Comment organiser les relations entre le praticien titulaire et son collaborateur ?
Juridique Par Julien FRAYSSE le 09-04-2020La collaboration demeure une étape essentielle dans la carrière du professionnel dentaire. Elle contribue directement à son apprentissage et à sa formation. À la faculté, la théorie, au cabinet, la pratique ! Mais il serait bien réducteur de limiter cet apprentissage à des connaissances purement techniques. La vie professionnelle ne se limite pas uniquement à la réalisation de protocoles métiers.
Elle fait appel à bien d’autres domaines comme la gestion et les relations humaines.
Souvent délaissée, faute de temps et d’intérêt, la méconnaissance par le jeune praticien des règles de base en matière de gestion, peut avoir des conséquences lourdes à la fois sur le plan personnel et financier. La collaboration lui permet alors d’appréhender les principaux mécanismes de fonctionnement internes du cabinet à moindre risque. À la fois observateur et acteur au sein du cabinet, le collaborateur peut s’initier sereinement à sa gestion en laissant le titulaire prendre les risques d’exploitation. En effet, il ne faut pas oublier que si le collaborateur apporte sa force de production au cabinet, c’est le titulaire qui prend les risques en matière d’investissement et de personnel.
Quant à l’apprentissage des relations humaines en milieu professionnel, force est de constater que la dentisterie est avant tout un travail d’équipe. Le collaborateur va devoir apprendre à s’insérer dans un environnement où cohabitent secrétaires, assistantes, « office manager », praticiens aguerris aux spécialités diverses, chacun prenant part à l’aventure, à sa façon, avec son histoire, sa personnalité, son égo, son amour propre, sa vision et ses propres ambitions.
La collaboration peut aussi servir de tremplin à l’association ou à la reprise du cabinet. Le collaborateur dispose alors de tout le temps nécessaire pour préparer son avenir et prendre ses marques au sein de sa future structure.
Sur le plan juridique, plusieurs possibilités s’offrent au titulaire et au collaborateur pour définir et encadrer leur relation.
La première, qui se caractérise au niveau légal par le lien de subordination du collaborateur envers son titulaire est la collaboration salariée. Cette collaboration peut être matérialisée soit par un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée. Il ne faut pas oublier qu’un CDD ne peut être conclu que pour des motifs bien précis : accroissement temporaire d’activité ou remplacement d’un autre salarié absent exerçant la même fonction.
Un contrat de travail à durée déterminée ne peut en aucun pourvoir durablement à un emploi lié à une activité normale et permanente du cabinet, au risque de voir ledit contrat requalifié en contrat à durée indéterminée, avec de lourdes sanctions financières à la clé.
Il existe deux catégories de CDD :
• Le CDD conclu avec un terme précis. La date de fin est clairement indiquée dans le contrat ; exemple : 31 juillet 2020,
• Le CDD conclu avec un terme imprécis. Le cas le plus fréquemment rencontré est celui du salarié absent. Le terme du contrat est alors le retour du collaborateur initialement remplacé.
Si le CDD prévoit un terme (date d’échéance précise), il ne peut être renouvelé que 2 fois. Attention : un CDD sans terme précis ne peut pas être renouvelé.
Le renouvellement est possible :
• Soit parce qu’une clause du contrat le prévoit,
• Soit parce qu’un avenant est proposé au salarié avant l’échéance de son contrat.
Lorsqu’un CDD prend fin, il n’est pas possible d’avoir recours à un nouveau CDD avec le même salarié avant l’expiration d’un certain délai, appelé délai de carence.
Le délai de carence n’est pas applicable dans les cas suivants :
• Le CDD est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent,
• Le CDD est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié dont le contrat de travail est suspendu.
Le renouvellement du CDD n’est possible que si sa durée totale (y compris son renouvellement) ne dépasse pas la durée maximale autorisée, à savoir 18 mois.
Nous vous recommandons de porter une attention particulière à la période d’essai. Celle-ci ne se présume pas : elle doit impérativement être prévue. Sa durée varie en fonction du statut de votre collaborateur salarié. Si votre collaborateur a le statut de cadre, la durée de la période d’essai ne peut pas dépasser 4 mois. Si votre collaborateur est non cadre, sa période d’essai ne pourra pas dépasser 3 mois. Dans le cas du CDD, la durée de la période d’essai ne peut pas excéder un jour par semaine dans la limite de deux semaines si la durée initiale du contrat ne dépasse pas 6 mois et 1 mois dans le cas contraire.
Comme pour tout salarié, en cas de rupture de la période d’essai de votre collaborateur, un préavis devra être respecté. Ce préavis dépend du temps de présence de votre collaborateur au sein de votre cabinet. Ainsi pour un collaborateur en contrat à durée indéterminé, la règle est la suivante :
• Temps de présence inférieur à 8 jours : préavis = 24 heures,
• Temps de présence supérieur à 8 jours : préavis = 48 heures,
• Temps de présence supérieur à 1 mois : préavis = 2 semaines,
• Temps de présence supérieur à 3 mois : préavis = 1 mois.
Si les avantages sont évidents pour le collaborateur salarié (accès au chômage, congés payés, rémunération attrayante avec part variable, couverture maladie/santé…), il n’en demeure pas moins que cette solution reste onéreuse côté employeur : charges sociales élevées, taxe sur les salaires, indemnisation à pourvoir en cas de rupture conventionnelle ou de licenciement.
C’est la raison pour laquelle de nombreux praticiens privilégient la collaboration libérale. Chacun garde son indépendance. Contrairement au contrat salarié, il n’existe pas de lien de subordination entre les parties. Le collaborateur libéral assume ses propres charges sociales urssaf, carcdsf, prévoyance, assurance professionnelle, formation, frais de déplacement… Il représente une entité économique à part entière, quasi autonome. En tant que professionnel libéral, il peut s’il le juge utile, embaucher sa propre assistante.
En contrepartie des moyens mis à disposition par le titulaire, le collaborateur libéral verse une rétrocession à son titulaire fixée en fonction d’un pourcentage du chiffre d’affaires qu’il réalise.
Le collaborateur libéral a la possibilité de se constituer sa propre patientèle, contrairement au collaborateur salarié. Source de litige en cas de séparation, il est recommandé que titulaire et collaborateur mettent régulièrement à jour la liste de leurs patients respectifs. Interdire à un collaborateur libéral de constituer sa propre patientèle, c’est s’exposer à une requalification en contrat à durée indéterminée du contrat de collaboration libérale.
Les rétrocessions d’honoraires sont soumises à TVA lorsqu’elles dépassent le seuil de la franchise en base à savoir 34 400 euros.
En outre, un praticien ne peut avoir qu’un seul collaborateur libéral, conformément à la règle de l’unicité de la collaboration édictée par l’article R4127-276 du code de la santé publique. Les dérogations à cette règle sont strictement encadrées par le conseil de l’ordre.
En l’état actuel des choses et de la règlementation ordinale, le développement de cabinets de groupe, passe donc inéluctablement par la constitution de sociétés d’exercice libéral ou de sociétés civiles de moyen, qui permettent la mutualisation des frais de fonctionnement.
L’association du ou des collaborateurs devenant associés co-gérants de la structure constitue alors l’aboutissement du processus de coopération. Mais la vie d’associé n’est pas toujours simple et linéaire…Humain, trop humain, comme disait l’autre.
Dentairement vôtre.
Julien Fraysse
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