La motivation thérapeutique : la suite des réponses d’experts
Par Brenda MERTENS, Marilyn MICHEL le 05-05-2020La motivation peut être définie, selon Universalis, comme « le processus psychologique responsable du déclenchement, du maintien, de l’entretien ou de la cessation d’une conduite. Elle est en quelque sorte la force qui pousse à agir et penser d’une manière ou d’une autre ». Ainsi on peut mieux comprendre le comportement d’un individu.
Prenons plusieurs exemples : un sportif de haut niveau, afin de pouvoir participer dans une compétition et gagner, devra être très assidu dans ses entraînements au quotidien et essayer d’améliorer son chrono. Il se donnera tous les moyens nécessaires et sera motiver par l’objectif qu’il veut atteindre. D’autres personnes donnent toute leur énergie pour aider les nécessiteux et sont motiver par le seul sourire de remerciement qu’ils peuvent recevoir en retour. Ou encore nos soignants qui se démènent, ne mangent plus, ne dorment plus, se battent au quotidien et son motiver par leur seul et unique objectif : sauver des vies !
Dans notre métier c’est un peu pareil, il y a divers éléments qui motivent nos patients ou nous-même en tant que praticiens. Chacun au quotidien a sa et ses motivations qui le poussent à se comporter d’une manière ou d’une autre.
Qu’en est-il de nos patients ?
Lorsqu’ils prennent leur premier rendez-vous en parodontologie, c’est leur motif de consultation qui les motive. Celui-ci peut être divers : douleur, sensibilité dentinaire, saignement gingivale, récession gingivale, dent qui bouge, perte dentaire ou la peur de perdre une dent… Donc divers motifs, diverses motivations, diverses priorités dans la vie… Certains auront attendu des années avant de consulter, d’autres se seront précipités pour prendre rendez-vous… Certains sont motivés plutôt par le problème fonctionnel d’autres par le problème esthétique. Ceci montre déjà dès les premières minutes de l’interrogatoire le profil psychologique du patient et peut déjà nous orienter vers ses motivations thérapeutiques futures…
Le patient est-il réellement conscient de sa santé gingivale ? Certains auront peur de l’impact des problèmes gingivaux sur leur santé générale, seront même en panique par rapport à ce qu’ils auront pu lire sur internet, d’autres consulteront purement pour des problèmes esthétiques (« effet dent longue »).
Leur motivation initiale n’est peut-être pas la même mais au final, il faudra que leur motivation perdure sur le long terme voir le très long terme afin d’avoir un parodonte sain, des résultats stables et une pérennité de la santé gingivale surtout chez les patients susceptibles vis-à-vis de la maladie parodontale. À nous d’aider nos patients à comprendre leur maladie parodontale, à comprendre que certains facteurs de risque pourront et devront être modifiés, à comprendre qu’un traitement avec un protocole stricte suivi d’une thérapeutique de soutien avec un intervalle selon leur profil de risque sera indispensable et que le plus important sera leur comportement et l’hygiène bucco-dentaire au quotidien. À nous de les aider à s’instruire sur ce domaine et à les motiver pour se passionner pour leur santé. Aidons-les à sauver leurs dents, à restaurer leur occlusion et à leur redonner le sourire.
Pour ma part en tant que praticien, c’est certainement ce dernier point qui m’a d’abord motivé à faire les études de médecine bucco-dentaire : redonner le sourire à nos patients.
N’avons-nous pas un métier merveilleux ? Nous sommes des soignants et notre métier nous permet d’être en contact et d’échange avec nos patients au quotidien. Notre métier allie santé, beauté, passion et partage !
C’est cette passion qui nous motive et que nous aimons transmettre afin de motiver nos patients à réaliser les soins nécessaires et à pouvoir effectuer au quotidien les gestes nécessaires pour garantir une santé bucco-dentaire sur le long terme. C’est également cette même passion et l’envie de partager qui nous amènent à travailler en multidisciplinarité, main dans la main avec nos collègues des autres spécialités afin de pouvoir traiter le rose et le blanc et d’avoir des résultats beaux et pérennes. De plus nous avons le privilège en parodontologie de travailler aussi main dans la main avec tout le monde médical de par le lien et l’impact qu’à la maladie parodontale sur la grossesse ou la santé générale. C’est au final, un réel échange et partage de nos compétences, de nos passions respectives entre collègues et amis qui nous permet une meilleure prise en charge de nos patients et une meilleure élaboration d’un plan de traitement commun qui sera présenter au patient afin de l’inclure dans le processus de réflexion et ainsi l’impliquer dans la décision finale de son plan de traitement qu’il aura validé et pour lequel il sera motivé : amélioration de la santé parodontale avant tout traitement, amélioration du rose avant et après les traitement orthodontique, etc. C’est à nous toujours, de motiver avec nos équipes nos patients à chaque rendez-vous de consultation mais aussi à chaque rendez-vous de thérapeutique de soutien parodontale et péri-implantaire, de les motiver à rester constants dans leurs habitudes acquises d’hygiènes bucco-dentaire car ceci est certainement la clé du succès et la meilleure des préventions.
Nous avons un métier « d’humain à humain », d’échange avec nos patients, d’échange et de partage de nos passions communes ou complémentaires avec nos collègues sur le plan local, national et international et d’échanges au quotidien avec nos équipes. « Autant que possible, procurez joie et bonheur aux cœurs et recherchez la félicité pour toute l’humanité. » ʻAbdu’l-Bahá.
Nous avons un beau métier de santé, un beau métier dont le savoir ne s’arrête jamais et où la formation individuelle continue est indispensable, fascinante et passionnante.
Vous l’avez compris, je suis une passionnée ; mon métier, mes patients et les échanges multidisciplinaire en ces moments de confinement me manquent.
« Accepte ce qui est, laisse aller ce qui était, aies confiance en ce qui sera », Bouddha.
L’esprit d’équipe est primordial au même titre que la motivation.
Cette notion de motivation que se posent de nombreux soignants dans leur quotidien m’interroge autant sur la définition de la pratique des soins que celle et de la relation avec le patient lui-même.
À en croire les psychologues, il y aurait deux types de motivation : une motivation « intrinsèque », et une motivation « extrinsèque ». La première procure de l’intérêt et du plaisir, alors que la seconde plutôt de la satisfaction ou du soulagement. À l’évidence, la motivation pour se soigner est essentiellement une motivation extrinsèque visant à éviter les conséquences négatives de la maladie, de sa rechute, et/ou de complications ultérieures.
En ce sens la relation équipe de soin-patient, au cœur du processus thérapeutique, représente un déterminant important. Parler, écrire, penser, agir… Qui a dit que seuls les écrits restent ? Et avant même de parler, il faut savoir ce que vous allez dire pour motiver !
Un discours de motivation porte un message. Pas de message = pas de discours.
La motivation à la réalisation de soins bucco-dentaires dépend de l’intensité des besoins ou des désirs parfois contradictoires de l’être humain. Les comportements de santé et le style de vie notamment à l’égard des consultations d’urgence et des rendez-vous manqués, nous amène à réfléchir aussi sur l’attitude du patient face à l’acceptation des soins généralement attribuée à de la négligence ou à une absence de responsabilité.
Ce que nous faisons reflète t- il ce que nous pensons ? Et dans quelle mesure nos idées et nos comportements face aux soins dentaires sont-ils reliés ?
Du côté du praticien et de son assistante dentaire, cela demande aussi d’instaurer une stratégie relationnelle particulière dans le suivi thérapeutique avec le patient. Comprendre ses attitudes, et son degré de motivation demande de l’observation sur la durée, de l’objectivité sur l’ensemble des obstacles identifiés qui freineront et décourageront. Nos attitudes sont importantes car elles influencent notre manière de voir le monde, notre façon de penser, et nos comportements.
Aucune motivation n’est meilleure ou supérieure aux autres, mais une chose est sûre : si vous cernez la principale motivation, ou les deux principales du patient, vous pourrez mesurer des observances de soins différents.
La compliance aux traitements ou l’observance des consignes, des règles ou des protocoles que le praticien souhaite mettre en place avec son patient nécessite aussi la participation active de l’assistante sur l’alliance thérapeutique avec le patient. En ce sens, elle peut être amenée à partager, et encourager la motivation du patient. L’accompagnement de l’équipe de soins participe à l’observance du processus et surtout de sa finalité. Elle privilégie le soutien par rapport au contrôle, le partage par rapport à l’autorité, la solidarité par rapport à la démotivation, et l’éducation aux savoirs en santé.
La notion d’accompagnement apporte avec elle, une redéfinition des relations entre les différents acteurs de la santé et le patient lui-même. Les deux niveaux de discours, peuvent aider également à l’appropriation des consignes du praticien comme un processus dynamique, une sorte de « coaching » nécessaire de chaque instant.
Il y a une objectivité́ de l’expérience, une nécessaire et universelle liaison entre ce que le patient veut et ce que l’équipe dentaire va apporter durant les soins par son empathie et son écoute. C’est la représentation et la prise de conscience du comportement à adopter tous ensemble pour et avec le patient et non le soin lui-même qui va être déterminant sur l’entendement des soins. On ne peut pas mesurer directement la motivation du patient sans comprendre son rapport avec la santé en général et les facteurs de risque liés à son style de vie. La compréhension joue donc un rôle important dans le changement du comportement patient. Les incompréhensions trouvent souvent leur origine dans un défaut de formulation. Entre ce qu’on croit comprendre, ce qui a été compris et ce que nous comprenons, nous n’avons pas le réflexe de faire valider notre compréhension.
La reformulation par l’assistante dentaire est le garant de la transmission efficace d’un message parce qu’elle peut permettre de prendre conscience de la manière dont le message est compris par le patient et surtout de l’ajuster en conséquence. Cela passe par la communication d’instructions précises, des explications sur le déroulement des séances de soins si besoin, et la définition des rôles et tâches de chacun (le patient doit être impliqué aussi). Faire preuve d’empathie sincère pour le patient signifie avant tout faire preuve de considération humaine, et lui apporter de l’encouragement quand il en manquera. C’est pour cela que la notion de reformulation est intimement liée à celle de l’écoute par l’assistante dentaire. La motivation telle qu’elle est considérée ici, ne se limite pas à̀ l’adhésion au traitement ni à la maîtrise des gestes thérapeutiques : elle implique une attitude d’adaptation permanente, et une confiance attribuée à l’ensemble de l’équipe de soins du cabinet dentaire.
« L’homme manifeste un comportement parce qu’il connait et désire les conséquences de son comportement », John LOCKE.
Au cours d’un discours de motivation, le patient doit saisir l’importance de son implication propre. Le rôle de l’équipe est d’inspirer le changement et d’allumer l’étincelle qui mettra le patient en action volontaire.
La volonté d’un changement de comportement bien ancrés (comme des addictions ou simplement des habitudes gênantes) implique de prendre conscience des inconvénients de ces comportements. Modifier des mauvaises habitudes découle d’une volonté individuelle d’atteindre un but personnel, et donc des valeurs que les individus accordent à leurs actions. Il importe donc de bien considérer l’importance que les patients accordent à certaines mauvaises habitudes, et s’y appuyer pour amener les personnes à choisir leurs propres motifs de changements.
Enfin rappelons-nous qu’un bon discours ne fait pas tout… La motivation s’entretient !
Manger, respirer, sourire, communiquer, exprimer, suggérer, intimité, … La bouche constitue le siège de l’expression de la vie.
Nous, chirurgiens-dentistes, praticiens acteurs de santé publique, avons l’extrême privilège de prendre soin de ce « carrefour anatomique de la vie ». Notre mission thérapeutique est à la fois physique et psychologique. Lors de la première consultation, il est important d’écouter le patient sans lui poser de questions trop directives qui pourraient donner des réponses induites. Le laisser s’exprimer et, souvent, les premiers mots qu’il va prononcer vont nous permettre de comprendre le ou les motifs de sa visite.
Nous devons suivre les protocoles qui régissent les professions de santé dans leur ordre :
• Accueil,
• Écoute,
• Observation,
• Interrogatoire,
• Échanges avec le patient,
• Examen clinique,
• Examens complémentaires.
Il est fondamental de suivre cette chronologie afin de ne pas se faire une idée qui pourrait se révéler fausse. Examiner une radiographie quelle qu’elle soit en première intention est une erreur. La radio est un examen complémentaire qui suit un examen clinique et les tests effectués.
Cette démarche intellectuelle va nous permettre de construire une relation praticien-patient qui, dans un premier temps va mettre en confiance le patient, lui donner envie de s’ouvrir à nous, et le convaincre dans le choix qu’il a fait de venir nous consulter pour nous confier sa santé.
À partir de là, nous sommes en mesure de lui proposer des actions thérapeutiques et le ou les plans de traitement qui s’offrent à lui en fonction des informations que nous avons obtenues lors des différents examens.
« Motivation : Ce qui motive, explique, justifie une action quelconque », définition Larousse.
La confiance ainsi établie nous ouvre le champ des propositions thérapeutiques. Pour cela, il convient de mettre en œuvre une motivation qui va amener le patient à adhérer à nos propositions. Celle-ci passe obligatoirement par une explication avec un vocabulaire simple et précis pour la bonne compréhension des actions à venir. Dès lors que la confiance est installée, il est important d’impliquer le patient dans son traitement, le responsabiliser.
La composante financière est un atout non négligeable : lui prescrire tout le matériel d’hygiène bucco-dentaire et le lui faire acheter et non pas le lui donner. La démarche de se déplacer à la pharmacie, payer pour des accessoires qu’il va utiliser est un acte qui, à mon sens, va le « forcer » à s’engager dans son propre intérêt. La réussite de nos traitement passe par la parfaite collaboration et compréhension des patients. Il est l’acteur essentiel de nos démarches thérapeutiques.
Avant d’entamer les soins de réhabilitation, il importe de faire comprendre au patient la nécessité d’une hygiène bucco-dentaire irréprochable. En effet, au-delà des besoins et des raisons de santé publique, la pérennité d’une reconstruction prothétique implantaire ou non, repose sur la qualité de la mise en œuvre des techniques d’hygiène. Notre législation interdit malheureusement l’intervention d’hygiénistes dentaires que nous appelons de tous de nos vœux ; nous sommes donc tenus d’enseigner nous-mêmes ces techniques, et c’est pour cela que la contribution personnelle du patient par sa motivation est de la plus grande importance.
Dans le cas de maladie parodontale, il faut noter que la technique d’hygiène est adaptée aux lésions existantes (choix de la brosse à dents, diamètre des brossettes inter-dentaires, antiseptiques…), et doit absolument perdurer après le traitement actif (chirurgical ou non).
La récidive de la parodontite est toujours liée au relâchement des méthodes de d’hygiène qui ont été enseignées, d’où l’importance du rappel des patients et de la RE-motivation. Nous entrons alors dans le cadre de la maintenance. C’est le suivi du patient une fois son traitement actif (celui réalisé par le praticien) terminé. Il convient d’établir un calendrier avec lui et de s’y tenir.
Certains d’entre nous évoquent le côté financier de ces rappels et visite des patients, c’est une composante qui doit entrer en ligne de compte dans nos devis et être annoncée lors de la présentation des plans de traitement au même titre que les séances de motivation aux techniques d’hygiène.
Pour les patients, nos engagements et notre détermination sans faille sont souvent synonymes d’une prise en charge complète de leur maladie, de leurs problèmes fonctionnels et esthétiques. Il est naturellement logique que les patients s’en remettent à notre expertise pour résoudre leurs problèmes et pour répondre à leurs demandes. Néanmoins, le patient reste l’acteur essentiel de la relation thérapeutique et, sans sa collaboration étroite, accompagnée d’une motivation permanente notamment pour les traitements longs et complexes, l’objectif souhaité ne peut pas être atteint !
À l’inverse, dès lors que tout est mis en œuvre et que le patient adhère au « contrat » prédéfini, il va nous apporter toute la motivation dont il est capable pour atteindre les objectifs qui auront été fixés.
Et nous avons tous pu apprécier, à notre plus grande satisfaction, des patients demandeurs de plus de confort et de plus d’esthétique ! Patients qui, assaillis par les réseaux sociaux et l’information permanente notamment dans le domaine de la beauté, deviennent gourmands de bien-être et de sourires éclatants synonymes de santé !
Pour relire le billet d’introduction de Michel Abbou, rendez-vous ici.
Pour retrouver les premières réponses d’experts de Christophe Nivière et Cyril Gaillard, cliquez ici.
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Michel Abbou
– Exercice privé à Paris 75008
– Fondateur et directeur scientifique de SICTmieux depuis 2013.