
Il faut qu’on parle !
Actualité Par Marilyn Michel, Vianney Descroix le 03-03-2020Il faut qu’on parle … !
Rédigé par Marilyn Michel et Pr. Vianney Descroix
Cette injonction n’est pas de très bon augure car lorsqu’elle arrive, il est souvent trop tard… c’est que nous avons plus « à dire » qu’« à parler » !
Dans ce contexte, la rupture professionnelle devient alors l’une des pires craintes fondamentales.
Parler sur ce qui ne va pas, mais aussi sur ce qui va, c’est d’abord mettre en commun et ainsi se mettre à réfléchir sur les bonnes et mauvaises raisons, de ce qui provoque le fatidique énoncé.
Dans l’enceinte de nos cabinets dentaires, quelle place accordons-nous non seulement à la parole ou aux échanges mais surtout à communiquer entre chirurgiens-dentistes et les assistant(e)s ? Quel temps nous accordons nous pour mettre en commun et échanger autour de ce qui va comme de ce qu’il ne va pas ? À quel moment pouvons nous considérer que ce temps d’échange et de co-construction est un temps efficace nécessaire et rentable ?
Si on regarde l’étymologie du mot « temps » celui-ci dérive de « tem » qui signifie « couper ». Le temps est donc le découpage de la journée tout comme les instants se succèdent.
Notre rapport au temps est souvent biaisé : il y a un décalage entre la façon dont nous pensons mener « notre » temps et ce qu’il se passe en réalité.
Nos journées sont rythmées par l’agenda du cabinet dentaire qui est un parfait guide pour ne pas oublier la succession de rendez-vous et d’événements.
C’est au travers de ce repère, que nous pouvons sans cesse adapter notre journée : du temps de travail, du temps pour les urgences, du temps de pause obligatoire, du temps de stérilisation.
A-t-on vraiment la notion du temps dans nos cabinets dentaires ?
Lorsque nous entendons le fameux « ça ne va prendre que 5 minutes », beaucoup d’entre nous avons déjà le sourire aux lèvres, car on le sait… les « fameuses 5 minutes… » … on ne les a même pas pour soi … !
Alors nous allons parler de « gestion du temps » ou d’organisation de temps, dans nos entreprises et presque immédiatement on va ramener cette notion de temps à la productivité. En d’autres termes, « organiser son temps » = « travailler plus ».
Et malgré cette réorganisation du temps… toujours les mêmes revendications de l’équipe : « Il n’a pas conscience du temps que cela prend… », « Je n’ai pas le temps de le faire ». Parce que … « faut en “faire de plus en plus, avec le même temps…”».
À force de courir après le temps que nous n’avons pas, nous en sommes aussi réduits à oublier à comprendre que le temps ne nous appartient pas !
Que si une journée se découpe en temps de travail, il faut aussi entendre que le rythme de la journée doit s’adapter à l’homme, et non pas l’inverse. Finalement nous ne perdons jamais notre temps, nous le dédions simplement à certaines activités et comme « choisir c’est renoncer » le temps que nous consacrons à certaines activités ne sera plus disponible pour d’autres. La vraie question est alors de savoir à quoi nous souhaitons dédier notre temps ?
La communication ça prend du temps !
Il faut arrêter de croire que prendre son temps c’est le perdre, par exemple, en matière de communication d’équipe il est bon de se poser et de faire le bilan.
S’accorder du temps pour écouter, nécessite d’être curieux de l’autre, de raconter ce qu’on fait, parler de l’extérieur, introduire ce qu’on a pu vivre.
Une vraie communication va reposer sur les élans de compréhension, confiance, coopération, créativité… et pourquoi pas la curiosité. Communiquer ce n’est pas seulement informer. Communiquer cela veut dire que je peux m’adapter à ce que l’autre me dit, que je peux « méta-communiquer » (savoir dire : « cela ne me convient pas », « je ne comprends ce que vous dites », …). Les spécialistes disent qu’il y a un processus de communication dès l’instant que je peux avoir un retro-control (feedback) entre l’émetteur et le récepteur du message.
Beaucoup d’assistant(e)s renoncent à parler, faute de temps accordé… et beaucoup de chirurgiens-dentistes dénoncent les manques d’avertissements sur la situation.
Le binôme professionnel c’est une équation qu’on pourrait résumer à 1+1 =3. Autrement dit le tout est supérieur à la somme des parties.
Nous sommes deux histoires, deux personnes qui formons un binôme, c’est-à-dire une nouvelle entité « constructible ». En d’autres termes, si être ensemble doit permettre la création d’une nouvelle unité, « le binôme », ne doit surtout pas impliquer la disparition des deux « personnalités » de départ. Ces deux vies qui se croisent, prennent du plaisir à travailler ensemble, et vont rencontrer des obstacles, des disputes et des divergences. Leur association n’est pas additive mais potentialisatrice.
Se donner du temps et donc se donner de l’attention, c’est aussi entretenir ce qui a fait qu’on a choisi de travailler ensemble.
Cela permet de comprendre aussi que selon les phases de notre vie, les attentes de chacun se modifie (maternité, mariage, ambitions et évolution professionnelle, …).
Il est important de pouvoir revenir sur un événement qui a pu être blessant, sur l’origine d’une contrariété (dispute), la veille par exemple.
Pour dire ce qui a pu blesser l’autre, et pour avoir le recul de dire « ça à dépasser ma pensée … ». Souvent à ce moment précis on se rends compte qu’il s’agit de la projection des attentes de l’un, et non pas d’une attaque personnelle.
Pour cela, nul doute qu’il faut créer un rituel. Il permet de faciliter l’échange et partager des idées, ou une revendication, une demande particulière. C’est très différent de la routine qui est synonyme d’ennui !
C’est se retrouver et avoir des choses à partager en se débarrassant des pesanteurs… C’est la mise en commun d’espaces à nous, symbole du vivre ensemble.
L’autre est vraiment un autre, et il faut respecter cette altérité.
Et il y a des jours, et des circonstances où l’autre reprend son caractère, il y a une distance qui est insaisissable. Tout comme le temps qu’on ne peut pas remonter, ou accélérer selon les jours …
Gérer son temps selon ses propres capacités de travail va nous permettre aussi de combattre l’anxiété, la culpabilité voire même la colère par rapport à l’immédiateté.
Ce sont ces sentiments qui nous font exploser, et parfois contre des personnes qui se trouvent là devant nous et qui ne sont pas responsables de la mauvaise gestion de notre propre temps.
Alors à l’inverse si le temps n’appartient à personne et qu’il est le même pour tout le monde, savoir « se poser un temps » ensemble semble être aussi le « terreau » des bons binômes. Prendre le temps d’écouter l’autre, dans sa globalité… ça nécessite une parenthèse. Le temps est une appréciation propre à chacun, nous n’en sommes pas maîtres.
Alors, accordez-vous du temps, car il ne reviendra pas.
2 commentaires au sujet de “Il faut qu’on parle !”
Envoyer un commentaire
Vous devez être connecté pour publier un commentaire.
Très bonne chronique !
“Le temps, le temps
Le temps et rien d’autre
Le tien, le mien
Celui qu’on veut nôtre”
Charles Aznavour
Merci !
La première chose à faire, que l’on voit rarement dans les cabinets français est de donner un siège d’opératrice à son assistante car elle a aussi des jambes qui fatiguent.
Elle est notre égale et mérite les mêmes égards, autant physiques que moraux.
Sans elle, notre travail n’a plus la même qualité.