L’Assurance maladie vient de publier son bilan annuel 2015 sur la prise en charge des soins prodigués aux Français.
Près de 3,5 millions d’euros. C’est le montant dépensé en 2015 par les patients français qui ont fait le choix de s’envoler pour la Hongrie afin de s’y faire soigner les dents. La Hongrie concentre environ un quart des dépenses en dentaire effectuées à l’étranger avec un montant moyen par séjour de 1 341 € (plus de 2 500 patients au total).
On peut estimer que ce coût moyen reviendrait entre 4 000 et 5 000 € si les soins avaient été réalisés dans un cabinet de l’Hexagone. La Roumanie est le pays affichant le deuxième montant le plus élevé par dossier avec une dépense de 951 € (près de 600 patients). Avec respectivement 7 796 et 4 817 patients, le Portugal et l’Espagne sont les deux pays accueillant le plus de Français dans leurs cabinets dentaires. Dans le premier cas, le coût moyen des soins (228 € par dossier) laisse à penser qu’il s’agit de soins courants (hors prothèses dentaires) effectués par des ressortissant portugais vivant en France lors d’un retour au pays natal.
En tout, les assurés ont dépensé 12,1 millions d’euros (en augmentation de 3,7% par rapport à 2014) pour se soigner les dents à l’étranger. Ils ont été remboursés pour un montant dépassant les 2,9 millions d’euros (en hausse de 8,8% par rapport à 2014) soit une prise en charge de l’ordre de 24,1%. A titre de comparaison, en 2015, l’Assurance maladie a remboursé plus de 2,7 milliards d’euros pour des soins dentaires effectués en cabinet libéral en France.
Les chiffres sont complexes mais la suite est simple. Les dentistes français payent des cotisations sociales en tant qu’employeur et travailleur indépendant. Une partie de nos cotisations sociales sert à rembourser les patients qui se font faire des soins dentaires à l’étranger. La CSG-RDS et autres charges patronales que nous versons contribuent donc à la prospérité de nos confrères hongrois, roumains, belges ou espagnols.
Je suis un européen convaincu mais n’est-ce pas là une énième incohérence de notre système de soins ?
Pour les patients qui subissent des soins de façon fortuite lors d’un voyage d’affaire ou d’agrément, il est normal qu’ils se fassent rembourser par leur caisse, mais ceux qui partent volontairement pour du “tourisme dentaire” doivent-ils être pris en charge avec l’aide de nos cotisations !
Ubu est toujours vivant et se porte bien !
Une pensée pour nos confrères médecins : selon les données du CNSE, l’Assurance maladie a effectué le remboursement, en 2012, de 84 millions d’euros au titre de soins réalisés à l’étranger pour une dépense totale de 146 millions d’euros.
Sources : Assurance maladie, bilan annuel 2015 sur la prise en charge des soins.
Gérard Barouhiel.
Tout a fait d’ accord, merci de l’ avoir publié…
Cet article est très bien fait. Il pose au fond le problème de l’Europe. Ou on en veut et il faut accepter l’idée de libre circulation et de concurrence, ou en n’en veut pas et alors il fallait s’en apercevoir plus tôt…
Ce n’est pas d’hier que nos politiques privatisent les bénéfices et mutualisent les dettes, considèrent la santé comme une marchandise avec leurs amis les assureurs et les banquiers et méprisent le libéralisme qui n’est au fond, pour eux, qu’un obstacle de plus sur le chemin du capitalisme sauvage.
Lorsqu’on considère les chiffres cités par l’auteur on réalise en fait que les sommes citées pour l’odontologie sont très faibles : 2,9 M d’euros pour 2,7 milliards d’euros de remboursement dans le secteur odontologie c’est très peu. De plus de nombreux actes effectués en Hongrie ou ailleurs ne coûtent rien aux Caisses (les implants ne sont pas pris en charge sauf par les Complémentaires et sont la première motivation de soins à l’étranger).
Avec cynisme, nous pourrions ajouter qu’ils sont aussi la première source de complications pour les patients souvent abusés, ce qui donne aux praticiens français beaucoup de travail en retour.
Sans oublier qu’il suffit de s’adresser à certains centres français qui ont défrayé la chronique récemment pour subir mutilations dentaires ou pratiques à la limite de l’escroquerie.
Comme on le voit, le problème est complexe. Notre profession, très individualiste et trop divisée, est souvent inconsciente du futur qu’elle se prépare si elle ne mesure pas les enjeux et si elle n’apporte pas des réponses fortes et adaptées face à ceux qui ne lui souhaitent guère de bien.