Je parle « chir-dent » première langue…

Par Serge DESCHAUX le 07-01-2020

Ce psychodrame franco-français autour des retraites et de leurs 42 régimes a un mérite essentiel : celui de connaître la pénibilité du métier des autres, tout du moins telle qu’on entend nous la présenter ou nous la laisser deviner…

Certaines professions, expertes en ostentation de la souffrance endurée au travail, s’exposent en victimes expiatoires. Elles entrainent, derrière elles, une majorité de Français vivant ainsi le conflit par procuration (et dans le chaos des transports publics…).

D’autres professionnels ne s’exposent en rien. Ont-ils pour autant aucune revendication à faire entendre, ou leur silence est-il à vrai dire préférable ?

58 % des chirurgiens-dentistes concernés par le burnout (1), 75 % atteints de troubles musculo-squelettiques (2), y aurait-il une quelconque impudeur à rappeler ces chiffres, concernant 40.000 praticiens devant trimer jusqu’à 67 ans ? Aujourd’hui et dans ce contexte bien précis tel que nous le vivons, je n’entends, ni ne lis désespérément rien en ce sens (même dans les médias professionnels) !

Où se cache l’origine de ce silence assourdissant ? On la trouve intelligemment exposée dans le dernier livre d’Eric Cheysson (3) : à l’instar des pilotes de lignes, les chirurgiens canadiens ont bien compris que « qualité et sécurité » de leurs soins passaient par une évaluation régulière de leurs propres capacités physiques et mentales. Qui en France, parmi toutes les professions libérales de santé confondues, pourrait se soumettre à pareil dictat ? Les réalités médico-économiques et culturelles nous en empêchent. Faut-il malgré tout y renoncer ?

Je parle « cheminot » première langue ! Tels furent les premiers mots de Jean-Pierre Farandou, le jour de sa prise de fonction à la tête de la SNCF, succédant à Guillaume Pepy.

Quel panache, à la veille d’un conflit qui marquera à jamais les annales !

Bien connaître sa profession, dans ses motivations enthousiastes, mais aussi dans les tréfonds de ses doutes et souffrances, c’est bien le minimum que nous puissions attendre de nos propres instances dans la défense de notre espérance de vie en bonne santé.

En attendant, pour ma part et bien modestement, je parle « chir-dent » première langue…


(1) La Lettre du Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-dentistes – « le Choc » – n°166, avril 2018
(2) Chiffres ONSCD (Observatoire national de la santé des chirurgiens-dentistes) de l’enquête nationale de 2011
(3) Eric Cheysson – « L’arrogance du bistouri » – Hugo Doc – 16,95€

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