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Cardiopathies congénitales et endocardites infectieuses au cabinet

Pathologie, Pharmacologie Par Camille LAULAN le 29-03-2022

Introduction

Aujourd’hui, en France, 1 enfant sur 100 naît avec une Cardiopathie Congénitale (CC) et plus de 350 000 adultes vivent avec une malformation cardiaque. Certaines personnes en sont porteuses, sans même le savoir. Même si les CC sont considérées comme des maladies rares, ces chiffres révèlent qu’il s’agit d’un véritable enjeu de santé publique !
L’espérance de vie n’était que d’un an il y a 50 ans. Depuis, les avancées de la recherche sont à l’origine de progrès considérables, tant en chirurgie cardiaque et suites postopératoires, qu’en qualité de vie des patients.

 

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L’Endocardite Infectieuse (EI) est également une maladie rare (3 à 10 cas pour 100 000 personnes par an), mais grave. Compte tenu du taux de mortalité élevé, 20% à la phase initiale hospitalière et 40% à 5 ans, mais aussi du coût engendré par la prise en charge de séjours hospitaliers longs, les stratégies préventives prennent tout leur sens. De plus, les patients atteints de CC ont 50 fois plus de risque de développer une EI, d’où l’importance de connaître cette population à risque et les mesures préventives recommandées.

 

Les cardiopathies congénitales sont des malformations cardiaques dues à une anomalie au moment de la formation du cœur. Dans la majorité des cas, la cause de cette anomalie est inconnue (non liée au patrimoine génétique) et le diagnostic est posé avant la naissance ou durant les premières semaines de vie. Il existe plus de 300 types de cardiopathies selon la classification internationale des maladies. Chaque cardiopathie peut avoir une expression différente chez chaque enfant.

 

 

10 principales cardiopathies

 

Figure1-article-cardiopathie-congenitale La Communication Inter-Auriculaire (CIA) : il s’agit d’un « trou » entre les 2 oreillettes, à travers duquel le sang passe de la gauche vers la droite. Cela entraîne une dilatation de la partie droite du cœur. Souvent, il n’y a pas de symptômes, sinon un essoufflement et parfois une prise de poids insuffisante. Les sangs bleu et rouge se mélangent dans l’oreillette et le ventricule droit (bleu + rouge = violet).

 

 

 

 

Figure1-article-cardiopathie-congenitaleLa Communication Inter-Ventriculaire (CIV) : cette fois-ci le « trou » est entre les 2 ventricules, le sang passe alors de la gauche vers la droite. Il traverse les poumons et revient du côté gauche du cœur, qui se dilate. Si la CIV est petite, il n’y a souvent aucun symptôme. Si la CIV est importante, il peut y avoir des tétées lentes, un essoufflement marqué lors de la tétée ainsi qu’une prise de poids insuffisante. Les sangs bleu et rouge se mélangent dans l’artère pulmonaire au moment de la contraction cardiaque.

 

 

 

 

Figure3-article-cardiopathie-congenitalePersistance du canal artériel : le canal artériel est un petit vaisseau indispensable au fœtus qui, au lieu de se fermer 5 jours après la naissance, va rester ouvert. L’oreillette et le ventricule gauche sont dilatés par l’excès de sang qui passe dans les poumons. Les symptômes sont similaires à la CC précédente.

 

 

 

 

 

Figure4-article-cardiopathie-congenitale• Le Canal Atrio-Ventriculaire (CAV) : il s’agit d’une anomalie du cloisonnement interne du cœur. Il y a un gros « trou » au centre du cœur, avec une seule valve au lieu de deux entre les oreillettes et les ventricules. Cette CC est fréquemment associée à la trisomie 21. Dès le premier mois, les tétées sont lentes et provoquent des essoufflements marqués provoquant une prise de poids insuffisante.

 

 

 

Figure5-article-cardiopathie-congenitale• La coarctation de l’aorte : il s’agit d’un rétrécissement important de l’aorte. Le ventricule gauche lutte contre l’obstacle, ce qui peut le fatiguer prématurément et provoquer une insuffisance cardiaque. À l’examen, on observe une absence de palpation des pouls au pli de l’aine.

 

 

 

 

 

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La tétralogie de Fallot : cette malformation est caractérisée par une sténose entre le ventricule droit et l’artère pulmonaire, associée à une CIV. On observe une cyanose, surtout lors des pleurs, et parfois des malaises. Le sang bleu éjecté par le ventricule droit passe en partie du côté gauche à cause de la CIV. Le sang reçu par l’aorte est donc moins oxygéné.

 

 

 

 

 

Figure7-article-cardiopathie-congenitaleLa Transposition des Gros Vaisseaux (TGV) : comme son nom l’indique, la position des gros vaisseaux est inversée, l’aorte sort du ventricule droit et l’artère pulmonaire du ventricule gauche. Les organes sont nourris par un sang très bleu (peu oxygéné). La cyanose est évidente dès la naissance et il faut intervenir dans l’urgence.

 

 

 

 

 

Figure8-article-cardiopathie-congenitaleLa sténose valvulaire pulmonaire : l’anomalie concerne la valve pulmonaire entre le ventricule droit et l’artère pulmonaire. Elle est limitée dans son ouverture lors de la contraction cardiaque, le ventricule droit lutte contre l’obstacle et s’épaissit. C’est la découverte d’un souffle qui conduit au diagnostic. La plupart du temps, il n’y a aucun symptôme.

 

 

 

 

 

 

Figure9-article-cardiopathie-congenitale Le tronc artériel commun : un seul gros vaisseau sort du cœur au lieu de deux, puis se divise en aorte et artère pulmonaire, au-dessus d’une large CIV. Un essoufflement est présent dès les premiers jours ainsi qu’une insuffisance cardiaque. Les sangs bleu et rouge se mélangent dans l’unique gros vaisseau.

 

 

 

 

 

 

Figure10-article-cardiopathie-congenitale•  Le ventricule unique : c’est une malformation dans laquelle l’un des deux ventricules est trop petit (ou inexistant) pour assurer le fonctionnement normal du cœur. Il n’y a donc qu’une seule « pompe » au lieu de deux. Certains types sont bien tolérés très longtemps, les symptômes étant variables avec cyanose ou signes d’insuffisance cardiaque. Les sangs bleu et rouge se mélangent dans l’unique ventricule opérationnel donnant un sang identique, pauvre en oxygène, dans l’aorte et l’artère pulmonaire.

 

 

 

 

Endocardite infectieuse

L’endocardite est une infection d’une ou plusieurs valves cardiaques par un micro-organisme. Ces micro-organismes, le plus souvent des bactéries, mais parfois des champignons, sont présents à certains endroits du corps tels que la bouche, le tube digestif et la peau, sans représenter de danger particulier.

 

Figure11-article-cardiopathie-congenitale

Cependant, dès lors qu’il existe une porte d’entrée, les micro-organismes peuvent passer dans la circulation sanguine (bactériémie) et arriver au cœur.

Cette porte d’entrée peut être une coupure, une plaie, une intervention dentaire, un geste médical (pose d’un cathéter central) ou encore une chirurgie. Les prothèses cardiaques artificielles (valves, tubes…) vont être la cible de ces micro-organismes. Ceux-ci vont se concentrer autour du dispositif et l’abîmer, voire même le détruire, ce qui va perturber le fonctionnement du cœur. L’endocardite infectieuse peut donc être grave, même si elle est peu fréquente.

L’endocardite infectieuse apparaît lorsque des micro-organismes se multiplient sur l’endocarde. Les bactéries ou champignons responsables de l’endocardite peuvent se multiplier directement sur l’endocarde, soit dans un caillot sanguin attaché à une valve. Les bactéries peuvent aussi provenir de soins dentaires invasifs tels que le détartrage, les extractions multiples ou encore la chirurgie gingivale.

 

 

 

Figure12-article-cardiopathie-congenitale

HAS Prise en charge bucco-dentaire des patients à haut risque d’endocardite infectieuse.
17 novembre 2021.

 

Risques

L’incidence de l’endocardite (apparition de nouveaux cas) est 50 fois plus élevée chez les personnes souffrant de cardiopathie congénitale que dans la population générale. Il existe 3 groupes de patients à risque, seul le premier groupe relève de l’antibioprophylaxie.

Cardiopathies à haut risque :
• Cardiopathie cyanogène : dérivation cavo-pulmonaire partielle, blalock, tétralogie de fallot non opéré.
• Prothèses valvulaires ou matériel prothétique intracardiaque (valve mécanique, bioprothèse, tube intracardiaque, que ce soit chirurgical ou par cathétérisme).
• Dispositif médical intracardiaque (pacemaker, défibrillateur).• Antécédent d’endocardite infectieuse.
• Cardiopathie opérée avec shunt résiduel ou valvulopathie résiduelle : à vie.
• Anastomose de Blalock.
• Toute cardiopathie opérée durant les 6 premiers mois post-opératoire.

Cardiopathie à risque modéré :
• Shunt intracardiaque à haute vitesse (CIV restrictive, canal artériel restrictif).
• Valvulopathie mitrale ou aortique non opérée : bicuspidie aortique, prolapsus valvulaire.
• Sténose pulmonaire.

Cardiopathie à risque mineur :
• CIA

 

Quel que soit le niveau de risque infectieux du patient, l’antibiothérapie prophylactique n’est pas indiquée pour la réalisation d’actes non invasifs, en particulier pour les actes ci-dessous :
• Actes de prévention non sanglants.
• Soins conservateurs.
• Soins prothétiques non sanglants.
• Dépose postopératoire de sutures.
• Pose de prothèses amovibles.
• Pose ou ajustement d’appareils orthodontiques.
• Prise de radiographies dentaires.

 

Par contre, il existe des actes contre-indiqués chez les patients à haut risque d’EI :
• Anesthésie intra ligamentaire.
• Traitement endodontique des dents à pulpe non vivante, y compris la reprise de traitement canalaire.
• Traitement endodontique des dents à pulpe vivante en plusieurs séances ou sans champ opératoire (digue).
• Amputation radiculaire.
• Transplantation/réimplantation.
• Chirurgie péri-apicale, parodontale, implantaire (et péri-implantites), pré-orthodontique des dents incluses ou enclavées.
• Mise en place de matériaux de comblement.

 

Les soins endodontiques chez les patients du groupe à haut risque d’endocardite infectieuse doivent être exceptionnels. Ils ne peuvent être réalisés qu’après vérification de la vitalité de la dent par les tests adéquats, sous digue, en une seule séance, en étant sûr que la totalité de la lumière canalaire est accessible. Ce traitement doit donc être réservé aux dents monoradiculées et, à la rigueur, à la première prémolaire si les deux canaux sont accessibles. La séparation des racines est un acte à éviter autant que possible et n’est autorisée qu’en l’absence de toute atteinte parodontale. Les pulpopathies, les parodontopathies et les traumatismes nécessitent l’extraction.

 

Protection

Hygiène corporelle : lavage fréquent des mains, y compris les espaces interdigitaux.
Surveillance cutanée : vigilance en cas de lésion de la peau, désinfection des plaies, même bénignes. Attention en cas d’acné, de panaris, de mycose entre les orteils… Les tatouages et piercings sont déconseillés.

Figure13-article-cardiopathie-congenitale

 

Hygiène bucco-dentaire : un brossage efficace quotidien (3 fois/jour), et des contrôles réguliers chez un chirurgien-dentiste (1 à 2 fois par an). De plus, avant tout acte dentaire (et même pour un simple détartrage) si le patient est à risque d’endocardite, une antibioprophylaxie est nécessaire à titre préventif.

 

Antibiothérapie prophylactique : elle est recommandée selon le risque infectieux du patient et l’acte invasif pratiqué. Elle est instaurée pour limiter un risque d’endocardite infectieuse ou pour limiter un risque d’infection locale et son extension éventuelle. Son champ d’indication et sa durée de prescription ont été fortement réduits depuis les précédentes recommandations. Cela consiste en une prise unique dans l’heure qui précède l’acte :
Amoxicilline : 2 g chez l’adulte, 50 mg/kg chez l’enfant (sans dépasser la dose adulte).
En cas d’allergie ou d’intolérance aux β-lactamines, clindamycine : 600 mg chez l’adulte, 20 mg/kg chez l’enfant à partir de 6 ans (sans dépasser la dose adulte).

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Symptômes 

L’endocardite est parfois difficile à diagnostiquer car les symptômes n’éveillent pas toujours les soupçons. Elle se manifeste le plus souvent par une fièvre supérieure à 38° plusieurs jours consécutifs, accompagnée d’une grande fatigue et d’une détérioration de l’état général. S’il y a endocardite, le cardiologue va entendre un souffle cardiaque, et l’échographie cardiaque va confirmer le diagnostic, il faut donc consulter au plus vite.

 

Traitement

Chaque antibiotique luttant contre une bactérie bien précise, une analyse de sang est nécessaire pour identifier le germe responsable. L’automédication est donc proscrite. Toute endocardite nécessite une hospitalisation de 4 à 6 semaines, avec des injections intraveineuses d’antibiotiques. En cas de valve abîmée, une opération en urgence est parfois nécessaire.

 

Responsabilisation 

Le patient, dès qu’il est en âge de le faire, doit être autonome. C’est à lui de rappeler aux médecins et autres professionnels de santé qu’il est à risque d’endocardite. Il doit posséder une carte de prévention de l’endocardite infectieuse à demander à son cardiologue ou cardiopédiatre.

 

Conclusion

De nos jours, la majorité des personnes atteintes de cardiopathies congénitales parviennent à l’âge adulte et ont une vie « presque normale ». Il n’en demeure pas moins que c’est un véritable combat pour les patients et leurs familles : de l’annonce du diagnostic à la prise en charge chirurgicale, jusque dans la vie quotidienne… le chemin est long.

En tant que chirurgien-dentiste, il est de notre devoir de les aider dans ce parcours et de connaître les situations relevant de l’antibioprophylaxie et celles où ce n’est pas nécessaire. Dans tous les cas, le chirurgien-dentiste a un rôle très important pour ce qui est de l’hygiène bucco-dentaire et de la régularité des contrôles.

 


 

L’association Petit Cœur de Beurre s’est rapprochée de l’UFSBD afin d’amplifier les messages de prévention portés autour de l’importance de l’hygiène bucco-dentaire et a réalisé cette vidéo de sensibilisation auprès des enfants souffrants de cardiopathies congénitales pour les sensibiliser à l’hygiène bucco-dentaire quotidienne.

 


 

Références bibliographiques :

L. Houyel, Association Petit Cœur de Beurre Les cardiopathies congénitales.

E. Fournier, Association Petit Cœur de Beurre Prévenir l’endocardite infectieuse.

G. Habib, P.Lancellotti – Guidelines for the management of infective endocarditis: The Task Force for the Management of Infective Endocarditis of the European Society of Cardiology ESC.
2015.

A. Cloitre, X.Duval, P. Lesclous – UFSBD L’antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse.
Juin 2013.

HAS Prise en charge bucco-dentaire des patients à haut risque d’endocardite infectieuse.
17 novembre 2021.

ANSM – Prescription des antibiotiques en odontologie et stomatologie.
04 février 2021.

AFFSAPS Prescription des antibiotiques en pratique bucco-dentaire.
Juillet 2011.

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