Le scellement des sillons
Pédodontie, Santé bucco-dentaire Par Marie Dacquin Rabany le 24-10-2022Depuis quelques d’années en France, la maladie carieuse est en régression constante. Son étude montre qu’elle touche préférentiellement les faces occlusales des dents, puis les faces proximales, alors que les faces lisses dentaires sont beaucoup moins affectées. C’est pourquoi le scellement prophylactique des sillons, puits et fissures, a été mis en avant en tant que mesure de prévention.
Des zones de fragilité
L’intérêt anatomique des sillons est double : en plus d’une augmentation du rendement masticatoire, ils constituent des voies d’échappement du bol alimentaire vers les sommets cuspidiens ou les crêtes marginales. Mais il s’agit aussi de secteurs anatomiques à risque. La Haute Autorité de Santé (HAS) met en garde en 2005 en définissant les sillons anfractueux comme des « sillons apparaissant profonds et étroits à l’examen clinique simple. En cas de sillons anfractueux, les versants cuspidiens possèdent souvent des lobes très marqués par des sillons secondaires. »
Ainsi les principales zones de congruence que l’on pourrait retrouver à la surface de l’émail d’une molaire sont :
• Les sillons principaux ou intercuspidiens
• Les sillons secondaires ou accessoires
• Les fossettes marginales situées aux extrémités des sillons principaux
• Les fossettes secondaires situées sur le trajet des sillons principaux
Fig. 01 : vue occlusale d’une molaire permanente (HAS, 2005).
Un bon brossage semble utopique, les poils d’une brosse à dents aussi fins soient-ils, ne peuvent pas parvenir à accéder à ces fissures.
Fig. 02 : schéma d’une molaire lors du nettoyage à l’aide d’une brosse à dents.
Plusieurs auteurs (Batchelor et al., 2004) ont démontré, dans une étude de cohorte de 20 000 enfants de 5 à 16 ans, que les zones les plus touchées par la carie sont la surface occlusale des premières molaires, puis le sillon vestibulaire des premières molaires mandibulaires, suivi des faces occlusales des deuxièmes molaires, leurs sillons vestibulaires pour les maxillaires et linguaux pour les mandibulaires ; ensuite seulement, sont concernées les surfaces proximales.
Le risque augmente même lors de la période d’éruption, c’est-à-dire le laps de temps entre l’apparition des pointes cuspidiennes dans la cavité buccale et son occlusion fonctionnelle. Elle est de 15 mois en moyenne pour la première molaire permanente et de 27 mois pour la deuxième molaire permanente (Ekstrand et al., 2003). Durant ce temps, la dent ne participe pas à la mastication, elle peut donc être soumise à une accumulation de micro-organismes, avant qu’elle ne soit fonctionnelle en occlusion (Opsahl Vital, 2012).
De plus, l’émail immature est plus poreux ce qui le rend plus cariosusceptible. Avec le temps, la minéralisation de l’émail augmente, il devient moins perméable et plus résistant à la lésion carieuse. Pour que la maturation des molaires permanentes soit complète, il faut compter 2 à 3 ans. Elle s’opère à travers des changements physiques et chimiques.
Une thérapeutique préventive
Dans ce contexte, le chirurgien-dentiste tient un rôle primordial, celui de devoir identifier le plus rapidement possible les patients à risque et d‘instaurer un plan de traitement adéquat pour éviter l’apparition, voir la progression de la maladie carieuse.
Après une stratégie de prévention primaire collective en France, la prophylaxie individuelle en dentisterie pédiatrique s’est de plus en plus développée. C’est en 2001 que le scellement prophylactique a été inscrit à la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP) et donc admis au remboursement par les caisses d’assurance maladie. Actuellement, la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) définit le scellement prophylactique des puits, sillons et fissures comme un acte de prévention indiqué en cas de risque carieux et précise que « sa prise en charge est limitée aux 1ères et 2èmes molaires permanentes et peut intervenir qu’une fois par dent et avant le seizième anniversaire ».
L’HAS détermine cette thérapeutique comme « un acte non invasif visant à combler les sillons avec un matériau adhésif fluide qui réalise une barrière physique étanche, lisse et plane qui s’oppose à l’accumulation de plaque bactérienne au contact de la surface amélaire protégée, et qui prévient ainsi la déminéralisation acide à ce niveau ». Il est indiqué sur les molaires permanentes des sujets à Risque Carieux Individuel élevé (RCI élevé) et sur les molaires permanentes anfractueuses quel que soit le risque carieux (HAS, 2005). Certaines associations, comme l’Académie Américaine de Pédiatrie (AAP) et la Société Française d’Odontologie Pédiatrique (SFOP), étendent leurs indications aux molaires temporaires et aux autres dents permanentes mais leur niveau de preuve est faible (Droz et al., 2004 ; Muller-Bolla et al., 2013).
Si une lésion carieuse limitée à l’émail est observée, le scellement reste recommandé, mais l’ouverture des sillons n’est pas préconisée. La prévention secondaire consiste à stopper la progression des lésions carieuses occlusales non cavitaires. L’objectif est de supprimer le biofilm présent et inhiber l’initiation ou la progression de lésions carieuses en bloquant l’apport nutritionnel.
En cas de suspicion de caries dentinaires, il conviendra de nettoyer la lésion à l’aide d’une fraise ou d’air-abrasion et d’utiliser un matériau de restauration. On sort alors du cadre définit.
Leur effet bénéfique sur des dents saines est de 4,5%, sur des lésions initiales cette thérapeutique augmente l’incidence à 41%, soit quasiment une multiplication par 10 (Nowak et coll., 2019). Il a été montré que le pourcentage annuel de progression des lésions carieuses au niveau des sealants placés sur lésions non cavitaires est de 2,6%, ce pourcentage s’élève à 12,6% sur des dents non scellées (Griffin et coll., 2008). L’efficacité de cette thérapeutique est liée à la rétention et à l’étanchéité du biomatériau utilisé, donc au respect d’un protocole rigoureux, c’est-à-dire sous digue ou à quatre mains avec une aspiration chirurgicale continue et rouleaux de cotons salivaires.
Les contre-indications du scellement de sillons
Quelques contre-indications relatives existent :
• L’isolation impossible, qui pourrait compromettre la réussite du traitement. La temporisation par application de fluorures est alors recommandée.
• Le scellement de dents temporaires à un stade avancé de rhizalyse.
• Les lésions carieuses dentinaires cavitaires atteignant le tiers dentinaire (ICDAS 5/ICDAS 6).
Une seule contre-indication absolue est relevée, l’allergie à un des composants du matériau de scellement (Kühnisch et coll., 2010 ; Muller-Bolla, 2018).
Actuellement, la résine composite s’impose comme le matériau de choix lorsque les conditions optimales sont réunies (bonne coopération, isolation satisfaisante de la dent, respect rigoureux du protocole…). Néanmoins, le CVI par sa facilité d’utilisation et sa tolérance à l’humidité tend à s’affirmer et n’apparaît plus seulement comme un second choix ou un compromis.
L’ajout de fluorures aux biomatériaux cherche à établir une barrière chimique supplémentaire. La présence d’ions fluor entraîne à la fois une réduction du risque de déminéralisation et une accélération du processus de reminéralisations. Malheureusement, il a été montré que ces fluorures sont relargués sur une durée relativement courte et qu’aucune différence significative de leur taux n’est observée avant et après la pose des scellements (Simonsen et Real, 2011).
La recherche du matériau idéal est toujours en cours, les évolutions sont nombreuses et les études pour simplifier les protocoles constantes. L’International Caries Detection and Assessment System (ICCMSTM), a défini une stratégie de prise en charge totalement personnalisée et adaptée au patient dans son guide « Le CariesCare ». Le praticien est complétement guidé dans sa gestion du patient en fonction de ses besoins.
Retrouvez ici le cycle des 4D – guide pratique du CariesCare (Beltran et coll., 2019).
Le scellement des sillons, puits et fissures des molaires permanentes s’inscrit dans une démarche préventive globale. En aucun cas, cet acte ne doit délaisser les autres moyens de prévention des lésions carieuses. Le praticien doit faire prendre conscience à l’enfant ainsi qu’à ses parents qu’il est nécessaire de maintenir une très bonne hygiène bucco-dentaire et alimentaire, mais aussi des visites de contrôle régulières afin de mettre en place toutes les mesures nécessaires à une bonne prise en charge du risque carieux.
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