Traitement des bouches sèches : pièges et solutions
Clinique Par Franck Decup, Sixtine Bordeaux, Marjolaine Gosset le 20-03-2019Plus de 20% de nos patients se plaignent de xérostomie, c’est-à-dire la sensation d’avoir une bouche sèche. Les médicaments, tout particulièrement les anxiolytiques, l’âge, le tabac, les maladies auto-immunes avec en chef de file la maladie de Gougerot Sjögren ou encore l’irradiation cervico-faciale, sont associées avec une diminution de production salivaire et constituent les principaux facteurs de risques.
La salive est un facteur de protection majeur de nos dents. Elle est constituée à 99% d’eau mais également de protéines, de sels minéraux, de cellules desquamées, ou encore de facteurs de défense (immunoglobulines, peptides antimicrobiens). Répartie en un fin film sur les tissus de la bouche (dents, parodonte, muqueuse), c’est un élément essentiel de son équilibre : contrôle de la flore pathogène, cicatrisation, lubrification tissulaire, pouvoir tampon, reminéralisation des dents en sont des exemples. On comprend ainsi facilement que la diminution du flux salivaire soit associée avec un risque accru de maladies dentaires (caries, usures dentaires), d’inflammation gingivale, ou encore de candidoses orales, mais aussi un inconfort buccal et des difficultés à l’alimentation (Figures 1, 2).
Diagnostic
Le diagnostic de l’hyposialie n’est pas évident. Elle est caractérisée par un débit non stimulé inférieur à 0,1 mL/min. Mais la mesure du flux salivaire est peu adaptée à une pratique courante. Les signaux d’alarme doivent être trouvés ailleurs. Trois situations doivent nous alerter selon le patient :
(1) Le questionnaire médical révèle la présence d’un facteur de risque de l’hyposialie.
On pourra alors évaluer si le patient ressent cette hyposialie par des questions simples (besoin de boire en mangeant pour avaler, sensation de langue qui colle au palais…) afin d’adapter vos traitements.
(2) Le patient évoque spontanément une sensation de bouche sèche.
On pourra investiguer un problème de santé général : l’existence d’un terrain familial de maladie auto-immune, la présence d’une asthénie (fatigue intense), d’autres sécheresses (oculaires, vaginales) peuvent conduire à adresser le patient à un médecin pour dépister une maladie de Gougerot Sjögren ou une autre maladie auto-immune.
(3) L’observation clinique bucco-dentaire présente un tableau évocateur (multiples caries cervicales, très nombreuses restaurations…)
On pourra penser à interroger le patient pour rechercher l’existence d’une bouche sèche.
Prise en charge
C’est d’abord la prise en charge médicale qui permet de reprendre un certain contrôle sur le déséquilibre.
– Reconnaître et expliquer simplement le rôle de la salive et les conséquences de sa diminution est une première démarche qui rassure le patient.
– Conseiller des gestes et attitudes pour améliorer la vie quotidienne permet de rendre plus acceptable cet inconfort constant.
– Prescrire des stimulants salivaires est possible sous condition de bien les connaître.
– Prescrire du fluor sous des formes adaptées (dentifrice, gouttière, vernis) est indispensable pour compenser les faibles défenses naturelles.
Des traitements dentaires et parodontaux sont très souvent nécessaires. Ils doivent tenir compte de la spécificité des atteintes souvent multiples, sévères et récidivantes. Des soins globaux et rapidement menés, sous forme de traitement sectoriel sont une solution intéressante. La préservation tissulaire demande aussi une réflexion différente.
Des visites de suivi 2 fois par an sont nécessaires.
Il apparaît important de saisir la particularité de ces patients. Le succès du traitement ne peut passer que par un travail sur l’équilibre au quotidien, un accompagnement global et durable et une conscience de la complexité de traitements.
Pour aller plus loin, retrouvez le replay du webinar Colgate sur le thème : Traitement des bouches sèches : pièges & solutions