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Utilisation du PEEK en prothèse implantaire

Prothèse Par Guillaume GARDON-MOLLARD le 25-02-2020

Pour réaliser l’infrastructure d’une prothèse implantaire, le praticien et son prothésiste ont classiquement le choix entre deux grandes familles de matériaux : les alliages métalliques et la zircone.

Dernièrement, l’offre des matériaux s’est étoffée d’une toute nouvelle catégorie : les polymères de haute de performance que sont les PEEK (polyetheéthercétones) et les PEKK (polyéthecétonecétone) et qui sont regroupés au sein de la famille des PAEK (polyarylethercetones).

D’abord utilisés dans l’aéronautique (un A380 est composé à 53% de matériaux polymères) puis en chirurgie orthopédique, ces plastiques de haute résistance trouvent désormais leurs applications en prothèse dentaire.

CARACTÉRISTIQUES DU PEEK
Ces nouveaux matériaux présentent des caractéristiques intéressantes :
• Résistance à la flexion : 200MPa
• Résistance à la compression : 246 MPa
• Module d’élasticité : 5,1 GPa
• Point de fusion : 363°C
• Dureté : 252 MPa

La traduction de ces valeurs est une bonne stabilité dimensionnelle, une bonne résistance à l’usure, une bonne résistance à la flexion, à l’allongement et à la fatigue et un module d’élasticité proche de celui de l’os cortical. Une autre caractéristique de choix est celle de sa biocompatibilité.

La mise en œuvre au laboratoire peut se faire soit par pressée à une température relativement basse, soit par usinage CFAO. Cette dernière option est est largement privilégiée en raison de sa rapidité, de sa précision et du faible niveau d’usure des fraises d’usinage.

Fig. 1
Fig. 1 : Conception par ordinateur d’une armature en PEEK (image J. Pennard)

Fig-02-03
Fig. 2 : Usinage de la pièce assisté par ordinateur (image J. Pennard)
Fig. 3 : Connexion de l’armature aux piliers implantaires (image J. Pennard)

Fig-04-05
Fig. 4 : Polissage (image J. Pennard)
Fig. 5 : Vérification de l’ajustage des embases implantaires (image J. Pennard)

Fig. 6
Fig. 6 : Prothèse terminée (image J. Pennard)

CAS CLINIQUE
Le cas clinique que nous présentons est celui d’une patiente de 61 ans, sans problèmes de santé notable mais fumeuse (5 à 10 cigarettes par jour) et qui présente une situation bucco-dentaire très fortement dégradée.

Pour cette patiente :
• Le risque parodontal est très élevé. Ce risque sera a prendre en considération si des implants sont utilisés afin de prévenir le risque de maladies péri-implantaires.
• Le risque fonctionnel est faible : le fonctionnement musculo-articulaire semble acceptable et on ne suspecte aucune activité parafonctionnelle.
• Le risque esthétique est modéré avec un niveau moyen de la ligne du sourire et une dynamique labiale normale.

Fig-07-08
Fig. 7 : Situation initiale : lèvres au repos
Fig. 8 : Situation initiale lors du sourire

Fig-09-10
Fig. 9 : Situation initiale, vue frontale
Fig. 10 : Situation initiale, vue frontale en occlusion de convenance

Fig-11-12
Fig. 11 : Situation initiale, vue occlusale maxillaire
Fig. 12 : Situation initiale, vue occlusale mandibulaire

Pano
Fig 13 : Radio panoramique initiale

Fig-13-14
Fig. 14 : Situation post-extractionnelle à l’arcade maxillaire
Fig. 15 : Situation post-extractionnelle à l’arcade mandibulaire

L’indication d’édentation complète bi-maxillaire est posée sans hésitation en raison des mobilités dentaires extrêmes et des migrations dentaires secondaires qui compromettent la fonction.
La première étape du traitement a consisté en l’extraction de toutes les dents restantes suivie du curetage et des sutures des sites. À l’issue de cette séance, des empreintes à l’alginate des deux arcades ont été prises.

Fig-15-16
Fig. 16 : Réglages de la maquette d’occlusion maxillaire
Fig. 17 : Enregistrement des rapports inter-maxillaires

La fabrication de deux cires d’occlusion a permis de régler des maquettes d’occlusion et d’enregistrer les rapports inter-maxillaires et déterminer la dimension verticale d’occlusion.

Deux prothèses amovibles complètes transitoires ont été mises en place quelques jours après les extractions, réglées puis réadaptées par des rebasages à la résine souple au fil des 3 mois de cicatrisation.

Fig-17-18
Fig. 18 : Prothèses amovibles transitoires, lèvres au repos
Fig. 19 : Prothèses amovibles transitoires lors du sourire

Le volume osseux à l’arcade mandibulaire a permis d’envisager la mise en place de 6 implants en vue de la réalisation d’un bridge complet trans-vissé (type piloti) sur piliers coniques.
Une empreinte implantaire est réalisée immédiatement après la pose des implants, au moyen d’un porte-empreinte à ciel ouvert.

Fig-19-20
Fig. 20 : Mise en place des transferts d’empreinte implantaires
Fig. 21 : Essayage du PEI implantaire à ciel ouvert

Fig-21-22
Fig. 22 : Empreinte implantaire
Fig. 23 : Connexion des analogues de pilier coniques

Après réalisation du modèle de travail, une clé de validation en plâtre est fabriquée pour assurer la passivité de la future prothèse.

Fig-23-24
Fig. 24 : Réalisation d’une clé de validation en plâtre sur le modèle implantaire
Fig. 25 :
Validation de la clé en plâtre en bouche

Le choix du matériau de l’armature prothétique s’est porté sur le PEEK pour les raisons évoquées précédemment et cette dernière a été collée sur des embases prothétiques rotationnelles. Le montage des dents, les animations et la fausse gencive ont ensuite été réalisés.

Fig. 25
Fig. 26 : Fabrication de la prothèse sur armature PEEK

Fig-26-27
Fig. 27 : Fabrication de la prothèse sur armature PEEK
Fig. 28 :
Fabrication de la prothèse sur armature PEEK

La prothèse implantaire a été assemblée en serrant les vis prothétiques selon les recommandations du fabricant. Le contrôle de l’occlusion statique et dynamique est effectué dans l’optique d’éviter les surcharges occlusales, notamment sur les extensions distales.

Fig-28-29
Fig. 29 : Résultat à 6 mois, vue frontale en occlusion
Fig. 30 : Résultat à 6 mois, vue occlusale mandibulaire

Fig-30-31
Fig. 31 : Résultat à 6 mois, lèvres au repos
Fig. 32 :
Résultat à 6 mois, sourire de la patiente

CONCLUSION
Le PEEK semble constituer une alternative intéressante et fiable aux alliages métalliques et à la zircone. Les patients que nous avons pu traiter selon cette technique apprécient la légèreté de la prothèse et un coût de mise en œuvre inférieur aux autres matériaux.

La liaison du matériau avec les dents prothétiques et la fausse gencive ne semble pas être plus fragile qu’avec le métal ou la zircone.

Cependant, dans les cas de mise en charge immédiate ou précoce, la plus grande flexibilité du matériau peut faire craindre pour l’ostéo-intégration des implants. Mais la bonne sélection du cas et les précautions d’usage semblent pouvoir éviter ce type de complications.


Remerciements :
• Chirurgie implantaire : Dr Thierry Degorce (Tours)
• Laboratoire CeramFixe (St Avertin) / M. Jacky Pennard pour les illustrations labo

BIBLIOGRAPHIE
• Polyetherertherketone as a Biomaterial for Spinal Applications. Toth JM, Wang M, Estes BT, Scifert JL, Seim HB, Turner HS. Biomaterials 2006;27(3):324-334.
• PEEK Biomaterials in Trauma, Orthopedic, and Spinal Implants. Kurtz Sm, Devine JN. Biomaterials 2007;28(3) 4845-4869.
• Polyetheretherketone – A Suitable Material for Fixed Dental Prostheses? Stawarczyk B, Beuer F, Wimmer T, Jahn D, Sener B, Roos M. J Biomet Mater Res 2013;101(7):1209-1216.
• Effect of Different Surface Pre-Treatments and Luting Materials on Shear Bond Strength to PEEK. Schmidlin PR, Stawarczyk B, Wieland M, Attin T, Hämmerle CH. Dent Mater 20010;26(6):553-559.


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6 commentaires au sujet de “Utilisation du PEEK en prothèse implantaire

  1. Bertrand HERVE.

    Merci de ce cas .
    Quelques questions, si possible .
    On parle d’un coût inférieur par rapport à de l’usiné ou zircone, de quel ordre ?
    Ce type d’armature en peek est considéré comme du définitif, ou provisoire longue durée ?
    La résine collé bien sur le peek ? Car pas vraiment sur du pmma, par exemple .
    On est pas en MCI , mais à combien de temps après les pose des implants ? Deux , trois jours ?
    Le patient revient le soir pour l’essayage de la clef ?
    Reprendre une RIM ?
    Enfin, dernière chose qui n’est pas vraiment le sujet , mais saute aux yeux : pourquoi les diastheme, le bout à bout antérieur, l’inversé d’articulé à gauche, alors que l’occlusion des prothèses provisoires semblait meilleurs ?
    Merci.

    1. guillaumegm@hotmail.com .

      Cher confrère,
      merci pour ces questions précises et pertinentes.
      – Le cout de réalisation de l’armature est inférieure à celui des autres matériaux car la “tendresse” du PEEK réduit le temps de fraisage et l’usure des fraises. Mais le montant facturé sera variable selon les laboratoires, selon le choix du matériau (par exemple les différents types de zircone) et selon d’autres paramètres liés au cas clinique (nombre d’implants, étendue etc.). Du point de vue de mon laboratoire, le cout de l’armature brute est équivalent à celui d’armature coulée en métal non précieux mais toujours inférieure à celui d’une armature fraisée en titane ou coulée en métal semi-précieux.
      – Nous considérons cette armature comme définitive.
      – La résine adhère bien à l’armature à condition que les protocoles de collage et de préparation soient appliqués avec rigueur.
      – Il s’agit d’un protocole de mise en charge précoce : la prothèse définitive est mise en place environ 10 jours après la pose des implants.
      – Concernant la clé de validation en plâtre : pour ce test, le patient est revu le lendemain de l’empreinte initiale. Nous ne faisons pas d’enregistrement du RIM à cette étape.
      – Concernant le montage des dents antérieures : c’est le choix de la patiente qui a souhaité retrouver les caractéristiques du sourire de ses jeunes années. Nous avons travaillé grâce à des photos anciennes et plusieurs séances d’essayage.
      Concernant les dents postérieures – et je vais être très honnête avec vous – : je n’y avais pas prêté attention et je ne l’explique pas vraiment!
      Quoi qu’il en soit, j’ai revu la patiente il y a quelques jours et nous sommes à deux ans de service des ces deux prothèses. Je vous assure qu’elle exprime clairement une totale satisfaction esthétique et fonctionnelle.
      En espérant avoir correctement répondu à vos questions.
      Bien à vous.

      1. françois coet.

        Bonsoir,
        avez vous eu (pour ce cas ou d’autres) des soucis prothétiques?

        J’ai essayé l’armature PEEK sur 2-3 cas de all-on4 et all-on-6, et des soucis de décollements des dents ont été, sur mon ressenti, plus fréquents qu’avec les armatures métal (non précieux) utilisées sur d’autres cas, avec pourtant de bons réglages occlusaux.

        Ceci dit, soyons aussi honnêtes, j’ai eu d’autres soucis sur des prothèses “conventionnelles” avec ce même laboratoire au niveau de la résine (prothèses complètes non sur implants)

        Enfin, j’ai eu, justement cette semaine, un cas de fracture d’une extension (cas prothétique réalisé par un ancien confrère datant de début 2019) qui était de 2cm de long, je vais faire réduire cette extension, mais je ne sais pas si ce soucis aurait été différent avec une armature métal “classique”?

        De votre expérience, dois-je retenter du coup les armatures PEEK, peut-être avec un autre laboratoire? Ou cette armature nécessite d’autres approches, en particulier sur l’occlusion ou les versants cuspidiens par exemple?

  2. guillaumegm@hotmail.com .

    Bonjour François,
    et merci pour ce retour concret d’expérience.
    Je n’ai pas (encore) rencontré de problème de décollement des dents prothétiques sur ces armatures PEEK. Mais de deux choses l’une, comme vous le suggérez : cela peut arriver tout autant avec des armatures métal et la mise en oeuvre au laboratoire est très sensible.
    Je constate que malgré des réglages très fins de l’occlusion statique et dynamique, ces “soucis” surviennent sur certains patients uniquement, parfois de manière récurrente. Je pense que l’augmentation de la force musculaire avec ce type de prothèse fixe est un facteur important. La nature de l’arcade antagoniste également : les pilotis bi-maxillaires sont beaucoup plus à risque.
    Enfin, la longueur des extensions est un point critique (au même titre que l’épaisseur de l’armature). 20mm d’extension distale me semble exagéré… 10-15mm me semble beaucoup plus raisonnable mais il faudra aussi éviter les surcharges occlusales sur ces cantilevers distaux.
    Pour conclure, je vous invite à retenter l’expérience du PEEK, avec un laboratoire qui connait bien le matériau.
    Bien à vous.
    GGM.

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