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Tout est bien qui finit bien – Reconstitution naturelle du bord incisif avec matériau d’obturation biocompatible après un traumatisme

Dentisterie restauratrice Par Walter DENNER le 22-05-2018

Reconstitution naturelle du bord incisif avec matériau d’obturation biocompatible après un traumatisme.

Les lésions des dents antérieures maxillaires sont fréquentes chez les enfants et les adolescents. Avec un peu de chance, elles ne causent la perte que d’une partie de la substance dure. J’expose ici à l’aide d’un exemple concret une technique spéciale qui permet de reconstituer fidèlement la forme et la teinte de la dent. J’utilise pour cela un matériau d’obturation à base de céramique sans monomères classiques.

Presque un enfant ou adolescent sur trois doit être traité un jour ou l’autre à la suite d’un traumatisme des dents définitives, le plus souvent dans la zone antérieure maxillaire (1). C’est pourquoi il vaut mieux être bien préparé, par exemple avec la liste de contrôle correspondante (2) émise par la société allemande d’odontologie, de médecine orale et de stomatologie (DGZMK), et un concept confirmé (3). Après l’anamnèse liée à l’accident, les os et les tissus mous sont toujours examinés rigoureusement avec, si possible, une radiographie à l’appui.
En présence d’une fracture coronaire sans complications et sans atteinte pulpaire, il convient de recouvrir tout d’abord la dentine pour éviter des infections endodontiques. Les nécroses pulpaires ne surviennent que dans 6% des cas au maximum (4).

Si le fragment fracturé qui permettrait une refixation adhésive a été perdu, le praticien peut reconstituer la dent rapidement avec un matériau plastique. Les restaurations indirectes sont également possibles, de préférence avec des facettes prothétiques ou des couronnes partielles en céramique (4). Il est recommandé de vérifier la vitalité de la dent au moins une fois au cours de l’année qui suit le traumatisme.

La technique directe avec des matériaux composites est généralement indiquée chez les enfants. Il n’est pas invraisemblable qu’un nouvel accident survienne, par ailleurs les restaurations indirectes exigent plus de temps et les travaux de laboratoire qu’elles impliquent les rendent plus coûteuses.

Technique de reconstitution avec le matériau d’obturation ORMOCER®
Comme pour toutes les reconstructions dentaires, l’aspect esthétique dépend de la forme et de la teinte, même en technique directe. Les reconstitutions ne peuvent sembler naturelles que si ces deux caractéristiques sont reproduites avec une fidélité parfaite. Des techniques de matrice appropriées permettent d’obtenir la forme voulue. Je les ai décrites en détail dans un manuel spécialisé (5) rédigé avec l’auteur de cette méthode, le Dr Burkhard Hugo (†), professeur à l’université de Würzburg. Le principe consiste à reproduire avec la plus grande exactitude possible l’anatomie de la dent à l’aide d’une matrice.

Il faut pour cela former sa surface proximale avec un composite temporaire. Le matériau définitif peut, une fois le composite durci, être appliqué par couche dans le moule négatif. Si nécessaire, une « paroi arrière » est en outre créée côté palatin ou lingual en masse émail, par exemple par stratification contre une clé en silicone. Le rapport du cas clinique exposé ici décrit la procédure détaillée et les outils utilisés.

Rapport de cas
Un garçon de 8 ans et demi avait buté avec les dents contre une balustrade à l’école en jouant au loup. Il s’était retourné en courant et n’avait pas vu l’obstacle. Sa mère nous l’avait amené le jour même à notre cabinet. La bonne nouvelle était que les tissus adjacents, y compris la pulpe, étaient restés intacts et que la dent 11 touchée présentait une réaction vitale (Ill. 1 et 2). La mauvaise nouvelle, en revanche : le fragment était perdu et ne pouvait servir pour la restauration.

Ill. 1 : Un jeune garçon de 8 ans et demi est tombé sur sa dent 11 contre une balustrade en jouant au loup. Le fragment a malheureusement été perdu.

Ill. 1 : Un jeune garçon de 8 ans et demi est tombé sur sa dent 11 contre une balustrade en jouant au loup. Le fragment a malheureusement été perdu.

Ill. 2 : La radiographie ne révèle ni signe de fracture radiculaire ni lésion alvéolaire.

Ill. 2 : La radiographie ne révèle ni signe de fracture radiculaire ni lésion alvéolaire.

En gérant le temps au mieux (traitement en fin des heures d’ouverture et au-delà), nous avons pu reconstruire la dent dans cette seule séance. Nous avons commencé par déterminer la teinte de la dentine à l’état humide. Nous avons pour cela tenu simultanément sur la zone cervicale de la dent voisine deux teintes similaires du teintier du matériau d’obturation ORMOCER nanohybride (Admira Fusion, VOCO) que nous allions utiliser (6). La dentine devant encore être recouverte de masse émail (référence : bord incisif), il fallait prendre une teinte plus foncée.

Le défect entier se trouvant sur la zone supragingivale, il n’était pas nécessaire d’utiliser une digue. Nous avons eu recours, à la place, à un écarteur pour lèvres, joues et langue (Arcflex, FGM). Nous avons, sous anesthésie locale, recouvert la partie centrale de la dentine dénudée avec du silicate de calcium photopolymérisable modifié à la résine (TheraCal LC, Bisco) et chanfreiné l’émail sur une largeur d’environ 0,5 mm (Ill. 3). Nous avons ensuite fixé avec une mince clavette en bois (Dr. Barman’s Anatomical Wedges) un morceau de matrice transparent en position verticale dans l’espace proximal (Ill. 3).

Ill. 3 : Après une mise à sec relative, nous biseautons l'émail avec précaution et fixons une matrice transparente avec une mince clavette en bois.

Ill. 3 : Après une mise à sec relative, nous biseautons l’émail avec précaution et fixons une matrice transparente avec une mince clavette en bois.

La matrice comme moule négatif
Avant de mordancer l’émail avec de l’acide phosphorique à 36 %, nous avons sécurisé la matrice dans une position anatomique propice avec un composite temporaire fluide (Clip Flow, VOCO, Ill. 4). Avec cette modification de la méthode Hugo, on injecte le produit, qui s’étale sans pression, à l’aide d’une canule fine contre la matrice dans la zone proximale. Ce faisant, on presse légèrement la matrice côté palatin et vestibulaire contre la dent à réparer en procédant soit à la main soit avec une spatule, et on durcit le produit fluide immédiatement. La photo 5 montre l’étendue incisale de la lésion.

Ill. 4 : Nous adaptons la matrice avec autant de précision que possible avec un composite temporaire fluide (Clip Flow) pour obtenir un moule négatif anatomique (voir Ill. 5). Ce n'est que maintenant que nous mordançons les bords de l'émail, bien au-delà du biseautage, pendant 30 secondes avec de l'acide phosphorique à 36 %.

Ill. 4 : Nous adaptons la matrice avec autant de précision que possible avec un composite temporaire fluide (Clip Flow) pour obtenir un moule négatif anatomique (voir Ill. 5). Ce n’est que maintenant que nous mordançons les bords de l’émail, bien au-delà du biseautage, pendant 30 secondes avec de l’acide phosphorique à 36 %.

Ill. 5 : Situation après mordançage : on reconnaît clairement l'étendue du défect aussi sur la face incisive.

Ill. 5 : Situation après mordançage : on reconnaît clairement l’étendue du défect aussi sur la face incisive.

Après application et durcissement de l’adhésif universel (Futurabond U, VOCO) (Ill. 6), nous avons modelé couche par couche le noyau de dentine avec deux teintes différentes du matériau d’obturation définitif (Admira Fusion). Nous avons pour cela commencé par appliquer une couche de masse dentinaire de teinte A3, puis une couche de teinte A2 en les imbriquant et en les photopolymérisant ensuite (Ill. 7) (7). Pour éviter que la restauration ne présente un bord teinté, nous avons étalé le produit en direction cervicale au-delà du biseautage.

Ill. 6 : Nous appliquons un adhésif universel (Futurabond U) sur l'émail et la dentine avant de le durcir.

Ill. 6 : Nous appliquons un adhésif universel (Futurabond U) sur l’émail et la dentine avant de le durcir.

Ill. 7 : Situation après reconstitution du noyau de dentine avec un matériau d'obturation à base de céramique en teintes A2 et A3 : la reconstitution a été réalisée en deux couches afin de mieux pouvoir évaluer les dimensions en cours d'intervention.

Ill. 7 : Situation après reconstitution du noyau de dentine avec un matériau d’obturation à base de céramique en teintes A2 et A3 : la reconstitution a été réalisée en deux couches afin de mieux pouvoir évaluer les dimensions en cours d’intervention.

Pour finir, nous avons appliqué une dernière couche de masse émail (incisive) à l’aide une mince spatule de modelage légèrement élastique (Composite 4, American Eagle Instruments, Ill. 8). L’important ici est de ne pas utiliser plus de produit que nécessaire. Une fois la dernière couche polymérisée (Ill. 9) et la matrice retirée (Ill. 10), la reconstitution présente déjà une forme quasiment naturelle, y compris les transitions au niveau des bords incisifs (Ill. 11). Le dégrossissage réussit ainsi beaucoup plus rapidement que si l’on a réalisé des contours exagérés.

Ill. 8 : Application et modelage de la teinte d'émail à l'aide d'une spatule enrobée.

Ill. 8 : Application et modelage de la teinte d’émail à l’aide d’une spatule enrobée.

Ill. 9 : Revêtement terminé de l'émail avant...

Ill. 9 : Revêtement terminé de l’émail avant…

Ill. 10 : ... et après retrait de la clavette. La dent a presque retrouvé sa forme naturelle, le point de contact est très bien placé.

Ill. 10 : … et après retrait de la clavette. La dent a presque retrouvé sa forme naturelle, le point de contact est très bien placé.

Ill. 11 : En raison du dessèchement, la dent 11 traitée semble légèrement plus claire que la dent controlatérale 21.

Ill. 11 : En raison du dessèchement, la dent 11 traitée semble légèrement plus claire que la dent controlatérale 21.

Cette méthode permet en outre de reconstituer des surfaces de contact régulières et supprime pratiquement les excédents de produit au niveau cervical. Le jeune patient était satisfait du résultat final, même de la couleur, mais sa mère encore plus (Ill. 12).

Ill. 12 : Lors du contrôle quatre semaines plus tard, la dent 11 accidentée puis reconstituée ne révèle aucune différence, ni de forme, ni de couleur. Le jeune patient est soulagé, sa mère encore plus.

Ill. 12 : Lors du contrôle quatre semaines plus tard, la dent 11 accidentée puis reconstituée ne révèle aucune différence, ni de forme, ni de couleur. Le jeune patient est soulagé, sa mère encore plus.

Discussion
Les traumatismes, notamment des dents antérieures du maxillaire, sont un phénomène courant  dans les cabinets dentaires. Lorsque, comme dans le cas décrit ici, il n’y a pas de complications, ni sous forme de lésions osseuses ou des tissus mous ni de fractures radiculaires, il est possible de restaurer rapidement les défects coronaires avec un matériau composite direct. Pour réussir une restauration, il faut, tout comme pour les lésions carieuses, reconstituer fidèlement la teinte et la couleur de la dent.

Ces deux impératifs, en fonction des caractéristiques dentaires individuelles, peuvent relever du défi pour le praticien. Dans le cas présent, le résultat recherché a été obtenu grâce à une technique de matrice mise au point par le Dr Hugo, puis modifiée, et associée à un procédé de stratification relativement simple (5, 8). La modification apportée à la technique du Dr. Hugo consiste à utiliser un composite temporaire injectable et non modelable, contrairement aux produits temporaires plus visqueux (par ex. Clip, VOCO).

Ce procédé a pu s’appliquer au patient présenté ici grâce à une bonne adaptation dès la phase de la matrice et parce qu’il n’a pas été nécessaire d’exercer en plus une pression pour obtenir la forme morphologique correcte. La matrice épousait étroitement la zone cervicale et permettait de reconstituer la substance perdue parallèlement à la surface proximale de la dent voisine.
C’est pour la même raison que nous n’avons pas eu besoin de placer une clé en silicone pour un coffrage palatin. Il est aussi possible, si l’on veut, de confectionner un modèle grandeur nature direct en bouche ou bien d’essayer, par exemple, d’utiliser un modèle orthodontique pour une clé en silicone.

Matériau d’obturation biocompatible
Nous avons pu, par stratification de deux teintes de dentine et une teinte d’émail, remplacer la substance manquante en reproduisant en outre une teinte fidèle à l’original. Le composite ORMOCER nanohybride Admira Fusion ne contient pas de monomères allergènes connus comme l’HEMA ou le Bis-GMA. Au contraire, aussi bien la matrice que les charges de verre sont à base d’oxyde de silicium, conférant au produit une meilleur biocompatibilité que d’autres matériaux. Et comme il se comporte pour le reste comme les composites nanohybrides conventionnels de grande qualité, avec en outre une rétraction extrêmement faible, Admira
Fusion est toujours utilisé comme produit de premier choix dans mon cabinet.

Conclusion
Le résultat obtenu avec la technique décrite ici redonna un sourire détendu au jeune garçon après l’immense choc de la dent cassée. Mais le visage de la mère, qui ne pensait pas que le traitement puisse donner un résultat si rapide et si esthétique, rayonnait encore plus.


Bibliographie
1. Lam R. Epidemiology and outcomes of traumatic dental injuries: a review of the literature. Aust Dent J 2016;61 Suppl 1:4-20.
2. DGZMK. Fragebogen Frontzahntrauma; http://www.dgzmk.de/uploads/media/Frontzahntrauma_03_2016.pdf consulté le 21/12/2016. ressource en ligne, 2016.
3. Schmoeckel J, Eissa M, Splieth C. Frontzahntrauma – ein Überblick für die Praxis. Wir in der Praxis 2016:25-29.
4. DGMKG, DGZMK. Therapie des dentalen Traumas bleibender Zähne. S2k-Leitlinie, AWMF-Register 083-004, Version : 31/05/2015, valable jusqu’au 30/05/2019, consulté le : 13/12/2016.
5. Hugo B. Ästhetik mit Komposit. Grundlagen und Techniken. Mit Beiträgen von Walter Denner, 2008.
6. Denner W. Ästhetik. Minimal-invasiv mit Komposit. wissen kompakt 2007:39-48.
7. Denner W. Direkte Kompositrestauration nach Frontzahntrauma. Quintessenz Team- Journal 2006;36.
8. Dietschi D. Layering concepts in anterior composite restorations. J Adhes Dent 2001;3:71-80.

Cet article est sponsorisé par VOCO.

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