
Éclairage sur le sujet dentifrice. Pourquoi parfois, moins c’est mieux ?
Produit, Santé bucco-dentaire Par Lina Gassner Kanters le 20-11-2023Plusieurs études de cas montrent que les dentistes ne parlent généralement pas de dentifrice à leurs patients : ce sont plutôt les patients qui abordent le sujet.
Quand les patients n’ont pas de problèmes particuliers, on a tendance à dire : « dès lors qu’il contient du fluor, vous pouvez utiliser le dentifrice que vous préférez ».
Mais est-ce vraiment aussi simple que cela ?
Voici quelques éléments à prendre en compte concernant les arômes, les agents moussants et les colorants lorsque l’on parle de dentifrice aux patients.
La menthe est-elle toujours simplement rafraîchissante ?
Outre le fait de contenir des principes actifs tels que le fluor pour la prévention des caries, le dentifrice sert également à procurer à l’utilisateur une sensation de fraîcheur grâce à l’ajout d’arômes. Les arômes, souvent mentholés ou fruités, sont ajoutés non seulement pour leur parfum et la sensation de fraîcheur qu’ils apportent, mais aussi pour masquer le goût désagréable de certains ingrédients, tels que les tensioactifs.
La menthe dans le dentifrice est souvent un mélange de différents arômes mentholés, tels que la menthe poivrée, la menthe verte, la menthe des champs et le menthol. La concentration de ces arômes peut varier considérablement. Toutefois, la menthe n’est pas rafraîchissante pour tout le monde : les arômes et les parfums font partie des allergènes les plus courants. Certaines personnes sont en fait allergiques à la carvone, un produit chimique organique présent dans de nombreuses huiles essentielles, mais surtout dans la menthe verte. Des réactions au contact oral ou péri oral ont été signalées, et un lien a été établi entre la menthe verte et le lichen plan buccal.
Par ailleurs, les personnes dont la production de salive est altérée ou dont la muqueuse buccale est ulcérée, comme celles qui prennent de nombreux médicaments ou qui suivent une radiothérapie, tirent un grand bénéfice d’un dentifrice très peu aromatisé, voire sans aucun arôme.
Les études scientifiques montrent que les enfants ont une plus grande densité de papilles gustatives dans leur bouche et sont généralement plus sensibles aux saveurs intenses. Toutefois, à l’âge de 11-12 ans, le nombre, la forme et la poussée des papilles se sont stabilisés. Pour les enfants jusqu’à 12 ans, il est donc conseillé de recommander un dentifrice doux, par exemple avec un goût de menthe douce, de préférence différent de la menthe verte. Les enfants atteints de troubles du spectre autistique présentent également des taux accrus de sensibilité au goût et aux textures. Compte tenu de ces faits, il existe à la fois un besoin et une demande de dentifrices non aromatisés.
Un dentifrice doit-il être nécessairement blanc et brillant ?
Dernièrement, le dioxyde de titane a fait l’objet de nombreux débats en tant qu’ingrédient du dentifrice. Il sert à rendre le dentifrice blanc et est largement utilisé comme colorant alimentaire, dans les peintures, les crèmes solaires et autres, avec une production mondiale de 4.800 tonnes en 2022. La raison pour laquelle il a été mis sous les feux de la rampe est sa possible toxicité. Des études récentes sur les nanoparticules de dioxyde de titane administrées par voie orale indiquent que ces particules peuvent en effet avoir des effets toxiques. Une exposition orale répétée à ces particules peut entraîner à long terme une accumulation dans les tissus.
Chez les jeunes enfants, c’est le dentifrice qui contribue le plus à l’absorption du dioxyde de titane (57 %), et c’est pourquoi le débat a surtout porté sur le dentifrice pour enfants. Dans les faits, personne n’a vraiment besoin de dioxyde de titane dans son dentifrice. L’argile blanche kaolin, une argile minérale composée principalement de kaolinite, soit de silicate, peut aider à nettoyer les dents. C’est pourquoi il s’agit d’un excellent ingrédient de remplacement du dioxyde de titane dans les dentifrices.
La mousse est-elle synonyme de dents plus propres ?
La mousse peut donner une impression de propreté, mais la mousse elle-même ne nettoie pas ; d’autres ingrédients, comme l’acide silicique ou l’argile blanche kaolin déjà mentionnée, en sont responsables. Un dentifrice non moussant, ou peu moussant, fonctionne tout aussi bien. En effet, un excès de mousse peut être désagréable pour le patient, et le fait d’avoir la bouche remplie de mousse peut également inciter à se rincer abondamment après le brossage, ce qui n’est pas recommandé.
Pour les enfants, le dentifrice non moussant présente de nombreux avantages : les petits ne risquent pas de s’étouffer ou de se sentir dépassés par la quantité de mousse. De plus, avec moins de mousse les enfants n’ont pas besoin de cracher aussi souvent, ce qui leur permet de se brosser les dents plus longtemps. Les parents auront également une meilleure visibilité sur les dents lorsque la quantité de mousse ne les cache pas.
Le lauryl sulfate de sodium (SLS) est un agent moussant présent dans la plupart des dentifrices. Le SLS est connu pour ses effets irritants et la desquamation des muqueuses, l’irritation ou l’inflammation de la muqueuse buccale ou de la langue, les ulcérations et les réactions toxiques font partie des effets indésirables possibles des SLS. Chez les personnes souffrant de dermatite, d’allergies ou de maladies auto-immunes, la muqueuse buccale est souvent sensible. Le SLS pénètre également dans les papilles gustatives et interfère avec la perception du goût.
En outre, des études montrent que l’utilisation d’un dentifrice sans SLS est bénéfique pour les personnes souffrant de stomatites aphteuses récurrentes. Sans SLS, les ulcères guérissent plus vite et sont moins douloureux.
En résumé, il est conseillé de recommander un dentifrice sans agents moussants ou avec un agent moussant plus doux que les SLS, comme la bétaïne de cocamidopropyle.
En conclusion
En conclusion, concernant les bébés, les enfants et les personnes sensibles, quel que soit leur âge, il reste bon de recommander un dentifrice au fluor avec un arôme doux ou sans arômes ajoutés, sans SLS et sans dioxyde de titane.
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Cet article vous est proposé par le Dr Lina Gassner Kanters de TePe®.
Lina possède une grande expérience pédagogique, ayant travaillé comme enseignante à la faculté d’odontologie de l’université de Malmö. Elle a également travaillé dans la clinique du département de parodontologie de l’université de Malmö, ainsi que dans d’autres cliniques générales et spécialisées à Malmö, en Suède et à Vienne, en Autriche. Ses domaines de prédilection sont la communication avec les patients, la psychologie de la santé et la dentisterie préventive. Titulaire d’un master en santé bucco-dentaire, Lina Kanters est employée par TePe depuis 2015 en tant que Formatrice en Odontologie. Sur ce poste, elle donne des cours d’odontologie dans des universités du monde entier.