L’avatar numérique
« S’il te plaît… Dessine-moi un mouton ! », cette célèbre citation du Petit Prince de Saint-Exupéry est la parfaite illustration de la thématique des représentations et des ratés des échanges entre le chirurgien-dentiste et le laboratoire de prothèse. N’arrivant pas à satisfaire la demande du petit prince malgré plusieurs tentatives, Saint-Exupéry finit par dessiner une caisse dans laquelle se trouve le fameux mouton. La notion de représentations est intimement liée à nos connaissances et à notre subjectivité. Nous devons en permanence essayer de retransmettre des informations objectives pour que nos laboratoires puissent créer les restaurations que nous attendons. Et pour cela, l’avatar numérique semble indispensable !
Heureusement le binôme praticien/prothésiste fonctionne dans la majorité des cas, mais nous rencontrons parfois des situations où les réalisations ne sont pas en accord avec la représentation imaginée. Comment objectiver les informations pour recréer une situation fidèle à celle que nous avons au fauteuil ?
Nous avons aujourd’hui avec le numérique de nombreux outils qui s’offrent à nous et qui permettent de transporter virtuellement le patient au laboratoire de prothèse. Cette représentation graphique, informatique ou avatar, nous permet de créer un clone du patient qui sera transféré au prothésiste. La combinaison d’éléments rendra l’information plus exacte et donc plus objective.
Les données à enregistrer ont été décrites depuis de nombreuses années et ont été listées, que ce soit pour des traitements à vertu esthétique ou fonctionnelle. Nous allons procéder à l’inventaire de ces éléments et à leur enregistrement numérique.
L’empreinte optique
La base de l’échange avec le laboratoire est l’empreinte qui se destine à transmettre des informations d’études (analyse de cas) ou de travail (avec des dents préparées). Elle est traditionnellement réalisée à l’aide d’un porte-empreinte et d’un matériau d’enregistrement en fonction de notre demande prothétique.
Depuis quelques années, l’empreinte optique se pose comme un substitut à cette empreinte conventionnelle en apportant des informations complémentaires, comme la couleur ou le positionnement précis dans l’espace des arcades les unes par rapport aux autres.
Fig. 01 : exemple d’empreinte optique avec un scanner intra-oral 3Shape TRIOS 4.
Fig. 02 : empreinte optique avec un scanner TRIOS 4.
De plus, ce fichier numérique peut se combiner à d’autres éléments 3D ou à de la photographie. C’est la pierre angulaire de la construction de notre avatar !
La photographie numérique
L’information à rattacher à l’empreinte est la photographie. Les éléments qu’elle fournie (couleur et texture) rendent l’échange avec le laboratoire plus objectif mais peuvent aussi renseigner sur des informations extraorales comme les lignes esthétiques (bipupillaire ou ophryaque, arête du nez), la teinte des téguments et des cheveux. Cet outil numérique est utilisé dans la création de 3Shape Smile Design, projets d’études que le chirurgien-dentiste réalise conjointement avec le patient pour définir le cadre esthétique et la forme des dents qu’il souhaite pour sa réhabilitation.
Fig. 03 : exemple de Smile Design.
Fig. 04 : Smile Design.
Fig. 05 : Smile Design pour le patient.
Ce logiciel très performant repose sur la qualité des clichés et l’angulation des prises de vues. Le projet est en deux dimensions, il existe donc une marge d’imprécision qui n’est pas négligeable s’il est mal maîtrisé.
L’imagerie radiologique 3D
Le Cone Beam s’impose désormais dans nos cabinets dentaires pour renseigner sur les volumes radiculaires et osseux en 3D. Démocratisé, grâce entre autres à l’implantologie, son format ouvert et les passerelles de conversion 2D vers 3D donnent des informations très complémentaires à celle de l’empreinte optique. Les systèmes sont de moins en moins irradiants et les algorithmes de reconstructions diminuent les artefacts métalliques.
La combinaison empreinte optique et Cone Beam est à la base de la chirurgie guidée en implantologie. Les informations obtenues servent aussi dans certains plans de traitements orthodontiques pour anticiper les mouvements dentaires au niveau radiculaire et évaluer les volumes osseux.
Fig. 06 : exemple de Cone Beam.
Les fichiers Cone Beam au format DICOM peuvent être transformés en fichiers 3D qui pourront être exportés au format STL, pour être imprimés par exemple, et aider à simuler une intervention.
Fig. 07 : Cone Beam converti en fichier STL.
Le scan facial numérique
Enfin, le dernier fichier que nous pouvons ajouter aux éléments à destination du prothésiste est le visage en 3D du patient. Les informations données par le visage sont essentielles au niveau des repères esthétiques, comme avec la photographie. Contrairement à celle-ci, les alignements de fichiers sont contrôlables dans tous les plans de l’espace, nous affranchissant du problème de parallaxe.
Nous pouvons utiliser ce fichier combiné à celui de l’empreinte optique pour se substituer à un enregistrement d’arc facial et positionner les maxillaires idéalement par rapport au massif facial. Les données dentaires issues du scan facial ne sont pas déformées et peuvent être facilement corrélées.
Fig. 08 : exemple de scan facial.
Fig. 09 : analyse scan facial.
Maintenant que nous avons enregistré toutes les informations anatomiques, il ne reste plus qu’à transférer l’ensemble au laboratoire de prothèse. Celles-ci sont directement accessibles et utilisables dans les logiciels de laboratoire.
Fig. 10 : les fichiers 3D assemblés.
L’occlusion dynamique
Il est désormais possible d’aller au-delà de ces informations statiques en transférant les mouvements réels du patient, soit systématisés (propulsion, latéralité) soit libres (mastication). Ces enregistrements dynamiques permettent de créer des restaurations sur-mesure. Ils sont également un moyen de suivre certaines pathologies articulaires.
Fig. 11 : occlusion dynamique.
Aujourd’hui, il est possible de numériser intégralement le patient au cabinet et transférer les informations collectées très facilement au laboratoire de prothèse.
Conclusion
Si nous nous projetons, nous pouvons imaginer que d’ici quelques années nous pourrons réaliser un plan de traitement virtuel avec une vision des transformations (comme une augmentation de la dimension verticale ou la finalité d’un traitement orthodontique) et de leur impact sur les tissus durs comme sur les tissus mous. La virtualisation de l’information nous ouvre la voie de la médecine bucco-dentaire prédictive.
Cette dentisterie nous offrira une vision de la finalité de nos traitements et nous permettra de prévenir les difficultés de traitement. Le numérique sera aussi un formidable outil pour motiver nos patients et leur expliquer les tenants et aboutissants de nos traitements.
Remerciements aux Dr Crauste et Dr Wojtiuk pour les enregistrements des données ainsi qu’au laboratoire Digital Labs pour la compilation de ces dernières.
Ce cas clinique vous est proposé par 3Shape.