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Le laser Er:YAG en odontologie

Lasers Par Cléa WAGNER, Romain GABRIEL, Alexia LARDERET le 27-05-2024

Le monde médical dentaire a vu émerger depuis le milieu du siècle dernier une dizaine de lasers, dont les principaux sont le laser diode, laser CO2 et laser Er:YAG. Leurs applications dépendent de leur longueur d’onde, de laquelle en résulte l’absorption de l’énergie dans le tissu cible, et de leur capacité à pénétrer le tissu cible(1, 2, 3, 4).

 

Parmi ces lasers, le laser au grenat d’yttrium-aluminium dopé à l’erbium (laser Er:YAG) se distingue avec sa longueur d’onde de 2 940 nm, correspondant au pic d’absorption de l’eau et de l’hydroxyapatite. Ces éléments sont présents dans les tissus durs et mous de la cavité buccale, conférant à cet outil une grande polyvalence en dentisterie. À cet égard, le laser à CO2 présente un avantage similaire, mais avec une capacité de pénétration dans le tissu dix fois supérieure : 0,03 mm contre 0,003 mm pour le laser Er:YAG. La maîtrise de la profondeur de pénétration de l’énergie dans le tissu revêt une importance cruciale si l’objectif est de cibler avec précision un tissu(5).

 

Des précautions d’usage doivent cependant être employées lors de la manipulation de ce type de laser, notamment le port de lunettes de protection pour le patient et le praticien. Bien que rares, les risques associés à cette technique doivent être considérés. Une irradiation mal contrôlée ou réfléchissant au niveau des surfaces métalliques peut en particulier causer des dommages au niveau de la gorge ou des tissus oraux du patient, et des yeux du patient et de l’opérateur.

 

Principes de fonctionnement et caractéristiques du laser Er:YAG

Les lasers utilisent l’effet photoélectrique du milieu amplificateur pour créer une énergie. Dans le cas du laser Er:YAG, le milieu amplificateur est un solide cristallin constitué de grenat d’yttrium et d’aluminium (YAG), dans lequel les ions Y3+ sont remplacés par des ions erbium (Er3+). Il en résulte la libération de photons d’une longueur d’onde de 2 940 nm.

 

Schéma laser Er:YAG
Fig. 01 : ce schéma représente le principe de fonctionnement d’un laser. La création des photons dans le milieu amplificateur se fait par le biais de la source de pompage. Les miroirs permettent d’obtenir la quantité de photons désirée, puis les photons sont libérés et envoyés vers le système de transmission en passant par un miroir et une lentille focalisante qui permet de concentrer les photons. Pour le laser Er:YAG, le système de transmission est un système plein, avec un contre angle sur lequel s’ajoute un embout adapté.

 

Lorsque des photons interagissent avec le tissu cible, plusieurs effets se manifestent en fonction de la composition du milieu du tissu cible : effet photo-ablatif, effet photochimique, effet photoacoustique et effet bactéricide.

• Fonctionnement de l’effet micro-ablatif (ou photo-ablatif) :
L’énergie lumineuse produite par le laser (le photon) est absorbée par le tissu cible, entraînant une élévation de la température, puis une augmentation de la pression, et finalement une évaporation (micro-explosion). Ainsi, l’énergie lumineuse se transforme en chaleur, c’est ce que l’on appelle l’effet photo-ablatif par vaporisation, ou plus précisément l’effet micro-ablatif. Bien que la faible pénétrance du laser Er:YAG limite la dissipation de chaleur, l’utilisation d’un spray d’eau reste essentielle pour prévenir le phénomène de conduction.

 

• Fonctionnement de l’effet photochimique ou photothérapie dynamique :
Ce principe vise à convertir l’énergie lumineuse en énergie chimique. Un exemple simple présent dans la nature, dans nos arbres, est la transformation du dioxyde de carbone (CO2) et de l’eau en glucose restant et en oxygène libéré dans l’air. L’énergie lumineuse peut fournir une quantité suffisante d’énergie pour permettre des échanges chimiques au niveau moléculaire. Cet effet est recherché dans des thérapies à basse énergie pour favoriser la biostimulation des tissus (angiogenèse, gestion de la douleur, cicatrisation, etc.). En fonction des lasers, cet effet peut être obtenu grâce à des agents photosensibles. Dans le cas du laser Er:YAG, c’est principalement de cette manière que l’effet photochimique est utilisé.

 

• Fonctionnement de l’effet photoacoustique :
Lorsque le laser émet, il libère une énergie se propageant sous forme d’ondes. Bien que la pénétration du laser Er:YAG dans les tissus soit extrêmement faible, son utilisation dans un milieu liquide facilite la propagation des ondes, autorisant ainsi le déplacement du liquide. Ce phénomène trouve des applications spécifiques, exploitant la mobilité accrue du liquide pour influencer des cibles à des profondeurs limitées.

 

• Fonctionnement de l’effet bactéricide :
Les micro-organismes encapsulés dans un biofilm peuvent être éliminés de diverses manières : soit par l’augmentation de la chaleur, résultant de l’effet micro-ablatif du laser, soit en absorbant directement les photons, grâce à l’effet photochimique, soit en se déplaçant et perturbant ainsi le biofilm par l’effet photoacoustique. Ces mécanismes soulignent la polyvalence et l’efficacité du laser Er:YAG dans l’élimination des micro-organismes.

 

Applications

Selon Banerjee et al.(6), l’instrument idéal pour l’éviction carieuse devrait satisfaire les critères de confort et facilité d’utilisation, d’élimination des tissus malades, être indolore et silencieux, ne générant pas de vibrations ni de chaleur pendant les périodes de fonctionnement à prix abordable et facile d’entretien. L’instrument parfait n’existe pas, mais le laser Er:YAG se détache des méthodes conventionnelles, avec une efficacité au moins égale à celle des instruments rotatifs(7, 8).

Il est décrit comme moins algique et plus confortable que le système de rotation continue(9, 10), bien que cela soit très opérateur dépendant. En revanche, l’éviction carieuse au laser est moins bruyante (pas de bruit de forage) et ne produit pas de vibration(11, 12). L’effet bactéricide du laser Er:YAG a clairement été démontré. La population bactérienne est divisée par 4 sur une surface dentinaire traitée par le laser Er:YAG par rapport à une surface dentinaire traitée par un système rotatif(13, 14, 15).

En revanche, les patients ont déclaré être plus gêné par l’odeur avec le laser(16).

Le temps de travail reste raisonnable (molaire : 3 à 6 minutes pour une carie proximale), mais considérablement augmenté par rapport à une éviction carieuse au moyen d’instruments rotatifs(11, 12).

L’émail contient plus d’hydroxyapatite et moins d’eau que la dentine. Bien que le laser Er:YAG interagit avec ces deux chromophores, il présente une affinité supérieure pour l’eau. Par conséquent, l’énergie utilisée sur la dentine est diminuée par rapport à celle utilisée sur l’émail. Il est important de noter que les dentines infectées et affectées présentent également une hydratation accrue par rapport à la dentine saine. Ainsi, en ajustant le niveau d’énergie, il est possible de cibler la dentine cariée avec une énergie plus faible, minimisant ainsi l’impact sur la dentine saine.
Le laser Er:YAG présente également l’avantage de permettre une dépose sélective des anciennes restaurations au composite, notamment sur l’émail où il est généralement difficile d’observer une différence entre les deux composants. L’absorption du laser Er:YAG est différente entre l’émail et la résine, donc en plus de faciliter la dépose (différence sonore entre les deux composants), l’émail est très peu impacté par les effets du laser. En revanche pour la dentine l’absorption est similaire, il faudra donc être plus vigilant(17).
Le laser Er:YAG n’interagit pas avec la céramique, et est absorbé par les résines, notamment les résines dual de collage. Il permet donc la dépose d’éléments prothétique en céramique collés, sans endommager la pièce, pour pouvoir la recoller dans la même séance si besoin.

 

Fig. 02 : laser Er:YAG et différents paramètres :
Paramètre 10Hz et 170mJ (donc une énergie de 1,7 watts) : pour une action sur la dentine. La fréquence et l’énergie peuvent être modulées en fonction de l’état de la dentine : dentine infectée, affectée ou saine.
Paramètre 10Hz et 400mJ (donc une énergie de 4 watts) : pour la dépose de pièces en céramique.
Il est important de comprendre que tous les paramètres se doivent d’être adaptés à la situation clinique et à l’objectif de l’application du laser (exérèse, désinfection, dépose…).

 

Le travail de recherche de thèse du Dr Cléa Wagner, sous la direction du Dr Olivier Etienne, s’est donc orienté vers la caractérisation des propriétés mécaniques de la dentine et des états de surface susceptibles d’influencer la résistance de ce collage ; avant de réaliser des tests d’adhésion comparatifs. Il a été conclu que cliniquement, les avantages du laser ne se font pas aux dépens du collage, si celui-ci est réalisé dans de bonnes conditions cliniques et de surcroit s’il est associé à un mordançage. La dentine uniquement irradiée présente une surface dénaturée sur une profondeur 5 à 25 µm. Ainsi, si le mordançage ne peut être appliqué (proximité pulpaire par exemple), il conviendra d’irradier une zone précise pour s’assurer que la dentine irradiée est éloignée du joint et éviter de compromettre l’étanchéité de la restauration.

Enfin, le laser Er:YAG permet de réduire l’hypersensiblité dentinaire. Utilisé avec une faible énergie, des théories indiquent que les tubules dentinaires se bouchent de façon optimale avec une énergie de 0,5 W(18), réduisant ainsi la sensibilité dentinaire (de 38,2% à 47% selon la méta-analyse de Asnaashari et Moeini(19)).

 

Vidéo présentant l’utilisation du laser Er:YAG pour l’exérèse carieuse. On constate que de par la différence d’absorption du lasser entre l’émail et la dentine, la dentine se dépose plus rapidement que l’émail.

 

Afin de compléter cette présentation, les Drs Cléa Wagner, Romain Gabriel et Alexia Larderet publieront prochainement deux nouveaux articles sur l’utilisation du laser en endodontie et en parodontie.
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Références bibliographiques

(1) B. Spyropoulos – 50 years LASERS : in vitro diagnostics, clinical applications and perspectives.
Clin Lab, 2011. 57(3-4) :131-42

(2) D. M. Zezell, P. Aparecida Ana – High power lasers and their interaction with biological tissues.
In : Lasers In Dentistry : guide for clincal practice. John Wiley & Sons, Ltd; 2015

(3) G. Rey – La chirurgie pré-implantaire laser assitée quelle longueur d’onde choisir ?
Journal LS, cité 8 octobre 2019 ; Implantologie dentaire

(4) G. Rey, J-L. Girard, A. Para, B. Lamouret, P. Missika – Utilisation des lasers en endontologie.
Principes physiques et protocoles opératoires. Éditions CdP. 2014

(5) M-F. Bertrand, J-P. Rocca – Les lasers en médecine bucco-dentaire.
Réalités cliniques n°2, 2012;23‑2:85‑94

(6) A. Banerjee, T-F. Watson, E-A. Kidd – Dentine caries excavation : a review of current clinical techniques.
Br Dent J. 2000 May 13 ;188(9):476-82

(7) S. Tao, L. Li, H. Yuan, S. Tao, Y. Cheng, L. He, J. Li – Erbium Laser Technology vs Traditional Drilling for Caries Removal: A Systematic Review with Meta-Analysis.
J Evid Based Dent Pract. 2017 Dec;17(4):324-334

(8) A. Aoki, I. Ishikawa, T. Yamada, M. Otsuki, H. Watanabe, J. Tagami, et al – Comparison between Er:YAG laser and conventional technique for root caries treatment in vitro.
J Dent Res. 1998 Jun ;77(6):1404-14

9) R. Sarmadi, E. V. Andersson, P. Lingström, P. Gabre – A Randomized Controlled Trial Comparing Er:YAG Laser and Rotary Bur in the Excavation of Caries – Patients’ Experiences and the Quality of Composite Restoration.
Open Dent J. 2018 May 31 ;12:443‑54

(10) U. Keller, R. Hibst, W. Geurtsen, R. Schilke, D. Heidemann, B. Klaiber, W-H. Raab – Erbium : YAG laser application in caries therapy. Evaluation of patient perception and acceptance.
J Dent. 1998 Nov ; 26(8):649‑56

(11) M-F. Bertrand, L. Lupi-Pègurier, D. Deschodt-toqué, J-P. Rocca – Lasers et gestion de la maladie carieuse.
Réalités Cliniques n°2, 2012;23‑2:95‑104

(12) R. SARMADI, E HEDMAN, P. Gabre – Laser in caries treatment – patients’ experiences and opinions.
Int J Dent Hyg. 2014 Feb ; 12(1):67‑73

(13) A. Mehl, M. Folwaczny, C. Haffner, R. Hickel – Bactericidal effects of 2.94 microns Er:YAG-laser radiation in dental root canals.
J Endod. 1999 Jul ; 25(7):490‑3

(14) A. Prabhakar, M. Lokeshwari, S. V Naik, C. Yavagal – Efficacy of Caries Removal by Carie-Care and Erbium-doped Yttrium Aluminum Garnet Laser in Primary Molars : A Scanning Electron Microscope Study.
Int J Clin Pediatr Dent. 2018 Jul-Aug ; 11(4):323‑9

(15) U. Schoop, W. Kluger, A. Moritz, N. Nedjelik, A. Georgopoulos, W. Sperr – Bactericidal effect of different laser systems in the deep layers of dentin.
Lasers Surg Med. 2004;35(2):111‑6

(16) A. Belcheva, M. Shindova – Subjective Acceptance of Pediatric Patients during Cavity Preparation with Er:YAG Laser and Conventional Rotary Instruments.
 Journal of IMAB. 3 nov 2014;20

(17) W. A Fried, K. H Chan, C. L Darling, D. Fried – Use of a DPSS Er:YAG laser for the selective removal of composite from tooth surfaces.
Biomed Opt Express. 2018 Sep 27 ; 9(10):5026‑36

(18) H. Zhuang, Y. Liang, S. Xiang, H. Li, X. Dai, W. Zhao – Dentinal tubule occlusion using Er:YAG Laser: an in vitro study.
J Appl Oral Sci Rev FOB. 2021 Apr; 29:e20200266

(19) M-L. Hu, G. Zheng, J-M. Han, M. Yang, Y-D. Zhang, H. Lin – Effect of Lasers on Dentine Hypersensitivity: Evidence From a Meta-analysis.
J  Evid Based Dent Pract. juin 2019;19(2):115‑30

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