement en trois ans environ sous la supervision de l’Ordre, doit suivre une formation spécifique de 800 heures pour pouvoir se qualifier en hygiène dentaire. La profession s’exerce alors uniquement dans les locaux du chirurgien-dentiste et sous sa supervision. L’Allemagne compte environ 550 assistants dentaires qualifiés en hygiène dentaire nommés «kammer fortgebildet» (2). Le plus frappant dans le panorama européen de cette profession tient à la variété de la formation : elle court sur deux années dans certains pays (Espagne, Royaume-Uni), trois dans d’autres, voire quatre (Danemark, Pays-Bas, Portugal). Dans ces conditions, le diplôme d’un pays ne rend pas forcément compétent pour pratiquer les actes en bouche autorisés dans un autre. Et de fait, la réunion du 30 avril a permis de constater l’extrême diversité des actes que les pays autorisent : outre les soins liés à l’élimination des dépôts, au polissage des dents, à l’application de fluorures topiques, certains pays autorisent l’hygiéniste dentaire à pratiquer l’administration de l’anesthésie locale (Danemark, Pays-Bas, R-U), le réaménagement d’urgence de couronnes (Irlande), le blanchiment après prescription du chirurgien dentiste (R-U, Slovaquie), la prescription de radiographies (R-U), etc.

En outre, en fonction des choix de santé publique décidés dans chaque État, ces actes peuvent être menés sous la supervision du chirurgien-dentiste dans son cabinet dentaire (cas allemand ou tchèque). Au Danemark et en Suède, ils peuvent être opérés après autorisation du chirurgiendentiste de manière tout à fait autonome dans le cadre des services publics de la santé ou dans le cabinet même de l’hygiéniste dentaire qui est une profession indépendante (Pays-Bas). Dans d’autres cas, ils peuvent même être pratiqués sans prescription : le dé- tartrage en Estonie se fait sans autorisation préalable du chirurgien-dentiste. Il en résulte un exercice professionnel très inégalement recensé d’un bout à l’autre de l’UE : 550 hygiénistes dentaires en Allemagne contre 7000 en Espagne et plus de 6000 au Royaume-Uni. Le ratio européen serait d’un hygiéniste dentaire pour plus de 13000 habitants, et d’un chirurgien-dentiste pour 1 500 habitants. Au terme de cette réunion du 30 avril, ni la Commission ni les États n’entendent harmoniser par la loi cette profession comme l’UE a réussi à le faire pour celle de l’art dentaire. Néanmoins, il faut s’attendre, à terme, à voir surgir la question de l’existence de cette profession dans le paysage français de la santé publique.
Source : ONCD : La lettre de l’ordre

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