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Prise en charge combinée avec orthodontie restauratrice et rééducation maxillo-faciale

Dentisterie du sourire Par Mathieu BENICHOU, Megane JOUIN le 06-12-2023

Il est courant d’entendre parler de prise en charge pluridisciplinaire dans notre métier, d’autant plus que la profession tend à se spécialiser et que les praticiens deviennent de plus en plus pointus dans un domaine. La prise en charge pluridisciplinaire dans la dentisterie moderne, doit aussi faire la part belle aux professions paramédicales.
Dans cet article, nous faisons une collaboration avec Megane Jouin, un kinésithérapeute maxillo-facial.

 

La position de la langue est un élément essentiel de stabilité de nos traitements, qu’ils soient prothétiques et/ou  orthodontiques. Il peut être courant de faire appel à un orthophoniste afin de corriger l’élocution de nos patients, et cela dès leur plus jeune âge.
Mais la position la plus discriminante de la langue est la position adoptée lors de la déglutition. Celle-ci ayant lieu en moyenne 2500 fois par jour, une déglutition perturbée entraînera douleurs musculaires, troubles articulaires et mouvements dentaires.

Lors de notre approche ortho-restauratrice, nous veillons à faire réaliser un diagnostic avec les kinésithérapeutes maxillo-faciaux, afin de prendre en charge les dyskinésies actuelles et anticiper les éventuelles récidives.

 

Cet article tentera d’être à l’image de la synergie qui opère entre nos deux professions en naviguant entre la partie dentaire pure et la prise en charge des kinésithérapeutes maxillo-faciaux afin d’appréhender plus facilement le diagnostic des dyskinésies.

 

Anamnèse

Patient de 55 ans avec un bon état général qui ne présente aucune pathologie mais prend des médicaments contre le reflux gastro-œsophagien (Oméprazole) pour lequel il est suivi par son médecin généraliste. Le patient, non-fumeur, n’est pas suivi régulièrement par un dentiste. Il déclare également ronfler la nuit mais ne pas avoir de prise en charge pour l’apnée du sommeil.

À l’examen endobuccal :
Le patient a une mobilité terminale de la dent 31 (photos réalisées après nettoyage et extraction). Des édentements non compensés en position de 35, 36 et 46.
Au sondage parodontal, le patient présente des poches parodontales autour de 16, 17, 26, 27, 37, 47. Ces poches ont une profondeur située entre 3 et 5mm, elles n’atteignent pas la furcation.
Des restaurations prothétiques type couronne, sont présentes au maxillaire en position de 13, 15, 24 et 25. Des restaurations cavitaires type amalgame sont présentes sur les dents 16, 37, 45, 47.

 

maxilloFig. 01 : état initial, vue de face.

 

maxilloFig. 02 : état initial, vue de droite.

 

maxilloFig. 03 : état initial, vue de gauche.

 

Le patient souhaite obtenir un sourire plus harmonieux et résoudre la problématique au niveau de la dent 31.

 

Plan de traitement

Le plan de traitement mis en place se décompose en 4 grandes phases :
• Traitement parodontal et prise en charge par les kinésithérapeutes maxillo-faciaux
• Traitement orthodontique par aligneurs
• Traitement implantaire
• Traitement prothétique (restaurations adhésives collées, couronnes implantaires, couronnes dents-portées)

 

Démarche diagnostique

Dans un premier temps, nous réalisons le détartrage et procédons à l’extraction de la 31 qui présentait une mobilité terminale. Nous revoyons le patient 6 semaines plus tard pour une analyse microbienne afin de poser le diagnostic de parodontopathie.
Une fois ce dernier établi et l’enseignement à l’hygiène réalisé, le patient va suivre une thérapeutique de débridements non chirurgicaux pendant 6 mois. Le premier débridement ayant lieu à J0 pour le maxillaire, J15 pour la mandibule puis un recall à 4 mois, et à 6 mois afin de valider la cicatrisation parodontale.

 

Dans un second temps, nous allons une fois le parodonte assaini, prendre la décision de réaliser un traitement par aligneurs orthodontiques. Compte tenu des antécédents du patient, nous réalisons un traitement plus long afin de minimiser les mouvements dentaires et solliciter à minima le parodonte.

 

Pour la fermeture de l’espace de la dent 31, deux choix s’offrent à nous :
Conserver l’espace tel quel et réaliser une prothèse collée en fin d’alignement orthodontique, du type bridge collé à une ailette. Cette solution nécessite que la valeur du pilier soit à son maximum et que le patient puisse passer les brossettes interdentaires.
Fermer l’espace prothétique et éviter au patient des préparations dentaires amélaires inutiles afin de permettre un maintien de l’hygiène facilité. C’est cette piste qui est retenue.

 

Dans la démarche que nous réalisons, une contraction de l’arcade mandibulaire est donc à réaliser.
La prise en charge par le kinésithérapeute maxillo-facial a débuté en même temps que la prise en charge parodontale. En effet, lors de notre anamnèse, nous pouvons noter une expulsion de la dent 31 quasi totale et une langue basse et volumineuse.
De plus la contraction d’arcade que nous allons réaliser et les restaurations prothétiques futures vont comprimer la langue, le traitement orthodontique va modifier le volume lingual, il est donc essentiel de pouvoir gérer l’organe musculaire au plus tôt.

 

Au bilan kinésithérapeutique, on note une dyspraxie linguale. Il s’agit d’une non automatisation de la langue en position haute, associée à une déglutition dysfonctionnelle et à une phonation avec interposition linguale.
Chez le patient, elle se visualise d’abord par une langue basse. La déglutition est également considérée comme dysfonctionnelle, il existe une contraction parasite de la sangle péribuccale et du mentalis, ainsi qu’une poussée linguale contre l’arcade avec interposition linguale entre les arcades ou les lèvres.
De même, la phonation sera qualifiée de dysfonctionnelle puisqu’il existe une poussée linguale avec interposition de la langue sur les sons palataux (l, n, d, t, s).

La rééducation linguale est mise en œuvre.

 

Nous corrigerons la position de repos de la langue. En temps normal, au repos, la pointe de la langue doit donc se retrouver en contact avec les papilles palatines, sans contact avec les dents. Les bords de la langue doivent être en contact avec les procès alvéolo-dentaires des secteurs latéraux maxillaires, et les lèvres doivent être en contact, sans effort ni crispation. La respiration doit être obligatoirement nasale.

Une fois cette position linguale corrigée, nous débutons des exercices de langue afin de lever les immaturités linguales et corriger les parafonctions potentielles (onychophagie, tétage de langue…) qui pourraient compromettre la rééducation.

Enfin, nous réaliserons une correction de la position de la langue à la prononciation et à la déglutition.

 

Traitement en collaboration avec le kinésithérapeute maxillo-facial

 

Quel est le risque si nous ne réalisons pas cette rééducation linguale ?

Tout simplement, la récidive ! La dyspraxie linguale peut être à l’origine de troubles transversaux, verticaux et sagittaux plus ou moins importants.
Parmi les plus importants, on note les proalvéolies ou proalvéolies incisives dues à l’appui de la langue sur les incisives et toujours associées à un manque de tonus labio-jugal.
Lors d’une interposition linguale, la langue peut aussi engendrer des béances alvéolo-dentaires.
Dans d’autres cas, la langue peut être non seulement avancée, mais avec une pointe basse et propulsive, elle peut aussi engendrer une classe III. Dans les cas de classe II division 2, la pointe linguale est basse sur le plancher buccal et la base linguale se trouve dans la voûte. Elle n’équilibre plus la pression labiale excessive, d’où une rétroalvéolie incisive.

 

De manière générale, ces mauvais appuis linguaux risquent de perturber le traitement orthodontique, et notamment mettre à mal sa pérennité à la fin du traitement.
Le dépistage des dyspraxies oro-faciales appartient au dentiste et/ou à l’orthodontiste. Au moindre doute, la kinésithérapeute maxillo-facial réalisera sur prescription un bilan complet et si besoin, une rééducation afin de garantir la meilleure stabilité possible du résultat du traitement.

 

Quand réaliser cette rééducation ?

N’importe quand, à partir du moment où on l’a remarquée.
L’idéal étant avant de commencer le traitement orthodontique, mais le port des gouttières n’est absolument pas incompatible à la rééducation, bien au contraire. Et si la dyspraxie n’a pas été repérée pendant ou avant le traitement, ne pas hésiter à envoyer le patient consulter malgré tout.

À l’issue du traitement orthodontique, la position des dents maxillaires est idéale pour la suite de notre traitement au point de vue esthétique.
La prise en charge orthodontique par aligneurs et sa prédictibilité nous à permis de réaliser l’ensemble des mouvements des dents adjacentes aux endentements pendant les premiers mois de l’alignement afin de nous assurer une absence de mouvements dans les trois derniers mois de la thérapeutique. Ce lapse de temps a permis la pose des implants et leur ostéo-intégration afin que la fin du traitement orthodontique coïncide avec la réalisation de l’ensemble de la partie prothétique.

 

Une fois l’alignement terminé, nous entamons un premier temps prothétique avec la réalisation des couronnes implantaires afin de maximiser le calage postérieur et l’ancrage.
Une série d’aligneurs de finition est commandée afin que la position du bloc incisivo-canin soit idéale pour la future restauration prothétique antérieure.

 

Une fois les finitions réalisées, un set-up numérique est créé puis essayé en bouche.
L’essayage permet également la préparation par pénétration contrôlée afin de toujours respecter le gradient thérapeutique. Celles-ci sont réalisées sur l’arcade maxillo-faciale, les anciennes prothèses sont déposées et les restaurations cavitaires sont déposées sous digue.
Une séance d’essayage des restaurations sera nécessaire afin de valider la teinte et l’opacité des prothèses entre les restaurations adhésives collées sur dents naturelles et les restaurations coronaires sur support métallique type inlay core.

 

Dans un dernier temps, la restauration mandibulaire sur 45 sera déposée et un inlay sera installé.

 

Tout au long de la thérapeutique dentaire, le patient a réalisé une rééducation linguale active afin que la langue accompagne la rétraction et la reformation d’arcade.

maxillo-facial

maxilloFig. 04 : état final, vue de face.


Fig. 05 : état final, vue de droite.

Fig. 06 : état final, vue de gauche.

maxillo
Fig. 07 : sourire maxillaire en fin de traitement.

Fig. 08 : sourire avant/après le traitement.

 

Conclusion 

La prise en charge combinée entre le chirurgien-dentiste et le kinésithérapeute maxillo-facial permet au patient d’être abordé de manière globale et au praticien d’anticiper les problématique de récidive.

 


 

Cet article a été rédigé par le Dr Mathieu Benichou en collaboration avec Megane Jouin, kinésithérapeute maxillo-facial.

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