Un Devis Unique en son genre

Par Gérard BAROUHIEL le 27-07-2015

Un “Devis Unique” en son genre, ou comment certains praticiens peu scrupuleux parviennent à manipuler leurs patients par les chiffres.

Il y a quelques semaines, j’avais besoin de faire des travaux d’aménagement à mon cabinet, j’appelle pour cela un entrepreneur que je connais bien, voici, la teneur de nos deux entrevues.

Après deux ou trois échanges de politesse, il passe devant le négatoscope sur lequel il y avait des radios panoramiques présentant des implants, il s’arrête et me dit :

– Ah, ce sont des implants, je les reconnais, je dois m’en faire poser, il me manque des dents. Je suis allé dans un centre médical à côté de chez moi, il m’ont tout expliqué, je ne comprends pas tout en français, mais j’ai très bien compris ce qu’ils vont me faire.
C’est comme de la menuiserie, c’est mon métier, l’implant c’est comme une cheville, et puis on place une pièce intermédiaire et ensuite on met la fausse dent !

– Je vois que les implants n’ont plus de secret pour vous !

– Je vais me décider bientôt, mes dents ne sont pas abîmées mais il m’en manque cinq,  je dois avoir cinq implants.

– C’est très bien Monsieur H., c’est le meilleur traitement qui soit quand il manque des dents.

– Et puis surtout ce n’est pas cher !

– Quand même, ça coûte une certaine somme et les remboursements varient avec les mutuelles.

– Pas vraiment, ça va me coûter 2 110 EUR.

Je commence à douter du type de traitement que Monsieur H. va subir !

– Êtes-vous sûr de ce montant Monsieur H., vous avez certainement une bonne mutuelle ?

– Non, je n’ai pas de mutuelle.

Je me demande vraiment si Monsieur H. a compris les traitements qu’on lui propose.

– Vous ont-ils donné un devis ?

– Oui bien sûr, c’est écrit : total 2 110 EUR

Je me dis qu’il va peut-être simplement avoir un appareil amovible qui lui remplacera les 5 dents manquantes.

– Monsieur H., le montant ne me paraît pas être celui d’un traitement implantaire pour 5 dents, je vais vous prendre une radiographie panoramique si vous le voulez bien, j’y verrai plus clair.

Effectivement les dents de Monsieur H. sont indemnes de carie et de pathologie parodontale, l’édentement concerne 3 secteurs différents et l’indication du traitement implantaire est bien posée. Je fais rapidement le calcul des honoraires que je demanderais pour un cas de ce type, j’arrive à une somme de 10 000 EUR environ.
En lui annonçant la somme, j’ajoute presque en m’excusant un peu :

– Ce sont les honoraires pratiqués dans la région parisienne, je me situe dans le milieu de la fourchette de prix.

– Docteur, me dit-il avec un petit sourire, c’est 5 fois plus cher ! le “centre médical” est aussi dans la région parisienne.

– Monsieur H., puisque nous devons nous revoir pour les travaux de menuiserie, voulez-vous m’apporter le devis qu’ils vous ont donné pour ce traitement ?

– Bien-sûr Docteur, à jeudi.

Comme convenu, lors de notre deuxième entrevue, à peine avoir posé sa caisse à outils, il me tend, avec un petit air de vainqueur, le devis.
Effectivement le devis détaille bien les 5 implants (900 EUR x 5) avec les 5 piliers implantaires (200 EUR x 5) et les 5 couronnes céramo-métalliques ( 900 EUR x 5).
Sur la ligne “total” du devis apparaît le montant pris en charge par la sécurité sociale
qui se monte à ………2 110 EUR. Vous commencez à comprendre.

Et puis je cherche désespérément le montant total du devis que le patient doit régler, la case où doit figurer ce montant existe bien, mais elle est vide ! oui, vous avez bien lu, vide !

Je retourne le document (édité par un logiciel d’ordinateur, je suppose), pas de total des honoraires. Le total à régler a tout simplement été “omis” !

Me voyant chercher, ce pauvre Monsieur H. ose timidement pointer du doigt le chiffre de 2 110 EUR,” voyez Docteur, c’est écrit là !”

Rappelez-vous, Monsieur H. a reçu toutes les explications nécessaires à la compréhension de son traitement, et il a retenu le prix…..de la prise en charge Sécurité Sociale.

Monsieur H. est un peu dépité après cette révélation et puis il est également gêné de n’avoir pas compris.

– Monsieur H., ce n’est pas votre faute, je pense que tout a été fait pour que vous ne reteniez que le chiffre de 2 110 EUR, c’est le seul qui soit écrit en face du mot “totaux”.

J’ajoute enfin que Monsieur H. est bénéficiaire de la CMU. Alors quoi de plus normal de penser que les soins dentaires ne coûtent presque rien, encore un argument à la décharge de Monsieur H. et à la charge de celui qui a établi ce devis.

Que se serait-il passé si M. H. avait signé un tel devis et si les soins avaient été réalisés ? aurait-il pu payer ? Que penser de ces pratiques ?

On peut envisager la suite : le patient accepte le devis, se rend au rendez-vous pour la pose des implants, lors du règlement on lui réclame 4 500 EUR pour les 5 implants. Il a signé le devis, il a subi l’intervention, quelle raison aurait-il eu de refuser le règlement des honoraires ? N’existe-il pas une certaine catégorie de personnes qui n’oserait jamais s’opposer à cette façon de pratiquer ?

Les règles de déontologie et notre éthique personnelle et professionnelle nous obligent à faire un devis à nos patients surtout lorsqu’il s’agit de traitements coûteux.
Le but essentiel du devis est semble-t-il de donner une information claire et intelligible à notre patient quant à la nature des travaux à réaliser et leur coût.

Cher confrère de la banlieue parisienne, je tiens à vous remercier pour votre honnêteté et votre bienveillance vis à vis du patient ainsi que de votre excellente contribution à la bonne réputation de notre profession.

Nous avons mis en place sur la demande de la CNAM, le nouveau devis appelé “devis unique”. J’espère que le vôtre restera “unique” et ne servira pas de modèle à d’autres praticiens .

Si vous souhaitez voir “la pièce à conviction”, suivez-ce lien…

Gérard Barouhiel.

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