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Technique de l’enveloppe pour le traitement des récessions unitaires maxillaires

Technique de l’enveloppe – Traitement des récessions unitaires maxillaires

Parodontologie Par Romain OHANESSIAN le 03-03-2025

La technique présentée ici fait partie des lambeaux positionnés coronairement. Lorsqu’elle est combinée à un greffon conjonctif, elle constitue la technique de choix pour traiter les récessions gingivales unitaires, qu’il y ait ou non une perte d’attache interdentaire(1, 2).
Le traitement des récessions unitaires a été largement documenté, avec des variantes qui ont évolué au fil du temps, à commencer par Raetzke en 1985(3), Allen en 1994(4), Azzi et al.(5) puis Zuhr et al. avec les avancées des techniques de micro-chirurgie(6, 7).

 

La technique opératoire de l’enveloppe

Un patient de 35 ans, se présente au cabinet pour une gêne esthétique et une Hypersensibilité Dentinaire (HD) localisée sur la dent 23. Cette douleur aiguë et brève est apparue après un traitement orthodontique.
Le patient, sans antécédent médical, n’est pas fumeur et n’a pas d’allergie.

 

Lors de l’interrogatoire, il décrit des sensibilités thermiques et au brossage, ce qui affecte sa qualité de vie au quotidien(8). À l’examen clinique, le patient découvre son parodonte lors du sourire forcé (classe III Parodontia). À l’examen intra-oral, on observe un parodonte maxillaire fin et festonné selon Zweers et al.(9) associé à une récession tissulaire marginale de type RT1 (Cairo et al.)(10).

 


Fig. 01 : vue clinique latérale du sourire forcé montrant la récession sur 23.

 

Chez ce patient, le facteur déclenchant des récessions est d’ordre iatrogène, lié à un traitement orthodontique récent, associé au facteur prédisposant de parodonte fin évalué par la palpation.

Lors du bilan parodontal, il n’y a aucune perte d’attache interproximale, l’indice de plaque et le score de saignement sont compatibles avec la santé parodontale. Le diagnostic parodontal est celui d’une gencive saine sur parodonte réduit sans antécédent de parodontite(11). Lors du bilan dentaire, il n’existe aucune lésion cervicale non carieuse ni de restauration iatrogène.

 

Situation clinique du secteur concernéFig. 02 : situation clinique du secteur concerné.

 

Pour diagnostiquer les hypersensibilités dentinaires, un score de Schiff est réalisé sur la dent 23 et un score est donné selon l’échelle SCASS (Schiff Cold Air Sensitivty Scale)(12).
Rappel sur le score SCASS (Schiff Cold Air Sensitivty Scale) :
• Le sujet ne réagit pas au stimulus d’air.
• Le sujet réagit au stimulus d’air mais ne demande pas l’arrêt du stimulus.
• Le sujet réagit au stimulus d’air et demande qu’il soit interrompu ou qu’il s’en éloigne.
• Le sujet réagit au stimulus d’air, considère que le stimulus est douloureux et demande qu’il soit interrompu.
Dans ce cas, la dent concernée est la 23, avec un score de 3.

 

Après avoir collecté toutes les données cliniques, la planification de la technique chirurgicale est réalisée avant l’intervention de chirurgie plastique parodontale.

 

Planification de la technique chirurgicalePlanification de l’épaisseur totale et l’épaisseur partielleFig. 03 : planification de la technique chirurgicale et montrant l’épaisseur totale (full) et l’épaisseur partielle (partial).

 

 

Après une désinfection pré-opératoire exo-buccale et endo-buccale à l’aide d’une solution de digluconate de chlorhexidine, une anesthésie locale traçante est réalisée de 22 à 24 traçante.
La surface radiculaire exposée est soigneusement traitée par surfaçage et polissage afin de rendre les surfaces biocompatibles et favoriser un environnement propice à l’accueil du tissu mou.

 

Surfaçage de la zone radiculaireFig. 04 : surfaçage de la zone radiculaire exposée à l’aide d’une curette de Gracey.

 

La préparation du site receveur débute par une incision intra-sulculaire autour de la récession de la dent 23 et également autour des dents adjacentes des dents 22 et 24 à l’aide d’une instrumentation micro-chirurgicale type Spoon Blade® (MJK Instruments).

 

Incision intra-sulculaire à l’aide d’une lame Spoon Blade MJK®Fig. 05 : incision intra-sulculaire à l’aide d’une lame.

 

Afin de tracter le maximum de tissu kératinisé apical à la récession, un décollement autour de la récession 23 est réalisée jusqu’à la ligne muco-gingivale.

 

Décollement à l’aide de micro-décolleur Deppeler®Fig. 06 : décollement à l’aide de micro-décolleur (Deppeler®).

 

Une dissection en épaisseur partielle superficielle est réalisée au-delà de la ligne muco-gingivale apicalement et latéralement à la récession. Pour limiter le traumatisme tissulaire et le risque de perforation, Zurh et al. recommandent l’utilisation de lames micro-chirurgicales. L’objectif est d’obtenir un lambeau mobile permettant une traction optimale et assurant une bonne vascularisation du greffon conjonctif.

 

Décollement à l’aide d’une lame spoon blade MJK®Fig. 07 : épaisseur partielle à l’aide d’une lame Spoon Blade® (MJK).

 

Les papilles larges, limitant la traction coronaire, sont également décollées pour améliorer cette traction. Bien que le traitement d’une récession unitaire semble simple, la complexité réside dans la capacité à tracter un lambeau sur une petite zone.

 

Greffon conjontif obtenu par mono-incisionMise en place du greffon conjonctif sur le site receveurFig. 08 : mise en place du greffon conjonctif obtenu par mono-incision sur le site receveur.

 

La taille du greffon nécessaire est déterminée à l’aide d’une sonde parodontale sur la zone receveuse puis transférée au palais. Une incision unique est réalisée à la lame 15(13).
Un greffon de 1 mm d’épaisseur est prélevé afin de minimiser le risque d’exposition et garantir une revascularisation rapide entre le lambeau et le tissu sous-jacent pendant la phase de cicatrisation.
Dans ce cas, en l’absence de lésion cervicale non carieuse, il n’est pas nécessaire de prélever un greffon trop épais. Zuccheli et al., ont même démontré qu’un greffon conjonctif d’une épaisseur inférieure à 1 mm pouvait améliorer les résultats esthétiques du site traité(14).

 

 

Situation post-opératoire immédiate avec suturesFig. 09 : situation post-opératoire immédiate avec sutures.

 

Le greffon conjonctif est inséré dans l’enveloppe créée et attaché en mésial et en distal par des sutures type Blair-Donati avec du fil 6/0 monofilament (Néohm®).
Le lambeau est ensuite stabilisé à l’aide de sutures double-crossed décrites par Zuhr et al. suspendues sur des composites inter-proximaux coronaires ne gênant pas l’occlusion du patient. L’aiguille perfore d’abord la base de la papille vestibulaire, et ressort à la base de la papille palatine. Elle est ensuite passée en vestibulaire, au-dessus du point de composite, et la même procédure est répétée en passant par le côté palatin pour réaliser la deuxième crosse. Le nœud est plaqué en vestibulaire en exerçant une pression douce.

 

En post-opératoire, une compression du site est réalisée pendant 5 minutes pour limiter l’expansion du caillot sanguin et favoriser une revascularisation rapide après l’intervention. Une gouttière de protection palatine est mise en place pour protéger le palais durant toute la phase de cicatrisation. Les sutures sont déposées à 10 jours.

 

Comparaison des situations cliniques initiale et à la dépose des points à 10 joursFig. 10 : comparaison des situations cliniques initiale et à la dépose des points à 10 jours.

 

situation clinique à 6 mois après l'opérationFig. 11 : situation clinique à 6 mois après opération.

 

Les techniques de tunnel et d’enveloppe, largement discutées dans la littérature, sont réputées pour offrir des taux de recouvrement élevés, variant entre 80 et 100 %(15). Elles permettent d’obtenir d’excellents résultats esthétiques et favorisent une intégration optimale des tissus conjonctifs.
En outre, une étude menée par Pini-Prato et al. a démontré que la réduction des récessions gingivales unitaires maxillaires et l’augmentation du tissu kératinisé, obtenues à court terme grâce au greffon conjonctif et au lambeau positionné coronairement, peuvent être maintenues à long terme, avec une majorité de sites traités ne présentant pas de rechute du bord gingival(16).
Par ailleurs, Bathavadekar et al. ont observé qu’en l’absence d’incision de décharge verticale, une meilleure stabilité du bord gingival et une largeur de tissu kératinisé plus importante étaient obtenues(17).

 

Conclusion

Grâce à l’évolution de la technique initiale et aux avancées des instruments microchirurgicaux spécialisés, la technique de l’enveloppe modifiée est désormais considérée comme une méthode de choix pour traiter les récessions gingivales unitaires.
De plus, selon les données récentes de la littérature et une méta-analyse récente, la chirurgie plastique parodontale de recouvrement radiculaire est une alternative efficace dans le traitement de l’hypersensibilité dentinaire associée aux récessions gingivales(18).

 


 

Cet article vous est proposé par le Dr Romain OHANESSIAN.

 

Références bibliographiques

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J Clin Periodontol. 2014 Apr:41 Suppl 15:S36-43. doi: 10.1111/jcpe.12219.

(2) F. Cairo, M. Nieri, U. Pagliaro – Efficacy of periodontal plastic surgery procedures in the treatment of localized facial gingival recessions. A systematic review.
J Clin Periodontol. 2014 Apr:41 Suppl 15:S44-62. doi: 10.1111/jcpe.12182.

(3) P. B. Raetzke – Covering localized areas of root exposure employing the “envelope” technique.
J Clin Periodontol. 1985 Jul;56(7):397-402. doi: 10.1902/jop.1985.56.7.397.

(4) A. L. Allen – Use of the supraperiosteal envelope in soft tissue grafting for root coverage. I. Rationale and technique.
Int J Periodontics Restorative Dent. 1994 Jun;14(3):216-27.

(5) R. Azzi, H. H. Takei, D. Etienne, F. A. Carranza – Root coverage and papilla reconstruction using autogenous osseous and connective tissue grafts.
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(6) O. Zuhr, S. Fickl, H. Wachtel, W. Bolz, M. B. Hürzeler – Covering of gingival recessions with a modified microsurgical tunnel technique: case report.
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Réalités Cliniques, Hors série. 2020; 31: 22-26. 

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(9) J. Zweers, R. Z. Thomas, D- E. Slot, A-S. Weisgold, F. G. A. Van der Weijden – Characteristics of periodontal biotype, its dimensions, associations and prevalence: a systematic review.
J Clin Periodontol. 2014 Oct;41(10):958-71. doi: 10.1111/jcpe.12275. Epub 2014 Aug 27.

(10) F. Cairo, M. Nieri, S. Cincinelli, J. Mervelt, U. Pagliaro – The interproximal clinical attachment level to classify gingival recessions and predict root coverage outcomes: an explorative and reliability study.
J Clin Periodontol. 2011 Jul;38(7):661-6. doi: 10.1111/j.1600-051X.2011.01732.x. Epub 2011 Apr 20.

(11) P. Cortellini, N. F. Bissada – Mucogingival conditions in the natural dentition: Narrative review, case definitions, and diagnostic considerations.
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(13) M. B. Hürzeler, D. Weng – A single-incision technique to harvest subepithelial connective tissue grafts from the palate.
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(16) G. P. Pini Prato, D. Franceschi, P. Cortellini, L. Chambrone Long-term evaluation (20 years) of the outcomes of subepithelial connective tissue graft plus coronally advanced flap in the treatment of maxillary single recession-type defects.
J Periodontol. 2018 Nov;89(11):1290-1299. doi: 10.1002/JPER.17-0619. Epub 2018 Aug 10.

(17) N. B. Bhatavadekar, A. S. Gharpure, L. Chambrone – Long-term evaluation (7 years) of coronally advanced flap with (CAF) and without (e-CAF) vertical release incisions using a subepithelial connective tissue graft in the treatment of multiple recession-type defects.
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(18) A. Antezack, R. Ohanessian, C. Sadowski, M. Faure-Brac, A. Brincat, D. Etchecopar-Etchart, V. Monnet-Corti Effectiveness of surgical root coverage on dentin hypersensitivity: a systematic review and meta-analysis.
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