Les Chroniques de PAL #5 – La mère et l’enfant

Par Les Chroniques de PAL le 26-04-2018

Dans la vie d’un chirurgien-dentiste, il y a des hauts, des bas, des prises de têtes et des coups de cœur. Mais il y a aussi beaucoup d’humour ! Les Chroniques de PAL, c’est justement ces petits moments de la vie d’un confrère qui prend la vie au 3ème degré, avec une plume acérée, des propos très imagés et une passion certaine. Régulièrement le Dr PAL nous fera l’honneur de partager avec nous ses “Cas cliniques”, pour notre plus grand sourire !

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C’est vraiment pénible !
A chaque fois que je prépare, ergonome en diable, un peu de matos en vue d’un cas rosse, le client… euh… le patient ne se pointe pas ! J’ai beau statistiquer dans tous les sens, je dois me rendre à l’évidence : y’a du paranormal là-dedans. C’est tellement bluffant que si j’ai pas envie de voir la tronche du suivant, je prépare tout et c’est le lapin garanti !

Mais il y a encore plus crispant, c’est le casse-burnes qui déboule systématiquement avec dix minutes de retard. Alors ça, pour un maniaque de la toquante comme moi, c’est la pelote de nerfs instantanée ! Cinq minutes, encore, ça peut le faire, en shuntant les salamalecs. Quinze minutes, on peut virer le pignouf sans scrupules pour cause de pas l’temps. Mais dix !

La prochaine, là, Mam’zelle Alabour, elle devrait être sur la bergère depuis 327 secondes chrono ! Celle-là, c’est évident, elle attend dans la rue rien que pour me taper sur les tendons. Ça fait quinze fois que je la braque et qu’elle me sort les mêmes excuses bidon : j’ai raté le tram, les horaires de bus ont changé, y’avait des bouchons, ma batterie était à plat, la nounou ceci, le gamin cela… Elle se fout de moi, c’est clair ! Un jour, je vais lui balancer : « Ecoute, pauvre gourde, t’as le choix : soit je te bâcle pour rattraper le temps perdu, soit tu repasseras ! ».

Ding dong !
Et voilà !! Dix minutes, comme d’hab ! Putain, ça part mal, j’ai déjà le standard explosé et il est pas 10 heures. Quand la vérole est dans le chantier, tout foire, c’est classique ! Tiens, je parie qu’on va voir débouler la grande saucisse d’Eludril qui vient tous les mois depuis des décennies nous gnangnanter qu’il n’y a rien de nouveau. Ou qu’une mielleuse va me bigophoner en plein taf pour une enquête sur la bitte à Urbain.

Je me précipite pour choper la donzelle avant qu’elle ne fonce vers les gogues, histoire de m’exaspérer un peu plus. Horreur et nécrobiose ! Elle a ramené son mouflet !
Le gnard est déjà en train de sprinter dans le couloir en bouffant une infâme viennoiserie 100% beurre. Il est pas gras de rien, bouboule !
En dépit d’une âme sensible et douce, j’avoue, à cet instant, claquer sec un premier câble. Je tire un masque assassin en direction de l’adipeux tout en conviant fermement la cruche à entrer fissa dans le cabinet.

Alors, quelle excuse aujourd’hui ? Y’avait un bouchon de nounous dans le tram qu’était à plat ?

C’est là que le cerveau est bien conçu ! Je cause à la daronne (en gros, t’as cinq secondes pour exhiber tes meulaires au scyalitique) sans quitter le morveux de l’œil. « Tiens, tu vas t’asseoir ici bien gentiment (ceci dit avec un rictus modèle Shining), et fais bien attention de ne pas mettre des miettes partout » (j’agite discrètement la paluche devant son pif croûteux, claire promesse de taloche à la première incartade). Ce petit chieur me toise, narquois. Son plan est limpide : dès que je serai coincé, il va attaquer tous azimuts pour me les briser.

Un quart d’heure pour washtechniquer deux moignons tout prêts tout polis, c’est djeuste, mais c’est jouable. Hardi ! Je zieute : ça craint, faudrait évaser un brin le sulcus !

Arggh ! Le gamin est déjà debout ! «  Môman, môman, t’as mal ? » L’autre tente de baragouiner la bouche ouverte une niaiserie du type « Mais non, mon p’tit cœur, Maman ne sent rien »  Et le v’là qui fait le tour du fauteuil, agrippe et secoue le falzar de sa mère avec ses pattes grasses, puis vient trempouiller ses doigts boudinés dans le crachoir.

C’en est trop ! Je lâche tout et tombe sèchement le masque pour lui asséner un faciès de Belzébuth écumant de férocité explosive. Les crocs serrés, la mydriase fulminante, l’index agressif, je rugis sans articuler : « Bon, maintenant, tu retournes t’asseoir là-bas, tout de suite !! ».

Un peu impressionné, il obtempère provisoirement tandis que la gourdasse, finaude de service, ne peut s’empêcher d’écarter la pompe à glaire pour lâcher la fatale couillonnade : « Si t’es pas sage, le dentiss, y va te faire une grosse piqûre ! ». Ouais, et dans l’œil même ! Ah, bordel, faut être solide !

Bon, revenons à nos moignons ! Foin de cordonnet énervant qui fout le camp à gauche au fur et à mesure qu’on le fourre à droite ! En dessicationnant à donf, le lichte, poussé par le pouti, ira bien au fond des choses ! Allez, un petit mordu express-flash-éclair, et je reste dans la course.

Je sors prestement tout le bourrier, en matant, patibulaire, le moutard qui se goinfre encore. Il a l’air de se tenir à carreaux, mais il faut maintenir la pression maximum. Je malaxe nerveux, je le fixe… je pétris musclé, je le lorgne… je spatule vigoureux… je l’épie. Volte-face, aspi, je sèche tout partout, et injecte au plus intime.

Tiens, elle n’est pas si godiche, elle ouvre le four tout grand et ne le referme pas le temps que je porte empreinte. Tu tiens le bon bout, docteur !

C’est le moment, me dis-je, de solliciter la coopération active du patient :
«  Madame, je vous serais fort reconnaissant de bien avoir l’amabilité de retrouver à présent votre intercuspidie maximale ».
« Hein ? »
« Je disais : tu cadenasses la mangeoire d’un seul coup sans réfléchir, comme d’hab ! Ok ? »
Faut bien vulgariser not’ science !

Après cinq secondes de blanc (le neurone a dû gripper au démarrage), la mandibule se met en branle, prenant immédiatement une direction baroque, oblique et sinusoïdale. « STOP ! Fermez bien droit ! Non, j’ai dit bien droit, les dents du fond… Non, à droite aussi, NON ! Ouvrez, refermez, décalez… ».

C’est pas vrai ! La voilà qui se met à machouiner horizontal, façon chameau ! C’est du carnage, en cinq secondes, elle m’a entièrement chouimgomé l’élastomère ! Raahhh ! C’est râpé, j’enrage dedans, je vitupère de baffes.

C’est le moment que choisit le bouffi, ce nain fourbe, me voyant merdoyer dans le yaourt,  pour déclencher la mère de toutes les batailles. Tandis que l’empotée bave bruyamment les rognures de silicone qui lui encombrent le suçoir, le replet bondit et cavale dans tous les sens en beuglant « Môman, on s’en va, môman, on s’en va… ».

Allez, je capitule. On n’est pas à Fort Boyard ! A la semaine prochaine, à l’heure et sans le branleur, merci !

Pendant que je commence à passer l’aspirateur partout, l’assistante me demande si c’est normal que j’aie rien coté.


A lire aussi : 
Les Chroniques de PAL #1 – Une famille en or
Les Chroniques de PAL #2 – Litige
Les Chroniques de PAL #3 – L’espingouin
Les Chroniques de PAL #4 – Un grand môman

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