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À propos de la nouvelle classification en parodontie

Par Mark BONNER le 12-11-2019
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INTRODUCTION par Michel Abbou

Suite à nos dernières publications sur le thème de la nouvelle classification des maladies parodontales et péri-implantaires, j’ai reçu une demande à type de « droit de réponse » de notre confrère canadien Mark Bonner. J’avais déjà eu l’occasion de le rencontrer et de l’écouter à titre de conférencier lors du colloque Si-Ct Mieux de 2016. Si la nouvelle classification que nous évoquons se targue d’être consensuelle et internationale, le moins que l’on puisse dire est que notre intervenant surprise défend « bec et ongles » une approche diagnostique et thérapeutique bien différente de celle professée par le corps enseignant traditionnel ! Je notais moi-même dans le premier opus de ce débat que cette nouvelle classification fait la part belle à la catégorisation diagnostique en termes de stades et de grades… Sans apporter le moindre élément nouveau (ce n’était pas son but et cela est bien acté par tous nos auteurs) en termes de démarche ou d’arbre décisionnel thérapeutique. Sur ce point, j’abonde dans le même sens que Mark Bonner, à la différence que, lui met tout son poids sur la guérison parodontale qu’il soutient obtenir en recourant à la méthode Bonner-Dunoyé (et j’atteste ici que tous ses disciples que j’ai rencontrés tiennent un même discours de satisfaction à cet égard), tandis que je concentre mes efforts cliniques sur une approche parodontale plus traditionnelle (avec le même penchant pour la composante prophylaxie patient/praticien) incluant un éventuel recours plus délibéré à l’implantologie et la prothèse dans un souci d’efficacité fonctionnelle et/ou esthétique.

Il sera d’autant plus intéressant de confronter ces différentes démarches cliniques à l’occasion de notre colloque du 16-01-2020 ; c’est le docteur Nefissa Berkani qui assumera la tâche de représenter l’école Bonner.


DROIT DE RÉPONSE

Droit de réponse du Dr Mark Bonner, président de l’Institut International de Parodontie. Depuis plus de 30 ans, le Dr Bonner enseigne la guérison parodontale.

Chers confrères,

J’ai une première impression favorable sur les nouveaux diagnostics. Les descriptions sont relativement adaptées : plutôt que débutant, moyen et avancé, nous avons Stades I – II et III. Est-ce merveilleux ? Peut-être… On met en valeur les Grades A – B – C : les phénotypes, le tabac et le diabète qui, en fait, sont des critères très faibles en relation avec les parodontites (2x à 6x le risque) et pour lesquels le praticien n’a que peu d’impact ou de puissance clinique.

En contrepartie, le facteur de risque “Hygiène” (150x le risque de parodontite selon nos calculs) est oublié. Même chose pour l’infection de type parasitaire en parodontie (600 à 9 800x le risque de parodontite), toujours déniée, alors qu’elle est confirmée scientifiquement depuis Keyes 1981, Lyons 1989 et plusieurs articles auxquels j’ai collaboré (Bonner, 2003-7-11-13-19). Autrement, une règle de trois sur l’âge et la perte osseuse qui nous sauve mathématiquement, si l’horreur de la maladie n’est pas comprise par le patient ou son praticien. Puis, un peu de géographie sur l’âge de l’atteinte pour les molaires et les centrales versus un pied dans la mare ou un bain de microbes généralisé, pas de changement majeur et de raisonnement dans l’affaire. Cela nous laisse perplexes et sans voix. Réfléchissons !

Passés sous silence ou complètement oubliés, rien sur les biomarqueurs, les cellules inflammatoires et le microbiote sulculaire. Une omission grave qui perpétue la « chronicisation » ad lib de la parodontite par les experts.

Nos publications et vidéos, depuis plus de 20 ans, démontrent que guérir les parodontites est relativement facile lorsqu’on gère systématiquement et efficacement l’hygiène des patients, la désinfection microbienne, incluant les groupes orange et rouge de Socransky, ainsi que les parasites hématophages Entamoeba gingivalis (99% des parodontites) et Trichomonas tenax (25% des parodontites) via le microbiote au microscope à contraste de phase. C’est en réalité la voie la plus sûre et prévisible vers une santé exemplaire et une guérison assurée. Une simple tautologie : biofilm commensal = santé parodontale. Tant que nous n’oserons pas affirmer le diagnostic d’Amibiase Parodontale et de Trichomoniase Parodontale, nous serons dans le déni traditionnel, impuissants à agir sur une cause implicite.

Parodontites classification résumé

Nous sommes donc passés de :

« Les années 2000 » : surfaçage, réévaluation à 6 semaines. Si saignements et poches parodontales de plus de 5 mm compléter par la chirurgie, avec des résultats variables et imprévisibles. Résultat : une stabilisation médiocre (à moitié guéri ou à moitié malade), une maintenance sans fin et peu d’engouement chez les patients, ce qui, bien sûr, est compréhensible.

À :

« Les années 2018 » : là tout change. Un arbre décisionnel, des facteurs de risques, une variante selon l’âge, la sévérité, le tabac, le diabète, les traitements antérieurs, les lésions, le tartre, l’iatrogénie, la génétique, les prédispositions, la compliance, le type de gencive… Bref, une grande soupe qui nous mène à une réflexion très compliquée, voire accessible seulement aux cerveaux supérieurs, pour aboutir finalement par des choix de surfaçages, de re-surfaçage et l’option chirurgicale ! Bref, nous tournons toujours en rond, une véritable queue de poisson, empreinte de chronicité éternelle, faisant fi de la définition même de la maladie parodontale.

Ce qu’est la parodontite : une inflammation incontrôlée dans une dysbiose microbienne.

Nous proposons plutôt de nous attaquer à la définition textuelle des parodontites et de :

1) Éliminer concrètement la dysbiose microbienne en restaurant le complexe vert de Socransky grâce au contrôle avec le microscopique et à la désinfection topique et systémique au besoin (compter environ 4 mois avec le patient).

2) Éliminer les cellules inflammatoires du sulcus infecté grâce, toujours et encore, au microscope à contraste de phase à fond noir 100x et à fond blanc 1000x. Une fois l’infection et l’inflammation disparues, le tartre sous-gingival s’enlève très facilement, dans un sillon exempt de pus.

Nous appelons ce procédé la Méthode Bonner. Voici donc notre proposition :

Ramener un biofilm normal de santé exempt de cellules inflammatoires pour tous, sans douleur ni chirurgie pour un Stade I-II ou III. Les résultats sont prédictibles, jusqu’à 10mm de poche parodontale (Bonner, Information Dentaire 2003, Traitement Antiparasitaire, AOS 2013). Résultats : reconstruction osseuse, autonomie complète du patient, guérison parodontale (absence de poches de plus de 3mm, absence de saignement, absence de microbes pathogènes, gestion de l’environnement et de facteurs de transmission autour du patient  chez 95 à 100% des cas). Guérison prévisible du fait de la gestion entière du microbiote, prévention facile chez les jeunes adultes grâce à la microscopie du biofilm dès la gingivite. Ne pas se tromper, il vous faut un microscope à contraste de phase pour le réaliser avec assurance.

Voici la porte de sortie que nous proposons :

1) Devenez médecin infectiologue au bénéfice de tous vos patients lors de tous vos rendez-vous (confirmation microscopique).

2) Devenez « inflammatologues » pour chacune de ces circonstances. Regardez et signalez pour chacun et chaque poche profonde, la présence des lymphocytes, neutrophiles, monocytes et macrophages en temps réel. La nouvelle nomenclature n’encourage aucune action concrète sur la gestion des cellules inflammatoires ni des pathogènes impliqués dans les parodontites. On accuse la cigarette et les gènes. Les hygiénistes bucco-dentaires et les dentistes ont rarement des parodontites (2 à 5% seulement). Ces théories ne tiennent pas la route statistiquement. Fumer, c’est aussi mettre la main à sa bouche 73,000 fois par année sans se laver les mains.

3) Arrêtez de blâmer la chronicité de la maladie et commencez à parler de guérison parodontale complète (le résultat prédictible : aucune poche supérieure à 3mm, aucun saignement, un microbiote de santé et un patient autonome sur son hygiène comme une hygiéniste dentaire). Activez-vous-y, complètement, sans compromis. Les experts, par manque de résultats prédictibles, créent eux-mêmes cette fausse chronicité. C’est battre en retraite, tant qu’on ne sait pas guérir la maladie.

4) Parlez de reproductibilité des soins en guérison complète. Vantez la guérison parodontale. Promettez la guérison à vos patients sur un retour au biofilm commensal. Si vous n’êtes pas capable de le réaliser, apprenez à le faire. Procurez-vous un microscope déjà, pour comprendre la maladie et partager la physiopathologie avec le patient demandeur de causalité.

5) Disposez des microscopes dans tous les cabinets, chez chaque praticien en parodontie, et procédez à un examen microscopique pour chaque rendez-vous parodontal. Vous pourriez vous procurer 10 microscopes avec des résultats probants au lieu d’acheter une sonde visuelle pour le tartre sur caméra. Oui, la lithotritie c’est très bien, conservez le cément pour la cicatrisation. Si vous faites déjà de la microscopie, évitez la bêtise d’utiliser l’eau du robinet ou une solution Ringer comme médium de montage entre lame et lamelle. Utilisez la salive du patient, un geste essentiel pour voir les monstrueux microbes parasites. Jetez vos petits objectifs 400x à la poubelle et armez-vous de 100x et 1000x à immersion d’huile de qualité hospitalière sur un condenseur Ph3. N’avez-vous pas appris cela a l’école dentaire?

6) Arrêtez de placer le tartre en agent causal dans tout. Le tartre n’est qu’une conséquence facile à éliminer après une désinfection confirmée. Le surfaçage standard aux curettes coupantes ne donne que 5 à 20% de gain (Cadore, J. Periodontol 2019). Arrêtez donc d’encourager ce mensonge. Regardez l’évidence clinique et utilisez une thérapie médicale sans chirurgie qui fonctionne à tous coups.

7) Lâchez la brindille P. gingivalis et attaquez-vous à la réalité de l’écosystème complet et à sa coagrégation. PCR complexes orange et rouge complet et microscopie intégrale avec tous les nouveaux patients, de même que l’analyse de la flore du conjoint bien sûr. Qu’attendez-vous pour vivre la vraie médecine et discuter avec le patient de la transmission microbienne en parodontie (Lapierre et Rousset 1973, L’infestation à Protozoaires buccaux, Institut Pasteur) ?

8) Malgré tout mon respect pour le Dr Paul Keyes, arrêtez de jouer avec les petites fourmis, les spirochètes, alors que vous avez des éléphants parasites hématophages dans le biofilm qui détruisent le système immunitaire du patient, la capacité d’apoptose et de filets de défense « Neutrophil Extracellular Traps ». Bien sûr, la pâte de Keyes ce n’est pas suffisant. Ce n’est qu’un pion dans le jeu. Passez à l’ère du Dr Trevor Lyons (Introduction to Protozoa and Fungi in Periodontal Infection). Lyons est à des millions de lieux en avance sur Keyes ! En plus, il nous explique comment arriver à la guérison à tous coups. Je suis prêt à parier que peu, voire aucun membre de l’élite décideuse, n’ont lu ses ouvrages depuis le temps que je vante cette méthode. Il est le génie du dernier siècle en parodontie et il est complètement ignoré, ou vous avez décidé d’oublier une portion de la science. Pourtant, chaque page est une précieuse feuille d’or pour nous tous, avec toutes les solutions pour conduire sereinement à la guérison parodontale.

9) Stoppez le carnage de décémentation-surfaçage, déformation de la racine. Vous tuez dans l’œuf le ré-attachement pour une véritable guérison avec reconstruction osseuse. Arrêtez le carnage chez les praticiens généralistes. C’est le pouvoir et le devoir des experts parodontistes !

10) Finissez-en avec l’« Evidence Based Proof » qui nous fait tourner en rond dans une boite bien fermée. La prévalence des parodontites aux É.-U ? 44 % en 1996 et 47 % en 2016. Bref, aucun gain avec les méthodes actuelles. « Evidence based failure », une chronicisation augmentée et dirigée ! Écoutez et regardez plutôt vos patients infectés de microbes, attardez-vous à l’origine de leur infection. Et vous n’osez pas donner de désinfectants efficaces et des antibiotiques ou des antiparasitaires tellement vous êtes défaitistes sur la chose. Les poules, les veaux, les porcs et les bœufs eux y ont droit chaque jour, et on l’accepte. Quelle ignominie vis-à-vis les patients !

11) Décrivez au patient sa parasitologie et sa pathogenèse face à Entamoeba gingivalis (Bonner 2019) et au pathogène Trichomonas tenax (Ribiero, Santos, Protist 2015). Revoyez votre littérature sur la dysenterie intestinale. Prenez exemple sur E. histolytica. Prenez exemple sur le prédateur agressif Trichomonas vaginalis, au même niveau que T. tenax. De quel droit les experts absolvent ces parasites présents dans 100% des parodontites et absent des gingivites et de la santé. Qui sont nos experts pour délaisser impunément une partie de la science médicale ? Amenez les patients à l’image des hygiénistes et des dentistes (moins de 5% de parodontites et Stade plutôt de type I).

La chronicisation de la maladie, le pessimisme, voire l’ignorance de la parasitologie, de la virologie, l’ignorance de la transmission de l’infection parodontale, l’abandon de la transmissibilité, de la sexualité, comme si les microbes ne se transmettaient pas dans un long French Kiss ou un cunnilingus fructueux, voire un anulingus dont vous ignorez apparemment la portée.

Alors je dis, malheureusement, la nouvelle classification : idéale pour les chercheurs éternels et mea culpa pour la guérison parodontale.

Qui suis-je donc ? Je vous écris depuis 20 ans et vous dis sans gêne qu’on peut facilement guérir les parodontites à partir de la gestion serrée du microbiote parodontal, qu’on peut prévenir la maladie chez les jeunes adultes en traitant les petites poches de 3,5mm infectées. Il n’y a aucune raison de penser en règle millimétrée et en “pourcentage” une infection. On vous encourage à continuer de faire des diagnostics basés sur des bouts de millimètres qui ne font aucun sens en médecine, sans évaluation précise du microbiote de façon routinière. Terrible absence médicale ! Rebâtissez les facultés dentaires dans l’enceinte médicale !

Je vous dis et je vous écris qu’on peut guérir les parodontites facilement, de façon médicale (Protocole de guérison parodontale Bonner Dunoyé 2014). Heureusement, un bon nombre ont déjà accédé via l’Institut International de parodontie et le groupe AMIB.

Microbiote de Santé

L’avenir pourrait être rose pour vous tous si vous vous y mettiez. Le tartre, c’est la conséquence. La cause c’est l’infection ! Pas de gingivite: absence de parodontite ! Mais là, avec la nouvelle nomenclature, malgré que plus distincte, nous déboulons encore dans l’effondrement de la chronicité.

Je vous dépose les réponses sur un plateau. Essayez d’ouvrir les yeux : optimisation microscope et traitement prévisible ! Soyez un brin courageux au lieu de rester dans l’espace 2018 à tourner encore en rond.

Regardez dans le jardin du microbiote et des cellules inflammatoires, et ouvrez votre esprit à la définition même des parodontites. Au passage, ouvrez aussi la fenêtre pour un gros bol d’air de guérison, bienfaitrice pour vos patients. La nouvelle nomenclature souffre d’une maladie bien connue que je ne nommerai pas. Mais vous y penserez peut-être.

Au bénéfice des +50% de patients atteints de parodontie sur cette terre. Prenez un temps de réflexion et de lecture avant de me commenter trop vite.

Nul ne peut ignorer une portion de la science.

Bien cordialement et confraternellement.
Mark Bonner, dmd

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