Conception et impression du guide chirurgical au cabinet
Implantologie esthétique Par Gary BOCCARA le 06-03-2021Introduction
L’implantologie est la principale révolution en dentisterie du XXè siècle. Elle a néanmoins connu un grand changement passant d’une approche guidée par la chirurgie à une approche guidée par la prothèse afin de maximiser les résultats fonctionnels et esthétiques.
Pour nous aider dans cette tâche nous pouvons aujourd’hui compter sur l’outil numérique tel que les scanners radiologiques, caméra optique ou encore les logiciels de planification.
À cela vient s’ajouter aussi l’imprimante 3D qui peut elle aussi venir s’inscrire dans cet univers.
L’outil clé de cette planification va être le guide chirurgical qui en découle et qui va permettre le véritable transfert de la planification numérique en bouche.
À travers cet article et un cas clinique, vous trouverez le step-by-step pour vous permettre de réaliser et d’imprimer vous-même au cabinet votre guide chirurgical.
Quel est le matériel nécessaire pour réaliser un guide chirurgical au cabinet ?
• Un scanner intra oral ou un scanner de table
• Un cône beam
• Un logiciel de planification (type blueskyplan-meshmixer)
• Une imprimante 3D
Cas clinique
Cette jeune patiente âgée de 35 ans vient nous consulter pour une réhabilitation globale. Elle présente un édentement bilatéral encastré CLASSE III div 1 de Kennedy au maxillaire, avec absence des 15, 16, 24, 25, 26 et 27.
À la mandibule, elle présente un édentement de classe III div 1 avec absence des 35, 36, 37, 45, 46 et 47.
Notre patiente souhaite une réhabilitation fixe avec des implants.
Dans cette présentation, nous allons voir la conception et l’impression d’un guide chirurgical au maxillaire.
Fig. 01 : empreinte numérique du maxillaire et du mandibulaire.
Nous réalisons dans un 1er temps une empreinte numérique des arcades maxillaire et mandibulaire.
Puis dans un 2è temps, nous réalisons un Cone Beam pour évaluer la qualité et la quantité d’os disponible. Afin d’obtenir la meilleure qualité d’image, nous réalisons des clichés grands champs avec une haute résolution. Il faut faire en sorte que les 2 arcades ne se touchent pas, pour cela nous allons faire serrer le patient sur des cotons salivaires, et nous utiliserons aussi des écarteurs de bouche pour éloigner les tissus mous le plus loin possible des dents.
Nous avons donc en notre possession le fichier STL (empreinte numérique des arcades) et le DICOM (examen radiologique) qui vont nous permettre de réaliser notre guide chirurgical.
Protocole de planification implantaire
Nous allons voir les différentes étapes de la planification numérique du guide chirurgical par le praticien lui-même à son cabinet. Ces étapes sont communes à l’ensemble des logiciels de planification numérique.
Objectifs de planification
Une planification précise va chercher à :
• Déterminer le ou les sites implantaires
• Choisir la longueur, le diamètre, et le type d’implant que l’on souhaite utiliser
• Déterminer son positionnement dans les trois dimensions
• Créer un guide chirurgical virtuel
Importation de données DICOM
Les fichiers DICOM vont devoir être importés dans le logiciel.
Définition de la zone d’intérêt
Réduction de l’arcade que l’on souhaite traiter. Il nous faut donc définir celle-ci dans les trois plans de l’espace.
Dans notre cas, nous allons réduire le champ afin de n’obtenir que le maxillaire supérieur et une partie des dents mandibulaire.
Fig. 02 : importation DICOM et sélection de la zone d’intérêt.
Importation des données STL et « matching »
Issus d’une empreinte optique en bouche ou d’une numérisation par un scanner de table, plusieurs fichiers STL peuvent être importés.
Pour ceci, aller sur l’onglet fichier, importer le modèle STL puis sélectionner le modèle STL souhaité.
Fig. 03 : importer le fichier STL.
Le matching consiste à superposer les données STL aux données DICOM. Il existe plusieurs méthodes pour réaliser la superposition : point par point, dent par dent ou automatique. Avec la nouvelle version, le matching se fait automatiquement de manière très précise.
Fig. 04 : le matching.
La fusion des images 3D et 2D est alors possible et réalisée. Pour vérifier le bon matching, nous vérifions si les contours du fichier STL se superposent correctement sur les contours des dents du dicom.
Fig. 05 : contrôle du matching.
Cinq différentes fenêtres vont possiblement s’ouvrir simultanément, une coupe transversale, une coupe sagittale, une coupe axiale, la courbe panoramique et une vue 3D.
Fig. 06 : perspective, implant tangentiel 5.
Nous pouvons alors commencer notre planification. Nous allons utiliser principalement 5 panneaux nécessaires à la réalisions du guide chirurgical : surfaces, alignement du modèle, liste des dents, liste des implants, fabrication du guide.
Fig. 07 : panneaux à sélectionner.
Choix de la ou des dents à remplacer, positionnement et choix des implants
Nous pouvons dans un premier temps placer la future couronne au niveau de l’édentement, modifiant sa taille et son angulation afin de correspondre au mieux à aux attentes finales du projet, puis faire correspondre un implant.
Si plusieurs implants sont nécessaires, un paramétrage du parallélisme est possible afin de simplifier leur mise en place sans occasionner d’incohérence au niveau prothétique.
En suivant notre principe selon lequel c’est la prothèse qui guide notre projet, nous allons d’abord mettre en place la ou les couronnes puis déterminer la position des implants.
Fig. 08 : choix des dents.
Fig. 09 : visualisation numérique de l’arcade maxillaire avec les dents en place.
Fig. 10 : choix de l’implant.
Fig. 11 : vue panoramique dents + implants.
Choix de la future douille/cylindre de guidage
Une fois la position validée, il est alors possible de faire le choix du ou des cylindres de guidage. Ces derniers varient avec leur fonction et le type de guide chirurgical que l’on souhaite. Pour ma part, en chirurgie guidée avec foret pilote, j’utilise la douille de chez Steco sans lèvre.
Voici les différentes étapes pour la mise en place des douilles :
> Sur le logiciel, se mettre en mode avancé (en haut à droite).
> Dans la case « kit de forêts », choisir « Custom kit ».
> Le diamètre de trou de guidage doit être légèrement plus grand que le diamètre externe de la douille. Pour ma part, j’augmente de 0.04 mm pour avoir une bonne friction. Cela dépend de votre imprimante 3D.
> La hauteur correspond à la hauteur totale de la douille.
> Le décalage correspond à l’offset. C’est la distance entre le sommet du tube de guidage et le bord supérieur de l’implant. Il ne doit pas être trop grand (entre 8 et 10 mm).
Grace à l’offset, nous allons pourvoir déterminer la profondeur de forage.
PROFONDEUR DE FORAGE = longueur de l’implant + offset
Si nous travaillons avec des douilles qui ont une lèvre, il faudra rajouter cette hauteur pour calculer la profondeur de forage.
PROFONDEUR DE FORAGE = LONGUEUR DE L’implant + offset + hauteur lèvre
Fig. 12 : visualisation numérique avec les douilles en place.
Délimitation du futur guide (onglet fabrication guide)
Il s’agit là encore de délimiter dans un premier temps les dents et/ou les surfaces d’appui. Puis nous venons affiner les limites afin de réduire les risques d’interférences ou de bascules.
Un conseil, ajoutez des fenêtres pour valider la bonne insertion du guide chirurgical en bouche lors de la chirurgie.
Fig. 13 : délimitation du futur guide chirurgical.
Fig. 14 : visualisation numérique du guide chirurgical avec plusieurs fenêtres.
Une fois que votre guide est prêt, il faudra l’exporter. Pour cela il faudra payer une vingtaine d’euros pour obtenir votre guide en format STL.
Les intérêts de cette planification numérique sont :
• Une correspondance d‘une extrême précision entre les données sur lesquelles nous allons baser notre planification et la situation anatomique réelle grâce à l’imagerie sectionnelle
• Une localisation des obstacles anatomiques
• Une exploitation optimale du volume osseux disponible et de sa densité qui permettra de limiter les interventions annexes
• Faire le choix d’implant le plus judicieux en termes de longueur, de diamètre et de son mode de maintien de la prothèse (scellée ou transvisée) en choisissant parmi de nombreux implants disponibles ou en les créant selon les dimensions des implants à notre disposition
• Permet d’avoir un axe implantaire mécaniquement fonctionnel réduisant ainsi le risque de péri-implantite pouvant aboutir à la perte de l’implant
• Une pré-visualisation de notre projet final, à la fois utile pour le praticien mais aussi pour notre patient afin qu’il comprenne le projet dans lequel il s’engage. Il représente un excellent outil de communication pour notre patient
• Le guide qui en découle aboutit à une meilleure reproductibilité de notre projet lors de son application en bouche, ce qui va permettre une facilitation de la mise en charge immédiate ou, dans les cas d’extraction-implantation, d’obtenir une stabilité primaire plus efficace
• Augmenter la précision lors de la pose des implants, spécialement en cas d’absence de repères anatomiques et d’envisager des chirurgies moins invasives
Impression du guide chirurgical
Comment passer de nos données numériques à une application clinique fiable et précise ? Il faut être capable de transposer la planification en bouche.
Pour cela, nous allons utiliser un guide chirurgical. Il est la synthèse des informations collectées nécessaires à un bon positionnement implantaire.
Les guides chirurgicaux doivent répond à un cahier des charges :
• Ils seront précis, stables et rigides
• Leur mise en place doit être facile et reproductible
• Ils permettront le contrôle tridimensionnel du positionnement implantaire (ils sont généralement transparents)
• Ils ne doivent pas interférer avec le geste chirurgical lors de l’élévation des lambeaux
• Ils permettront le refroidissement des forêts pendant l’intervention
• Ils doivent être compatibles avec le protocole de forage
• Ils seront peu encombrants et doivent tenir compte de l’ouverture buccale pendant le forage
• Ils devront être stérilisable sans déformation
• Ils seront biocompatible de classe 1 selon la norme ISO 10-993
La création de ce guide chirurgical va se faire avec une imprimante 3D qui utilise le procédé de stéréolithographie. L’impression 3D utilisera les informations produites par notre planification.
Qu’est-ce que la stéréolithographie ?
La stéréolithographie ou SLA, a débuté en 1984 grâce aux travaux de Charles W. HULL aux Etats-Unis.
Un fichier .STL issu d’une planification sera nécessaire ainsi qu’un un socle et des attaches provisoires seront prévus pour éviter toute bascule de l’objet imprimé.
Fig. 15 : modèle issu de la formlab2.
La From2 est une imprimante qui utilise ce procédé. Elle est pilotée par le logiciel Preform, celui-ci découpe l’objet en de nombreuses couches qui seront imprimées successivement.
L’imprimante est composée de :
• Un bac où se trouvent les composants liquides cités plus haut
• Une plateforme horizontale mobile verticalement, qui va servir de support au modèle en cours de réalisation
• Un laser couplé à deux déflecteurs permettant d’orienter le faisceau
Fig. 16 : formlab2.
Les objets sont imprimés avec une résine se composant d’un mélange de monomères acrylates ou époxys et d’un photoinitiateur. Le rôle du photoinitiateur est d’initier la polymérisation de la résine sous l’effet de la lumière.
Dans notre pratique, nous utiliserons la résine dental SG pour les guides chirurgicaux. C’est une résine biocompatible de classe 1 : une classification correspondant aux dispositifs médicaux non invasifs, ou en contact avec une peau lésée.
Choisir toujours une qualité d’impression maximale de 50 microns.
Le grand principe sur lequel repose cette technique est celui de la photopolymérisation couche par couche d’un polymère par un faisceau laser UV piloté par ordinateur.
Pour mieux comprendre le procédé de Stéréographie, voici un schéma du guide de la CFAO dentaire.
Les différentes étapes sur le logiciel Preform pour l’impression d’un guide chirurgical
Dans un premier temps nous orientons le guide. Lors d’une impression 3D, il faut toujours orienter le guide de façon à ce que l’intrados du guide ne soit pas du côté du support, et de manière à ce qu’il soit penché comme sur la photo pour obtenir une meilleure précision d’impression.
Fig. 17 : position penchée du guide sur socle.
Les supports :
• Toujours sélectionner comme type de base une base complète.
• Densité des supports : 0,70
• Taille des points de contact : 0,70mm
• Puis cliquer sur « tout générer automatiquement »
Fig. 18 : caractéristiques des supports.
Puis nous contrôlons s’il y a suffisamment de supports pour imprimer le guide dans de bonnes conditions. S’il manque des supports à un endroit, la zone apparaîtra en rouge. Si une partie du modèle est rouge foncé, c’est que cette zone du modèle n’est pas supportée, elle ne sera probablement pas imprimée correctement.
Fig. 19 : zone rouge montrant un manque de support.
Il suffit d’ajouter des supports pour faire disparaitre ces zones rouges.
Fig. 20 : disparition des zones rouges avec la mise en place de nouveaux supports.
Attention à ne pas avoir de support dans la partie interne du guide où les douilles doivent être insérées. Cela peut engendrer un défaut de positionnement de la douille.
Fig. 21 : mise en place des supports avant impression.
Fig. 22 : visualisation du guide avant impression.
L’agencement du modèle ne doit pas se faire toujours au même endroit sur le socle afin d’éviter d’user le silicone de la cuve à un endroit donné.
Votre guide est enfin prêt à être imprimé. Pour ce type de guide, il faudra patienter 2h45 avant que le guide soit complètement imprimé.
Étape du post traitement
Une fois l’impression terminée, il faudra passer notre guide dans la form-wash et la form-cure.
Fig. 23 : form-wash et form-cure.
Voici les différentes étapes :
• L’alcool Isopropylique (form-wash)
Une fois le guide imprimé, il doit passer dans le bac contenant de l’alcool isopropylique (IPA). Il doit être immergé pendant 12 minutes
• Séchage
• Suppression des supports et mise en place de la douille
• Exposition aux UV (form-cure) :
– Lumière bleue UV-A et UV-blue
– Puissance électrique de 108 watts pendant 30 minutes
– 60°
Pendant le post traitement, la couleur va passer d’un jaune translucide à un orange translucide.
•Stérilisation. L’une des séquences de températures recommandée en autoclave est la suivante :
– 134° pendant 6 minutes
– 121° pendant 15 minutes
– 138° pendant 3 minutes
Une désinfection à froid est possible :
– Utilisation de produits non chimiques (bain de bouche à la chlorhexidine)
– Une solution à l’éthanol
Fig. 24 : guide chirurgical en bouche avant la chirurgie.
Fig. 25 : résultat après la chirurgie guidée.
Conclusion
Le guide chirurgical va nous permettre de transposer une planification virtuelle en un projet réel.
Ces avantages sont les suivants :
• Gain de temps lors de la chirurgie
• Gain en précision
• Confort pour le patient
• Sérénité pour le praticien lors de sa chirurgie
• Réaliser des chirurgies en Flapless
Néanmoins, il faudra du temps au départ pour réaliser les guides nous-mêmes, mais avec de l’expérience et la maîtrise du logiciel, nous allons réaliser nos guides en moins de 20 minutes pour plusieurs implants. Ce temps investi sera largement gagné lors de notre chirurgie.
À cela, il faudra ajouter au maximum 3h d’impression pour obtenir notre guide.
Pour équiper notre cabinet d’une imprimante 3D, le coût est d’environ 5 000 euros. Le coût d’export pour un guide chirurgical est de 20 euros sur Blueskyplan. Le prix d’une cartouche de résine d’un litre de dental SG est de 350€. Nous avons besoin en moyenne de 15 à 20 ml de résine pour réaliser un guide chirurgical soit un montant de 7€ / guide.
Le coût net d’un guide chirurgical sera aux alentours de 40 euros. Le prix pour la réalisation d’un guide pour un implant réalisé par des sociétés spécialisées est de 120-130 euros. Ce prix peut être encore plus élevé en cas d’implants multiples.
Si cette technique nous apportera de très nombreux avantages lors de notre chirurgie, il semble qu’elle ne soit adaptée pas aux des praticiens débutants en implantologie. En effet, je pense qu’il faut au cas où la chirurgie ne se passe pas comme nous le souhaitons, pouvoir reprendre la main et réaliser cette chirurgie sans guide.