L’alignement dentaire, 1ère étape du gradient thérapeutique
Esthétique, Orthodontie en omnipratique Par Camille LAULAN le 23-09-2021Introduction
Depuis quelques années, un changement de paradigme replace l’économie tissulaire au cœur du métier de chirurgien-dentiste. Le gradient thérapeutique, décrit par Gil Tirlet et Jean-Pierre Attal en 2009, classifie les thérapeutiques de la plus conservatrice à la plus mutilante et donne un axe de réflexion quant au traitement à mettre en place.(1)
Fig. 01 : gradient thérapeutique.
Cas clinique
Il n’est pas rare, de nos jours, que les patients arrivent au cabinet dentaire avec des demandes bien précises, mais il est de notre devoir de les aiguiller afin de répondre à leur demande, et ceci avec le moindre coût biologique. Par exemple, cette patiente est arrivée avec une demande de facettes. Elle avait au préalable consulté un orthodontiste qui lui avait proposé la solution optimale mais comportant une chirurgie… Une intervention que la patiente ne souhaitait pas réaliser et dont le déroulé et les complications peuvent parfois effrayer les patients.(2)
C’est pour cela qu’elle s’est présentée au cabinet avec une demande prothétique et non orthodontique. Or, dans la situation actuelle afin de redresser les axes, réaliser des facettes aurait été très mutilant. La vitalité pulpaire de certaines dents aurait été engagée. La demande de facettes n’a pas été refusée, mais un traitement par aligneurs en amont ainsi qu’un éclaircissement ont été proposés. À la fin de ces deux étapes, une réévaluation sera faite avec la patiente en fonction de sa satisfaction.(3)
Fig. 02 : vues occlusales et frontales pré-traitement.
Cependant le prérequis, comme dans la plupart des cas de béance, est de diagnostiquer une dysfonction orale et en particulier une dysfonction linguale. En effet, la patiente présentait une succion digitale depuis l’enfance. Ce qui implique en amont, pendant et après le traitement, une prise en charge multidisciplinaire alliant orthophonie et kinésithérapie.(4,5)
De plus, vu l’angulation vestibulaire des incisives maxillaires et l’indication chirurgicale antérieure, des CBCT de contrôle ont été exceptionnellement réalisés pour ce cas, au début et à la fin du traitement pour s’assurer de la préservation d’une corticale vestibulaire.
En effet, même si en omnipratique la téléradiographie de profil est toujours bénéfique, elle n’est pas obligatoire et contrairement à des imageries 3D, on la trouve rarement au sein de cabinet d’omnipraticiens.(6)
Fig. 03 : coupe sagittale de 11 et 21 pré et post-traitement.
L’intérêt de cette orthodontie digitale réside dans la prédictibilité et la reproductibilité des résultats, afin non seulement de contrôler les mouvements mais également de planifier les plans de traitements esthétiques en amont. Ceci permettant encore une fois à l’omnipraticien de proposer différents plans de traitements au patient. Ce dernier pourra choisir de façon éclairée, même si le praticien orientera pour la solution la plus conservatrice possible.(7,8)
Fig. 04 : vue occlusale du plan de traitement virtuel ClinCheck (avec l’outil superposition nous permettant de voir l’évolution des positions dentaires).
Fig. 05 : vues frontales pré et post-traitement.
Fig. 06 : guidage antérieur post-traitement.
À la fin du traitement par aligneurs (permettant de corriger les positions dentaires de 5 à 5), un éclaircissement a été réalisé ainsi que deux petites gingivectomies sur les dents 22 et 23 dans le but de réaligner les collets. Les collets de 11 et 21 ayant été harmonisés uniquement grâce aux mouvements orthodontiques.
Fig. 07 : vues occlusales et frontales post-traitement.
Finalement à l’issu de ce traitement, la patiente étant pleinement satisfaite de son sourire, elle ne souhaitait plus mettre en place une thérapeutique passant par des facettes en céramique. Un sourire retrouvé pour un coût biologique nul, aucun stripping n’ayant été réalisé et ceci en moins de 6 mois.
Fig. 08 : sourire de la patiente avant et après traitement (alignement dentaire, éclaircissement et gingivectomies).
Dans de tels cas et pour la pérennité du traitement en plus de la prise en charge fonctionnelle, la contention (étape indispensable de tout traitement d’orthodontie) doit être encore plus optimale et elle sera conseillée à vie avec des contrôles réguliers.(9)
La demande du patient est primordiale mais il est de notre devoir en tant que praticien et dans le respect des données acquises de la science et du principe « primum non nocere », d’éclairer le choix de notre patient et de l’orienter vers les solutions les plus conservatrices possible.
L’orthodontie en tant que telle doit toujours être une première option dans la tête des praticiens, et ceci que l’on adresse ou pas. Cependant, dans les cas simples ou dans les refus de traitement plus longs, les techniques d’alignement pour l’omnipraticien sont des alliés de choix au service de la préservation tissulaire et du gradient thérapeutique.
Références bibliographiques
(1) Tirlet G., Attal J-P. – Le gradient thérapeutique un concept médical pour les traitements esthétiques.
Inf Dent 2009 Vol 91(41/42) : 2561-2568
(2) Olate S., Sigua E., Asprino L., De Moraes M. – Complications in Orthognathic Surgery.
J Craniofac Surg 2018 Mar;29(2):158-161
(3) Muller C. – Malpositions antérieures: la solution est souvent orthodontique.
Inf Dent 2009, Vol 91(41/42) : 2577-2582
(4) Lambrechts H., De Baets E., Nieuws S., Willems G. – Lip and tongue pressure in orthodontic patients.
Eur J Orthod 2010 Aug;32(4):466-471
(5) Garrett J., Araujo E., Baker C. – Open-bite treatment with vertical control and tongue reeducation.
Am J Orthod Dentofacial Orthop 2016 Feb;149(2):269-276
(6) Jansen C. – CBCT technology for diagnosis and treatment planning: what general practitioners should consider.
Comprend Contin Educ Dent Nov-Dec 2014;35(10):749-753
(7) Dahan S., Boissi N. – Le set-up numérique la révolution de l’orthodontie digitale.
www.lefildentaire.com 2019
(8) Hacmoun D. – Intégration des aligneurs Invisalign en omnipratique : comment optimiser les résultats esthétiques.
www.lefildentaire.com 2021
(9) Danz JC., Greuter C., Sifakakis I., Fayed M., Pandis N., Katsaros C. – Stability and relapse after orthodontic treatment of deep bite cases, a long-term follow-up study.
2014Oct;36(5):522-530