Axe implantaire et axe prothétique : la réponse des prothésistes
Par Jean-François DECHE, Marc-André LERICHE le 03-10-2018Deux éminents prothésistes dentaires chevronnés en matière de gestion prothétique sur implants argumentent ici autour du thème AXE PROTHÉTIQUE / AXE IMPLANTAIRE initialisé par Michel Abbou dans notre publication du 04 septembre 2018.
La semaine prochaine, vous découvrirez les approches cliniques d’autres experts chirurgiens-dentistes qui ont aussi accepté le challenge de cette thématique…
Réponse n°1 – Rattrapage d’angle, approcher l’idéal
Par Jean-François DECHE
Prothésiste dentaire installé à Lectoure depuis 1991
Leader d’opinion chez GC France
Laboratoire labellisé Nobel Biocare
Introduction
Il est reconnu maintenant que la mise en place des implants doit être guidée par le projet prothétique. Or, la réalité clinique n’est pas forcément favorable à un emplacement idéal des implants.
Nous disposons, grâce a l’évolution des technologies, de plusieurs solutions tant pour le praticien que pour le prothésiste. J’aborderai donc, en ce qui me concerne, les différents recours de la phase laboratoire.
Aujourd’hui, nous disposons de deux possibilités de rattrapage d’angle. Sur multi unit et direct implant.
Le direct implant
En direct implant, il est impératif d’utiliser un système ayant des transferts non indexés afin d’assurer une passivité de l’empreinte (en effet, des transferts indexés sur des implants avec une divergence d’axes importante provoqueraient, à mon sens, des tensions dans le matériau d’empreinte). Je privilégie les systèmes fermés uniquement type Nobel Procera (ASC), Anthogyr (InLink) etc…
Le système InLink
Il nous permet d’obtenir un rattrapage sur mesure, le vérin inséré dans l’intrados de la prothèse (photo 1) permet de réaliser un fût de seulement deux millimètres de diamètre tout en offrant une angulation libre de 0 à 25 degrés, permettant au technicien de modeler une morphologie occlusale quasi complète, laissant au praticien la réalisation de composite très réduit.
Le système ASC
Ce système rend possible la réalisation des restaurations implantaires en zircone HTLM (High Translucency Multi Layer) à rattrapage d’angle dans les secteurs postérieurs et antérieurs avec adaptateur métallique (photo 2). Je considère cette dernière solution comme étant la plus appropriée pour obtenir des résultats esthétiques optimaux (photos 3 et 4).
Les piliers Multi Unit
Pour la gestion de l’édenté total (photos 4, 5 et 6), le rattrapage d’angle avec les piliers multi unit a ma préférence, du fait du large choix de hauteurs de col disponibles en version droit et angulé, de la largeur de l’épaulement assurant un positionnement facile de la restauration.
Ce système a malgré tout des limites : le choix d’angulation relativement restreint (17 et 30 degrés) nous impose des sorties de vis pas toujours idéales, aussi bien mécaniquement qu’esthétiquement.
En tant que technicien, je suis souvent confronté à des hauteurs trans-gingivales faibles dans le secteur antérieur, nécessitant un rattrapage de 17 degrés. Alors, le col de 2,5 millimètres (hauteur minimale dans cette angulation) devient visible et donc inesthétique surtout au maxillaire supérieur et systématiquement « montrée du doigt » par le patient.
Grâce au logiciel de CAO (DTX Studio Design), nous pouvons aisément concrétiser les axes des implants et modéliser une armature homothétique (photos 7, 8 et 9) avec un positionnement des puits d’accès n’affaiblissant pas les faces triturantes et permettant un bon rendu esthétique (morphologie, propriétés optique de la céramique) ainsi qu’une maintenance facilitée.
Enfin, pour les systèmes implantaires ne possédant pas de centre d’usinage, je réalise mes armatures uniquement sur MUA avec la machine outil (Zenotec select wieland), mais comme je le mentionne plus haut, sans titane base colée (photo 10).
Bibliographie
1. Mimétisme du bloc antérieur : fluorescence et caractérisation. Technologie dentaire n°311 nov 2012.
2. Pink Paradise. Technologie Dentaire n° 317 mai 2013.
3. Parce que tout est plus en couleur. Technologie Dentaire n°333 sept 2014.
4. PIB Bi-maxillaire zircone… Technologie Dentaire n°346 oct 2015.
Réponse n°2
Par Marc-André LERICHE
Prothésiste dentaire
Expert près la Cour d’Appel de Dijon
Conférencier international
Consultant pour des sociétés dentaires
Parler ou écrire des généralités ne permet pas de donner une perception précise d’une technique répétitive et sans écueil.
Il en est de même d’une explication détaillée et argumentée de deux ou trois cas cliniques, apportant toute satisfaction, autant d’un point de vue médical que prothétique, pour parole d’évangile.
La situation implantaire et l’axe de l’implant restent indissociables pour une réalisation prothétique optimale.
L’enseignement de nos maîtres ayant une discipline et une rigueur dans leur exercice et notre pratique quotidienne avec une analyse critique de nos réhabilitations effectuées, nous donnent une banque de données riche en enseignement.
Effectivement, dans les années 80, le panel de connexions était très sommaire.
La créativité par la réflexion nous donnait un résultat pérenne et esthétique et nous encourageait vers de nouvelles perspectives.
Les échecs nous permettent d’avancer et les réussites nous confortent dans nos choix, sachant que les sociétés ne sont pas étrangères à cet état de fait.
L’étude clinique et prothétique
L’aventure du cas réfléchi au dernier moment…
… cela existe, ne vous en déplaise, est révolue !
La réussite nécessite une étude précise, commençant par des modèles d’étude clinique, une analyse occlusale par wax-up, des scans donnant la valeur et le volume osseux, des guides chirurgicaux, etc…
Toute cette enveloppe doit permettre un site implantaire choisi, surtout si la greffe osseuse préalable offre l’emplacement et l’axe idéal.
La situation (avec le respect de l’espace biologique), l’axe (donnant l’orientation idéale), sont les paramètres de base.
La diversité des connectiques implantaires permet quelques tolérances, cependant il est important de bien comprendre que le non respect de ces deux paramètres (situation et axe), donnés par le guide chirurgical, est déjà le début d’un échec esthétique modéré et fonctionnel, sachant que le seuil d’erreur est d’une tolérance de 0,52 mm.
Plus les années passent, plus nous acceptons des divergences qui dépassent les contraintes mécaniques et les lois de la physique.
L’emboîtement de deux pièces, travaillant dans un axe différent et maintenue par une vis d’un diamètre réduit, doit avoir un seuil restreint d’angulation.
Les sociétés implantaires proposent des piliers angulés de 15, 17, 20, 30 degrés, des piliers personnalisés par CFAO et derniers temps les systèmes de « rattrapage d’axe ». Ces derniers sont vissés avec un tournevis boule (ex : Omnigrip / NOBEL).
En respectant les normes de serrage, ne pensez-vous pas qu’un multiple dévissage n’altérera pas le design de l’intrados de la tête de vis ? (étoile, carré, hexagone). (ex : pour les bridges all on 4 ou 6).
Dans le cas de restauration plurale et bi-maxillaire sur implants, la diminution ou la perte de proprioception du patient et les forces impliquées par la mâchoire ont été souvent évoquées lors de conférences.
Les réhabilitations prothétiques nécessitent une parfaite connaissance des règles de l’articulation temporo-mandibulaire, afin de palier à différents désagréments occlusaux (diverses fractures : vis, parfois tête d’implant, cosmétiques… etc).
Ces pièces « rattrapage d’axe ou alternative », nécessitent une hauteur tissulaire importante soutenue par de l’os, dans leur partie cervicale la plus haute (fig. 3 et 4 de l’article Dr Michel ABBOU du 04-09-18).
En conclusion
La situation et l’axe de l’implant restent déterminants.
L’étude préalable d’un cas clinique est indispensable. Elle regroupe la chirurgie, la clinique et la prothèse avec des choix appropriés et en pleine connaissance de tous les paramètres de chaque discipline.
Le choix de l’implant et de son accastillage sont les fondations d’un édifice, les matériaux la pérennité de l’ensemble, tant d’un point de vue fonctionnel qu’esthétique.
Les sociétés répondent-elles à des nécessités techniques ou à des compétences réduites, avec toute cette panoplie de nouvelles connectiques ?
Quel recul avons-nous sur ce nouveau concept de réhabilitation ?
En résumé, les systèmes « rattrapage d’axe » restent à utiliser de manière très exceptionnelle.
Que seriez-vous prêts à accepter pour votre bouche ?
Bibliographie
1. « Implantologie dans la zone esthétique » – GRUNDER U.
2. « Chirurgie plastique et esthétique en parodontie et implantologie » – ZUHR O. / HÜRZELER M.
3. « La Prothèse en Implantologie » – WOLFART S.
4. « Greffe osseuse en Implantologie » – KHOURY F.
5. « L’implantologie Supra-crestale » – BUATOIS H. / POLLINI A.
6. « Fundamentals of Implant Dentistry » – MOY, PETER K. ET COLL
Remerciements à ZIR TECH CENTER, Pierre BOUSQUET pour nos échanges et notre collaboration.
1 commentaire au sujet de “Axe implantaire et axe prothétique : la réponse des prothésistes”
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merci aux 2 intervenants
Si j’ai bien compris en implant direct unitaire les 2 systèmes proposés ont une composante rotationnelle voir 2.
Je me rangerai plutôt de l’avis de l’intervenant 2 cad ce sont des systèmes experimentaux.