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Paro-implantologie : la nouvelle classification – les 2 dernières réponses d’experts

Par Loïc CALVO, Sébastien MELLOUL le 23-10-2019  

Suite à la réponse des deux praticiennes expertes en parodontologie, nous donnons la parole à deux praticiens pour argumenter sur la thématique lancée par Michel Abbou début septembre.


Réponse n°1
Dr Loïc CALVO (Quint-Fonsegrives)
Dr Calvo

« Je suis globalement d’accord avec tout ce qu’affirme Michel Abbou dans son article du 03-09-2019, excepté sur la relation entre maladies parodontales et péri-implantites, dont la corrélation est nettement mise en évidence dans des études récentes… Mais tout comme lui, je pense que l’on doit insister sur le fait que la réussite de nos traitements passe par cette relation patient/praticien et sur le fait que le parodontiste-implantologiste doit être un excellent communiquant pour rendre les patients acteurs de leur traitement. »

Apport de la nouvelle classification des maladies parodontales

En juin 2018, la Fédération Européenne de Parodontologie (EFP) et l’Académie Américaine de Parodontologie (AAP) ont présenté la nouvelle classification des maladies parodontales, lors du congrès de l’Europerio9, à Amsterdam. Cette classification est le résultat du workshop commun de l’AAP et de l’EFP, qui a regroupé, en novembre 2017, une centaine des plus grands experts de la parodontologie mondiale. Il se sont répartis en 4 groupes de travail et ont réalisé l’une des plus importantes méta-analyses combinées que j’ai pu avoir l’occasion de lire. Ce résultat est certainement la quintessence des connaissances actualisées de la maladie parodontale.

Cette présentation avait été préparée soigneusement et le teasing était digne des plus grandes productions hollywoodiennes. Il faut dire que même si quelques éléments avaient fuité, le plus grand secret avait été instauré, pendant 7 mois. Presque 20 ans que nous attendions une nouvelle classification. Celle de 1999 avait déjà été une petite révolution, voyant disparaître les parodontites à progressions rapides type A, type B, les parodontites juvéniles localisées et la notion d’âge dans le diagnostic.

Je dois dire que ma première impression fut mitigée. Au premier abord, elle me parut très complexe mais en la relisant, la démarche est très logique. Cette classification est plus une mise à jour de nos connaissances et des données acquises de la science applicable dans notre pratique quotidienne qu’une révolution.

La santé gingivale est définie selon 3 types : le parodonte intègre, le parodonte sain, le parodonte sain réduit avec ou sans antécédent de maladie parodontale [1]. Cela peut paraître anodin, mais en soit c’est déjà une petite révolution. Bien définir la santé gingivale nous permet de définir que la pathologie est une altération de cet état de santé. Il est intéressant de noter dans cette définition que la santé gingivale peut être décrite sur un parodonte intègre, soit sur un parodonte réduit sans maladie parodontale, mais également sur un patient traité, même si celui-ci présente un risque accru de récidive [2]. Pour ces patients, le seuil de profondeur de sondage est inférieur ou égal à 3mm, pour un parodonte sain. Ils nécessitent un programme de maintenance personnalisé [2]. Les gingivites sont divisées en deux groupes : celles induites par la plaque dentaire, et celles non induites par la plaque [3]. Ceci simplifie grandement notre travail, car il faut bien reconnaître que la classification de 1999 était parfois complexe. Le rôle du biofilm est confirmé comme facteur de risque clé de l’apparition de la maladie parodontale [4] et le contrôle de l’inflammation reste essentiel dans la prévention de cette pathologie [4]. Les gingivites non induites par la plaque sont considérées comme des manifestations de pathologies systémiques [5]. Il ne faut pas oublier que le diagnostic et le traitement de ces gingivites peut améliorer le confort de vie de certains patients atteints par ces maladies. Il faut aussi différencier les sites de gingivites et les patients atteints de gingivite. Dorénavant, on considère qu’un patient avec un indice de saignement supérieur ou égal à 10% présente une gingivite ; en dessous de 30%, elle est localisée et au-dessus, elle est généralisée ; pour un patient avec un antécédent de maladie parodontale, la notion seuil de profondeur de sondage inférieur à 4 mm est rajoutée [6].

La grande révolution dans la classification des maladies parodontales est la disparition de la distinction entre parodontites agressives et chroniques, mettant fin à la question de « la parodontite » ou « les parodontites », la nouvelle classification ne retient qu’une seule catégorie : La parodontite [7]. Seules les parodontites nécrotiques restent une entité à part entière. Bien que ces pathologies soient rares, il existe une pertinence clinique à les différencier par la nécessité d’une prise en charge rapide [8]. Le terme parodontite agressive était un terme trop large et, il faut bien le reconnaître, aucune preuve scientifique n’avait était apportée sur la différenciation de ces pathologies, que ce soit d’un point de vue clinique ou étiopathogénique [9]. La parodontite est une pathologie chronique et sur le long terme, la bibliographie nous prouve qu’il n’y a pas de différence probante de la maladie en fonction de la vitesse de progression [10]. Le niveau annuel de l’attache peut varier considérablement au sein d’une population ainsi qu’au niveau de nos patients. Il était parfois bien difficile de pouvoir catégoriser un patient, et deux praticiens pouvaient très bien classer le même patient dans une catégorie différente. Sur le long terme, la perte d’attache est linéaire [11] et se fait par cycles. Le diagnostic était souvent différent en fonction du moment de consultation du patient. Cette classification se veut plus conforme à notre démarche diagnostique, elle classe la maladie parodontale en fonction du stade et du grade [12]. Elle prend en compte : la sévérité, la complexité du traitement, le risque de progression et la réponse attendue au traitement. Pour cela, on met en place une organisation du processus de diagnostic [13]. Cela permet d’uniformiser notre raisonnement et la prise en charge des patients. Nous retrouvons également une classification des maladies systémiques qui ont une influence sur l’apparition des maladies parodontales [14]. Cela nous replace dans un contexte plus global de la prise en charge de la santé générale de nos patients. N’oublions pas notre rôle en tant qu’acteur de santé publique. Parfois, la maladie parodontale se révèle être le signe d’appel de certaines pathologies générales et sa découverte peut permettre un diagnostic et une prise en charge précoce [15].

La grande nouveauté est l’apparition d’une classification des maladies péri-implantaires. La première chose a été de définir ce qu’était la santé des tissus péri-implantaires, la mucosite et la péri-implantite [16]. Cela n’a pas été simple vu la multiplicité des systèmes. Il faut bien reconnaître qu’en lisant la bibliographie, chacun y allait de sa propre définition. Cela rendait difficilement comparable des résultats d’études souvent disparates. Aujourd’hui, nous sommes en droit d’attendre, dans les années à venir, une uniformisation des données bibliographiques. Les points de référence de santé gingivale seront les radios et les mesures de profondeur de sondage post prothèse [16]. La maladie péri-implantaire sera considérée comme toute déviation de cet état de santé [17]. Le biofilm est considéré comme la cause de la mucosite [18]. Elle est réversible et l’élimination du biofilm est la condition préalable à la prévention et à la gestion cette pathologie, stade précurseur de la péri-implantite [18], même si le mécanisme n’est pas complètement compris [19]. Dans notre pratique, il est judicieux de voir entrer ces maladies implantaires dans la classification des maladies parodontales et de sous-entendre que la prise en charge de ces pathologies est liée. Trop souvent, nous voyons des patients laissés à la dérive avec des pathologies implantaires, alors même qu’aucune prise en charge parodontale n’a été mise en place pour sauver les dents restantes. Il existe, aujourd’hui, de solides preuves de voir se développer des maladies parodontales chez les patients ayant eu un antécédent de parodontite [19]. La maintenance implantaire est étroitement liée à la maintenance parodontale. En l’absence de radiographie et d’examen clinique de référence, la péri-implantite sera définie par une alvéolyse supérieure à 3mm, un saignement positif et un sondage supérieur à 6mm.

Même si elle peut paraître complexe au premier abord, cette classification veut s’inscrire dans une démarche diagnostique plus conforme avec les données acquises de la science. Elle est un guide pour les praticiens pour personnaliser leur prise en charge tout en prenant en compte l’individu et la complexité du cas clinique. Elle est peut-être imparfaite et destinée à évoluer dans quelques années, ceci est l’obsolescence programmée de nos connaissances d’une discipline en perpétuelle évolution.

Remerciements à Dr. Sara LaurencinDr. Magalie Leclerc Debussy et Dr Marjolaine Gosset pour leur aide et contribution à l’écriture de cet article.


Bibliographie

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[11] Age-dependent distribution of periodontitis in two countries: Findings from NHANES 2009 to 2014 and SHIP-TREND 2008 to 2012. Billings M, Holtfreter B, Papapanou PN, Mitnik GL, Kocher T, Dye BA.
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[12] Staging and grading of periodontitis: Framework and proposal of a new classification and case definition. Tonetti MS, Greenwell H, Kornman KS.
J Clin Periodontol. 2018 Jun;45 Suppl 20:S149-S161. doi: 10.1111/jcpe.12945

[13] Implementation of the new classification of periodontal diseases: Decision-making algorithms for clinical practice and education. Tonetti MS, Sanz M.
J Clin Periodontol. 2019 Apr; 46(4):398-405. doi: 10.1111/jcpe.13104.

[14] Periodontal manifestations of systemic diseases and developmental and acquired conditions: Consensus report of workgroup 3 of the 2017 World Workshop on the Classification of Periodontal and Peri-Implant Diseases and Conditions. Jepsen S, Caton JG, Albandar JM, Bissada NF, Bouchard P, Cortellini P, Demirel K, de Sanctis M, Ercoli C, Fan J, Geurs NC, Hughes FJ, Jin L, Kantarci A, Lalla E, Madianos PN, Matthews D, McGuire MK, Mills MP, Preshaw PM, Reynolds MA, Sculean A, Susin C, West NX, Yamazaki K.
J Clin Periodontol. 2018 Jun;45 Suppl 20:S219-S229. doi: 10.1111/jcpe.12951.

[15] Manifestations of systemic diseases and conditions that affect the periodontal attachment apparatus: Case definitions and diagnostic considerations. Albandar JM, Susin C, Hughes FJ.
J Clin Periodontol. 2018 Jun; 45 Suppl 20:S171-S189. doi: 10.1111/jcpe.12947.

[16] Peri-implant diseases and conditions: Consensus report of workgroup 4 of the 2017 World Workshop on the Classification of Periodontal and Peri-Implant Diseases and Conditions. Berglundh T, Armitage G, Araujo MG, Avila-Ortiz G, Blanco J, Camargo PM, Chen S, Cochran D, Derks J, Figuero E, Hämmerle CHF, Heitz-Mayfield LJA, Huynh-Ba G, Iacono V, Koo KT, Lambert F, McCauley L, Quirynen M, Renvert S, Salvi GE, Schwarz F, Tarnow D, Tomasi C, Wang HL, Zitzmann N.
J Clin Periodontol. 2018 Jun;45 Suppl 20:S286-S291. doi: 10.1111/jcpe.12957.

[17] Peri-implant health. Araujo MG, Lindhe J.
J Clin Periodontol. 2018 Jun;45 Suppl 20:S230-S236. doi: 10.1111/jcpe.12952.

[18] Peri-implant mucositis. Heitz-Mayfield LJA, Salvi GE.
J Clin Periodontol. 2018 Jun;45 Suppl 20:S237-S245. doi: 10.1111/jcpe.12953.

[19] Peri-implantitis. Schwarz F, Derks J, Monje A, Wang HL.
J Clin Periodontol. 2018 Jun; 45 Suppl 20:S246-S266. doi: 10.1111/jcpe.12954.

[20] Peri-implant health, peri-implant mucositis, and peri-implantitis: Case definitions and diagnostic considerations. Renvert S, Persson GR, Pirih FQ, Camargo PM.
J Clin Periodontol. 2018 Jun; 45 Suppl 20:S278-S285. doi: 10.1111/jcpe.12956. PMID: 29926496


Réponse n°2
Dr Sébastien MELLOUL (Nice)
MELLOUL

L’année dernière a vu la publication d’une nouvelle classification des maladies parodontales et maladies péri implantaires [1]. Et il est très intéressant de se poser la question de la pertinence de cette nouvelle classification dans notre pratique quotidienne. Est-ce que cette classification, comme bien d’autres, n’a qu’un rôle académique et de cadre de discussion entre spécialistes, ou a-t-elle une portée plus grande ? C’est une question qui fera surement débat longtemps, et restera sans réponse tranchée de la part de beaucoup d’entre nous. Au cours des 30 dernières années, la classification de la parodontite a été modifiée à plusieurs reprises afin de l’aligner sur les preuves scientifiques émergentes, ce n’est donc pas un fait unique de l’histoire de la parodontologie de voir une classification changer. Nous utilisons depuis 1999 la classification des maladies parodontales d’Armitage [2]. Cette classification était déjà le reflet des connaissances de l’époque sur les principes biologiques qui sous-tendent les maladies parodontales. Ces connaissances ont évolué et ont amené à revoir certains critères établis, et cela grâce à des études biologiques et cliniques. La fédération européenne de parodontologie (EFP) et l’académie américaine de parodontologie ont mené un travail conjoint dans le but de créer un système réductionniste qui prendrait en compte ces dernières connaissances fondamentales en parodontologie et qui pourrait être mis en œuvre dans tous les cabinets dentaires, et pas seulement les cabinets de praticiens orientés vers un exercice de parodontologie exclusive, puisque c’est dans les cabinets d’omnipraticiens que sont diagnostiquées et gérées 95% des maladies parodontales [3]. Un autre objectif de ce travail est de créer un système qui, d’une part indique la sévérité et l’étendue de la parodontite, et d’autre part nous renseigne sur la susceptibilité du patient pour les maladies parodontales [4]. Ce nouveau système de classification se veut être un système évolutif, qui pourra et devra s’adapter avec les futures connaissances qui émergeront inévitablement dans le futur [1]. Pour la première fois, cette nouvelle classification donne des définitions claires de santé parodontale et de gingivite pour :
• Des patients avec un parodonte intact
• Des patients avec un parodonte réduit dû à des causes autres que la parodontite
• Et des patients avec un parodonte réduit dû à la parodontite.

Elle inclut aussi pour la première fois les tissus péri implantaires et les maladies péri-implantaires. Nous verrons par la suite de cette lettre que de posséder des définitions claires de chaque notion est primordial pour la recherche et nous permettre à nous une lecture critique de la littérature, en vue de déterminer les traitements les plus adéquats pour chaque pathologie [5]. C’est avec beaucoup d’enthousiasme et d’attente que nous avons entrepris la lecture des articles proposant cette nouvelle classification en 2017. Et pour le moment l’enthousiasme est toujours là. Elle ne semble pas parfaite, mais la lecture des 23 articles qui la soutiennent nous a permis de réviser en profondeur les dernières données acquises et l’état des connaissances actuelles en matière de physiologie, de physiopathologie, d’étiopathogénie ou encore d’épidémiologie dans les domaines de la parodontologie et de l’implantologie. Et même si la lecture de ces articles peut paraître fastidieuse, je vous la conseille fortement, d’autant plus que les articles sont libres d’accès [6] et les principaux articles ont été traduits en Français et disponibles sur le site de la SFPIO [7]. Pour ne parler que des parodontites, et conformément aux connaissances actuelles en physiopathologie, il est possible d’identifier trois formes de parodontite : la parodontite nécrotique, la parodontite en tant que manifestation de la maladie systémique et les formes de la maladie précédemment reconnues comme « chronique » ou « agressive », désormais regroupées dans une seule catégorie « parodontite ». Le terme « parodontite agressive » a été remplacé par un système de stades et de grades et classent les parodontites principalement sur le niveau d’attache clinique et la perte osseuse. Les quatre stades vont évaluer la gravité (I, II, III ou IV) et les trois grades préciseront la susceptibilité et l’évolution probable de la maladie (A, B ou C) [4, 8]. Cette classification ne révolutionnera absolument pas les traitements. Cela n’a pas été le but du travail des experts. L’utilité de cette nouvelle classification n’est pas là, à mes yeux. Nous avons un système qui ne nous cantonne plus à des cases, mais replace le patient et le clinicien au centre du problème. Une grande part du travail a été de faire le point sur les relations qu’il existe entre les maladies systémiques et les maladies parodontales. Le chirurgien-dentiste n’est plus là seulement pour sauver les dents de son patient, mais trouver une place dans l’équipe pluridisciplinaire qui œuvre pour la santé générale des patients [9]. À la question de savoir si cela va mettre d’accord les praticiens sur les traitements à apporter, et permettra un diagnostic identique de tous les cas cliniques qui se présenteront à nous, certainement pas !!! Les auteurs des articles princeps de cette nouvelle classification soulignent l’importance de l’expérience du praticien pour la classification : au-delà de tous les éléments cliniques que nous prenons en compte pour cette classification, l’expérience peut nous faire changer le stade [4], notamment pour le choix en stade III et IV. Et c’est aussi là la force de cette classification, qui fait la part belle au sens clinique et à l’expérience de chacun. Il ne faut plus voir l’exercice de classification comme un travail de remplissage de cases et la volonté de mettre chaque patient dans un tiroir afin de mettre en place des traitements standardisés. Mais plutôt voir cela comme une aide diagnostique, presque comme une check-list de facteurs cliniques à prendre en considération pour avoir une vision plus complète de notre patient. Cette classification peut également être vue comme un outil de communication.

Communication avec nos patients : il est aisé de comprendre et de retenir que le nom de sa pathologie est une parodontite. Après recueil des paramètres cliniques locaux et systémiques et avoir nommé la pathologie présente, nous pourrons mettre en place un dialogue avec notre patient, en regardant ensemble les éléments qui nous conduisent à déterminer la gravité de la pathologie. Cela lui permettra de comprendre facilement la sévérité de la situation, et de comprendre l’évolution probable si rien n’est fait, et les facteurs sur lesquels nous allons pouvoir avoir un impact en plus du contrôle de plaque, comme par exemple le diabète, ou le tabac. Il aura un peu plus conscience que nous ne voulons pas seulement sauver des dents mais améliorer sa santé globale. On pourra lui remettre une copie simplifiée de ses tableaux de stade et de grade. Ces supports simples et parlants pour nos patients, associés à des images décrivant l’évolution de la maladie parodontale, peuvent être des moyens de communication puissants.

Communication avec nos correspondants : le but de fournir des définitions claires permettra à chacun de facilement diagnostiquer la présence d’une maladie parodontale ou péri implantaire et de mettre en place le traitement adéquat, ou bien de référer le patient vers un praticien qui pourra prendre en charge cette pathologie. L’utilisation d’un système de stade et de grade permet de quantifier la difficulté de prise en charge, et peut être la nécessité d’orienter le patient vers un confrère ayant plus d’expérience avec ces situations cliniques. Par exemple, en fonction de notre expérience dans la prise en charge des parodontites, nous pouvons décider que les stades I et II seront pris en charge au cabinet, mais les stades III et IV et tous les grades C seront pris en charge sur un plan parodontal avec le soutien d’un parodontologiste. Les traitements ne seront pas différents et les protocoles de traitements seront identiques. Cette classification n’a pas eu pour but de définir de nouveaux protocoles de traitement. Par exemple, concernant les parodontites, les indications de mise en œuvre d’une thérapeutique chirurgicale ont largement été décrites dans la littérature scientifique et ne font plus vraiment débat. La mise en place d’un traitement initial non chirurgical avant tout traitement chirurgicale étant aujourd’hui un prérequis scientifiquement validé [10]. Cette classification ne changera pas cela. Une habitude isolée, qui n’est pas décrite et validée par la littérature scientifique mais qui apporte de bons résultats, ne peut pas être considérée comme un gold standard. Cela ne veut pas dire que c’est une mauvaise pratique, mais qu’elle n’est soutenue par aucune étude sérieuse. Beaucoup de choses sont encore à étudier et à démontrer et bien des débats persisteront, dans le choix d’une technique par rapport à une autre, dans l’utilisation de tel ou tel biomatériau, et là encore, cette classification n’a pas pour but de trancher. Il est vrai, par exemple, qu’avec cette nouvelle classification peut se poser la question de quand prescrire d’une antibiothérapie lors de phase thérapeutique non chirurgicale. Très probablement, cela sera nécessaire pour les grades C et non nécessaire pour les Grades A [11]. La question pourra se poser pour les grades B, et des publications seront nécessaires pour trancher cette question. Cette classification voit l’apparition des maladies péri implantaires. Là encore, la lecture des articles de référence est d’une extrême importance, tant le nombre de questions posées et restant encore non tranchées sont grandes, et doivent nous inciter à la plus grande prudence dans certains traitements implantaires que nous mettons en œuvre [5]. Cet argument à lui seul serait une justification au principe de préservation et tout mettre en œuvre pour la conservation des dents naturelles [12]. Bien sûr, cette question est un vaste débat, qui dépasse largement le cadre de cette lettre et demande la prise en compte de la situation clinique complète, et il sera très difficile de voir un jour émerger une réponse claire sur la question de quand extraire et quand implanter ? [13]. C’est aussi la beauté de notre métier, nous ne pouvons et ne devons pas vouloir tout rentrer dans des cases, il faut avoir une vision d’ensemble, une réflexion minutieuse, pour classer, diagnostiquer et construire un plan de traitement. C’est notre sens clinique et notre expérience qui viennent en complément du recueil des données, de la classification et du diagnostic pour traiter au mieux chaque patient [14]. À aucun moment, cette classification n’a voulu nous donner un arbre décisionnel pour pouvoir choisir entre la conservation ou l’extraction. Décrire une santé des tissus péri implantaires, différente de la santé parodontale, doit nous éveiller à la prudence et à reconnaître que ces tissus péri implantaires sont différents des tissus parodontaux, et que leurs réactions à l’accumulation de biofilm, aux agressions mécaniques, ou à une agression bactérienne sera différente, et donc nos traitements devront être adaptés à ces différences [15]. Pour rebondir sur la problématique de la pose d’implant chez des patients avec des antécédents de maladies parodontales. De nombreuses études reconnaissent le risque de péri-implantites chez des patients avec des antécédents de maladies parodontales, et que la parodontite représente un facteur de risque des péri-implantites [16, 17, 18, 19]. Selon ces études, le risque de péri-implantite est de 3 à 9 fois plus important chez un patient avec antécédents de maladies parodontales [20, 21, 22, 23]. II est vrai qu’un petit nombre d’études ne va pas dans ce sens [24, 25], mais ces résultats différents sont facilement explicables. La lecture critique de ces articles montre l’utilisation de définition différente des péri-implantites et d’antécédents de parodontites, par rapport aux articles précédemment cités. Cela entraîne ces résultats surprenants. [26] Cela montre plusieurs choses, d’abord même la lecture d’article scientifique doit être faite avec un sens critique, et nous ne devons pas prendre pour acquis ce qui est écrit sans avoir analysé de manière précise cet article [27]. Ensuite, il faut comparer ce qui est comparable ! Cela a été le travail du panel d’experts qui ont élaboré cette classification: résumer et comparer les résultats des toutes dernières données de la science en parodontologie. Nous comprenons maintenant encore mieux la nécessité d’avoir des définitions claires et acceptées de tous, pour la notion de santé ou de présence d’une pathologie, afin de permettre des comparaisons, et éviter autant que faire se peut, d’avoir des études avec des résultats contradictoires juste à cause de définitions différentes pour une même donnée, comme cela semble être le cas concernant le lien entre antécédents de maladies parodontales et maladies péri implantaires. Et enfin, si nous devons être critiques à la lecture d’articles publiés et validés par un comité scientifique, combien devons-nous être encore plus prudents envers les affirmations à type de « dans ma pratique cela fonctionne » ou « dans mon cabinet j’observe que » !… Qui ne sont pas des arguments scientifiques valides et valables pour justifier d’une pratique. Est-ce que nos patients méritent que nous testions sur eux des pratiques non acquises par la science ? Bien sûr, nous le faisons tous plus ou moins dans notre pratique, nous sommes tous coupables de cela à divers niveaux, ne serait-ce que parce que la littérature ne répond pas encore à toutes nos questions, mais au moins posons-nous la question de la pertinence de nos traitements, des publications que nous lisons, des conférences auxquelles nous assistons. Et c’est là que ces travaux de compilation et de classification nous apportent une aide remarquable. Non pas parce qu’ils représentent une vérité unique, mais parce qu’ils nous aident à faire le tri, à synthétiser des données et à nous faire une idée plus documentée d’une problématique. La validité des traitements parodontaux, chirurgicaux et non chirurgicaux n’est plus à démontrer, tout comme la pertinence des traitements implantaires. Mais aucun plan de traitement ou décision thérapeutique ne peut être décidé, sans connaître : les antécédents locaux et généraux de notre patient, son motif de consultation, avoir un diagnostic précis de la ou des pathologies présentent et les différents alternatives thérapeutiques validées par la littérature scientifique pour la prise en charge de ces pathologies. Dans ce but, cette classification prend tout son sens (sauf peut-être pour le choix thérapeutique) ; elle nous est d’une aide précieuse et permet de ne plus voir la parodontologie comme une science isolée, mais au contraire comme une composante indissociable de nos patients et de leur santé.

Remerciements au Pr Virginie Monet Corti, Dr Alexandra Boyer, Dr Cathy Dumas et Dr Angeline Antezak pour leur aide et contribution à l’écriture de cet article.

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Bibliographie

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[4] Tonetti MS, Greenwell H, Kornman KS. Staging and grading of periodontitis: Framework and proposal of a new classification and case definition.
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