J’ai commencé par un mini sondage, 3 semaines après le fatidique 17 mars, jour où nous avons tous vécu l’inimaginable, j’ai posé la question suivante à mes amis, ma famille et même à mes petits-enfants : est-ce que tu t’ennuis ? Certes le sondage n’était absolument pas représentatif, mais quand même, j’ai obtenu un résultat unanime : non, je ne m’ennuie pas. Le déconfinement quand il aura lieu ne sera pas, nous le savons maintenant la grande ruée libératrice qui nous permettra d’aller tous boire une bière au comptoir de notre bistrot favori, d’aller au cinéma ou de courir le marathon qu’on aurait déplacé au 15 juin, non ce sera plus prudent, plus réfléchi et certainement moins festif.
Mais est-ce cela qui nous aura manque le plus ?
Les médias nous auront abreuvé d’infos, de statistiques, de prévisions et de controverses sur de nombreux sujets et les plateformes de streaming nous auront divertis avec un choix presque infini. Nos confrères conférenciers nous auront gentiment prodigué leur savoir au travers de nombreux webinaires de qualité. Nous aurons été confinés quelques dizaines de jours, mais qu’est-ce que 40 ou 60 jours à l’échelle d’une vie ? Nous nous serons découvert des passe-temps, des hobbies, nous aurons eu le temps de passer quelques appels téléphoniques à des amis ou des personnes seules que nous avons un peu négligées, nous aurons fait un peu de sport à la maison, nous aurons lu davantage et nous nous seront peut-être essayé à la méditation en pleine conscience.
Alors non, on ne se sera pas ennuyé, mais quelque chose d’incroyable nous aura manqué : notre travail.
La possibilité de travailler, cette formidable liberté qui se transforme en habitude et dont on n’en ressent pas toujours la richesse et la fragilité tant nous sommes en immersion mentale dans nos cabinets. Nous empêcher de travailler nous rend à coup sûr malheureux ! Nos assistant(e)s ont sans doute cette même envie, la mienne m’a appelé cette semaine pour me dire qu’elle sera la première à retourner au cabinet à la minute où le confinement sera levé « pour voir si tout fonctionne », elle m’a annoncé spontanément qu’elle prenait sa 5ème semaine de congés pendant cet arrêt. Comment ne pas avoir envie d’exercer ce formidable métier de dentiste qui depuis quelques années se transforme en profondeur avec l’apparition du numérique.
Ne prenons-nous pas du plaisir à prendre des empreintes avec un scanner intra oral, à programmer une pose d’implant sur un logiciel qui permettra d’utiliser un guide chirurgical, à réaliser des collages que l’on ne soupçonnait pas pouvoir exister au début de mon exercice (ce mot évoquait davantage une activité d’enfants à la maternelle qu’un mode d’assemblage en dentisterie) et qui ont transformé toutes nos restaurations.
En attendant, restons chez nous, ne nous aventurons pas à rouvrir nos cabinets avant l’heure, nous avons une interdiction stricte de travailler, notre exercice est à risques. Le redémarrage devra pour nous être accompagné de profonds changements de comportement dans l’approche du patient et des soins.
Soyons respectueux des consignes, elles font la preuve de leur efficacité. Ne trahissons pas nos confrères qui assurent les urgences avec beaucoup de courage ainsi que tous les admirables soignants en lutte contre le Covid-19.
Mais quel bonheur quand nous pourrons dire bonjour (sans serrer la main) à notre premier patient « d’après » !
Gérard Barouhiel.
Sexagénaire toujours en activité.