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Traiter-Conserver ou Extraire-Remplacer

Par Michel ABBOU le 12-04-2017
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LE BILLET D’INTRODUCTION DE MICHEL ABBOU

C’est le thème de l’édito de Michèle RENERS dans l’Info. Dentaire en cette fin mars 2017 ; c’était déjà celui de la conférence pluridisciplinaire organisée par Si-Ct Mieux en juin 2016 (1).

Si la question se pose au quotidien pour tous les praticiens (et patients) que nous sommes, il est des situations où le contexte clinique et/ou psycho-social peuvent conduire à des solutions drastiques jugées irrationnelles (Fig.1)… Vues de loin.

Ce sont ces situations particulières que j’ai décrites au cours de ma présentation du 02-06-2016. J’ai alors bien eu conscience que je jetais le trouble dans l’assistance, émotion relayée par le regard à la fois étonné et sceptique du bon Professeur Jean-Jacques LASFARGUES, modérateur de la journée et conservateur par excellence.

J’admets volontiers la discussion, voire l’objection, à condition d’argumentation d’une part et de prise en considération du contexte d’autre part.

Dans mon exercice privé, orienté particulièrement sur la parodontologie et l’implantologie, je prétends ainsi :

  • Ne pas délaisser l’idée de conservation dentaire par tous les moyens cliniques et techniques à notre disposition (2); pour autant, ne mettre en œuvre ces moyens qu’après une phase d’évaluation (facteurs de risques actuels et à venir), de mise en condition et de validation en termes de pronostic… En s’assurant de la bonne compréhension-motivation-coopération du patient ;
  • Informer volontiers mes patients en situation de « délicatesse » des vertus des réhabilitations unitaires, partielles ou complètes implanto-portées qui permettent de s’affranchir des – trop ? – longues étapes inhérentes aux traitements conservateurs d’une part, tout en obtenant des résultats confortables et esthétiques assortis de grande pérennité, d’autre part.
  • Que mon recul clinique en la matière et l’évolution constante de nos moyens technologiques (3) me renforcent dans l’intérêt de cette stratégie thérapeutique, quand l’indication est bien posée et que les bonnes règles de mise en œuvre et de maintenance sont respectées ;

 

Je ne me considère pas comme un « extracteur- implanteur » à tout va, mais force est de reconnaître que dans mon exercice j’obtiens plus de 95% de bonnes conclusions (100% pour les restaurations en full dentures) en termes de satisfaction (indice OHIP-14), de confort et de pérennité avec les stratégies « radicales »… Résultats en bonne adéquation avec ceux de la littérature scientifique (4, 5). De ma propre expérience et à ma connaissance, on ne retrouve pas de tels indices de satisfaction chez les patients traités et suivis pour des pathologies parodontales avancées avec les protocoles conservateurs (chirurgicaux / non chirurgicaux) et leurs lots de contraintes, d’incidents et contrariétés patients-dépendants qui tendent à augmenter avec le temps qui passe.

Cette orientation est par ailleurs corroborée par les conclusions des experts et professionnels qui se sont penchés sur la question depuis plusieurs années ; elles abondent dans le sens d’une possible amélioration des résultats ressentis par le patient… Au prix d’une action d’envergure, souvent pluridisciplinaire et fort contraignante, sans jamais garantir LA GUÉRISON :

  • INSERM 1999 « MALADIES PARODONTALES : THÉRAPEUTIQUES ET PRÉVENTION » (6) :

« Une des difficultés majeures dans ces thérapeutiques post-interventionnelles est l’absence de consentement du patient. De toute façon, même chez un patient motivé au début, la compliance décroît. Après 3 ans, la moitié des patients trouvent difficilement supportables les soins interproximaux. Après 8 ans, seuls 16% des patients poursuivent une maintenance. 34% ne reviennent pas après une phase active de traitement. De nombreux facteurs interviennent dans cette absence de motivation, dont la lassitude et le manque de temps. »

  • AOS 2014 « SPECIAL PARODONTOLOGIE » (7) : 

« La présence de multiples facteurs de risque a un effet additif sur le risque parodontal global d’un patient et sur le pronostic de la maladie. Le praticien devrait adopter des stratégies de réduction de l’effet synergique des facteurs de risque parodontal. De telles stratégies associent un programme de sevrage tabagique, un programme de gestion du stress et un programme de motivation à l’hygiène orale du patient au traitement étiologique des maladies parodontales. En identifiant et en réduisant ces facteurs de risque, le praticien peut contribuer à l’amélioration du pronostic global et individuel de la maladie et du traitement parodontal. »

D’ailleurs n’est-ce pas un signe de constater que la plupart de nos confrères et consœurs initialement « parodontistes exclusifs » ont aujourd’hui intégré l’arsenal implantaire dans leur exercice ?

J’ajoute que, singulièrement, la majorité des patients en quête de ces traitements « radicaux » ne me sont pas recommandés par des  consœurs ou des confrères correspondants… Mais par des patients satisfaits, déjà ainsi traités (Fig. 2) !


ILLUSTRATIONS

2

Fig. 1 : Un choix thérapeutique drastique pour ce jeune homme âgé de 31 ans en 2015, pâtissier professionnel.
Le traitement « ROBOCOP » correspond exactement à ce qu’il attendait.
Les critères de la maintenance professionnelle bimestrielle sont parfaitement respectés dans une ambiance détendue et sans aucune appréhension de sa part (ni de la nôtre !).

 

3

Fig. 2 : Données statistiques
Des résultats impressionnants compilant les données de la littérature scientifique et les enquêtes d’opinion auprès des patients à travers le monde (Source Nobel Biocare)


Cet espace est aussi le vôtre, alors n’hésitez pas à commenter ou poser vos questions !
Vos réponses seront lues et analysées par nos experts qui vous répondront dans un second billet.

FicheAuteur

Michel Abbou
– Membre de l’Association Française d’Implantologie
– Fondateur et directeur scientifique de SICTmieux depuis 2013.

Ses formations


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1. ABBOU M, BONNER M, CARON G, TORDJMANN N, LASFARGUES JJ  Faut-il traiter et conserver ou extraire et remplacer?
https://sictmieux.com/index.php/1-journee-1-question-02062016/

2. JOACHIM F, DUJARDIN S  Implantologie et parodontopathies : Quelles décisions thérapeutiques en 2009 ?
https://www.lefildentaire.com/articles/clinique/omnipratique/implantologie-et-parodontopathies-quelles-decisions-therapeutiques-en-2009/

3. ABBOU M  New Sensations with Latest Implant Generations Allowing High Performance Strategies in Oral Implantology.
Periodontics and Prosthodontics Journal, 2016; 3(17): 1-13

4. BABBUSH CA  Posttreatment quantification of patient experiences with full-arch implant treatment using a modification of the OHIP-14 questionnaire.
J Oral Implantol 2012; 38:251-60

5. MOZZATI M, ARATA V, GALLESIO G, MUSSANO F, CAROSSA S  Immediate post extractive dental implant placement with immediate loading on four implants for mandibular full-arch rehabilitation: a retrospective analysis.
Clin Implant Dent Relat Res 2013;15:332-40

6. GOLDBERG M, ARDOUIN J-L, BARRANDON Y, BERNIMOULIN J-P et Coll.  Maladies parodontales – Thérapeutiques et prévention
INSERM 1999

7. ELFAROUKI M, AMINE K, KISSA J  Le pronostic global des maladies parodontales: quels critères de décision ?
AOS 2014 ; 267 : 4-11 – EDP Sciences 2014

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10 commentaires au sujet de “Traiter-Conserver ou Extraire-Remplacer

  1. Jean-Marc DERSOT.

    je suis très surpris de cet article, du parti pris de quelques phrases tirées de la littérature, pour corroborer une démarche totalement personnelles qu’on veut présenter ici comme universelle. Je veux juste rappeler que l’on perd entre 0,4 et 1,8 dents selon les tranches d’âge, après une maintenance parodontale de 30 ans ! Les parodontistes extraient peu et un cas, sur la pyramide de la dentisterie fondée sur les preuves, figure presque en bas et n’a qu’une valeur anecdotique. A lire ce papier, on pourra croire que le titane est le traitement de la parodontite. Bien triste image …

    1. Michel ABBOU.

      Ce qui est triste, Dr DERSOT, c’est de constater le conservatisme de praticiens comme vous qui s’approprient une discipline – la paro en l’occurrence – qui se voulait pourtant progressiste à l’époque de SOKRANSKY et GLICKMAN.
      Ce qui est triste c’est de considérer que les propos argumentés et illustrés d’un praticien non moins expérimenté que vous relèvent d’un simple “parti pris”, quand vous n’affichez en regard qu’une vague statistique qui ne répond en rien à l’indice OHIP-14 en référence dans l’article d’origine.
      C’est exactement ce conservatisme affligeant que je dénonçais dans un pamphlet intitulé “Le bon sens clinique envers et contre les dogmes institutionnels”, publié l’an dernier dans la revue DENTOSCOPE (http://online.fliphtml5.com/huvk/tfke/#p=12).
      Ce qui est triste enfin et surtout, c’est cette posture pseudo-élitiste qui vous incline à dénoncer ce qui n’émane pas de vous ou du clan très restreint des praticiens de la vieille école de paro… Ceux-là même qui avaient critiqué l’avènement de l’implantologie ostéointégrée dans les années 80 et qui continuent – malheureusement – à jeter l’opprobre sur des techniques pourtant avérées comme l’extraction-implantation immédiate, à l’image de votre commentaire bien esseulé lorsque ce sujet a été traité dans cette même rubrique de Dentalespace (+ de 11000 vues cumulées à ce jour sur ce seul thème).
      La désuétude peut avoir du charme quand il s’agit d’histoire, de sites ou de coutumes; elle n’est pas de mise en sciences ni en clinique.
      Bien cordialement quand-même,
      MA

    2. Pascal Seunaneche.

      En effet, cet article est curieux ! Les maladies parodontales inflammatoires et chroniques seraient éradiquées par du titane ?? Poser des implants, modifierait la susceptibilité de l’individu, qui n’aurait plus de risque comme par enchantement ?? Ça fait doucement sourire.. L’auteur nous explique que la maintenance parontale est trop contraignante. Je serai curieux de connaître les résultats implantaires a moyen et long termes sans maintenance rigoureuse. Sans, bien entendu parler de la lourde maintenance prothétique.
      Donc, NON, les patients atteints de maladies parodontales sévères ne sont pas des patients “implantaires” faciles et dont les résultats seraient garanties d’avance !! Surtout des patients de 30 ans, comme illustré dans l’article !
      Enfin, juste une question à l’auteur : vous êtes vous posé la question : comment le patient en est-il arrivé à ce stade? Pensez vous que la prise en charge parodontale précoce n’aurait pas été Là Solution. Pensez vous que dans les mêmes conditions, les implants se maintiendront mieux?
      Encore beaucoup d’hypocrisie dans notre profession, qui est encore à côté de la”plaque”. Il y a encore beaucoup de travail dans l’éducation à apporter en dentaire ou la prothèse à toujours une place prioritaire.
      L’avenir, j’en suis sûr, n’est certainement pas dans l’implant ou la prothèse.
      Merci pour ceux qui ont lu jusqu’au bout.
      Ceci n’est que mon point de vue personnel et n’engage que moi.
      Bien Confraternelemt,

      1. Michel ABBOU.

        Cher confrère, je vous ai bien lu jusqu’au bout, mais je crains en revanche – au vu de votre commentaire – que vous n’ayez que “survolé” mon billet.
        Je ne prône en aucune manière la substitution de la parodontologie (que je pratique quotidiennement) en faveur de l’implantologie. Je démontre simplement que, dans certains cas (quelques centaines à mon actif), l’implantologie peut offrir un nouveau départ et une nouvelle motivation là où ni vous ni aucun autre praticien n’a été capable de solutionner les problèmes arborés par des patients tels que celui en illustration.
        Cdt,
        MA

  2. Pascal Karsenti.

    Bonsoir,

    L’appréciation du risque n’est pas à mon avis corrélée avec l’indice de satisfaction.
    En effet, un patient bénéficiant d’un traitement radical, pour reprendre la terminologie employée, qui en réalité subira la perte d’un ou plusieurs organes …sa ou ses dents, cet organe étant remplacé par un dispositif médical…l’implant, probablement lui-même stabilisé par un biomatériau … substituts osseux et biomatériaux lui rendant service, je vous l’accorde, dans les premières années … devra très vite envisager un renouvellement (dans une période de10 à 15 ans) en plus d’une thérapeutique de maintenance assidue (de même nature voire plus complexe que celle d’une maintenance Paro) s’il ne veut pas à nouveau être confronté à des infections multiples (complications biologiques) et/ou des complications mécaniques de par les prothèses montées sur implants.
    Alors qu’une bonne prise en charge parodontale conduit de manière durable à une guérison des problématiques infectieuses pour peu que l’observance des soins soit continue.
    Je reste donc convaincu que la solution implantaire peut sembler idéale pour le confort immédiat du patient alors qu’on se doit autant que possible de la réserver au plus tard de sa vie afin de lui éviter une série de soins trop lourde pour la gestion des complications inévitables dans le temps.
    Pour ce qui est de la capacité de la Parodontologie à éviter une perte prématurée des dents et à permettre une stabilisation voire une régénération du contexte gingival et tissulaire de nos patients dentés tout comme les porteurs d’implants, personne ne peut en douter même si les résultats sont dépendants de la compliance des patients et l’observance des soins comme pour la prise en charge de toute maladie chronique.
    Je ne parle pas ici d’une première consultation en parodontite terminale où la solution Implanto-prothétique sera inévitable…
    Confraternellement

    1. Michel ABBOU.

      Merci Pascal pour ce commentaire de conviction et argumenté; il mérite bien une mise au point:
      1/ Je suis d’accord sur la nécessité “d’appréciation du risque” avant d’entreprendre le traitement (quel qu’il soit). Je l’ai même écrit: “… Ne pas délaisser l’idée de conservation dentaire par tous les moyens cliniques et techniques à notre disposition (2) ; pour autant, ne mettre en œuvre ces moyens qu’après une phase d’évaluation (facteurs de risques actuels et à venir), de mise en condition et de validation en termes de pronostic… En s’assurant de la bonne compréhension-motivation-coopération du patient.”
      2/ Ce commentaire et les précédents prouvent (s’il en était encore besoin) que les images sont souvent plus impactantes que les écrits. L’illustration dont il est question reflète, comme je l’ai mentionné, l’existence de situations exceptionnelles donnant lieu à des modalités de prise en charge exceptionnelles (mais efficaces). Le patient en question n’a subi que 2 interventions chirurgicales (sous anesthésie locale) et nous n’avons eu recours à aucune technique d’augmentation osseuse ni greffe gingivale… Ce qui est rarement possible lorsque que l’on se décide tardivement à passer à l’acte implantaire, après constat de “parodontite terminale”!
      3/ J’entends mesurer l’efficacité de mes traitements non à la seule satisfaction immédiate des patients, mais tant au niveau du vécu thérapeutique que sur son résultat ainsi que son suivi à court-moyen et long terme. Je revendique ainsi, n’en déplaise à certains, 100% de succès cliniques sur les centaines de FULL DENTURES implanto-portées réalisées et suivies à mon cabinet depuis plus de 25 ans, ma première publication en la matière datant de 1995 (http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=3572972).
      4/ Enfin, s’il convient de mesurer les risques, il importe avant tout de prendre en compte l’anamnèse d’une pathologie ainsi que l’histoire bucco-dentaire du patient en consultation. Force est de constater, pour ce patient de 31 ans, que ni vous ni aucun des praticiens consultés avant moi n’avait réussi à entreprendre le moindre traitement ni la moindre prise en charge prophylactique de ce jeune homme. Est-ce à dire que tous ces praticiens étaient incompétents… Ou que le patient ne trouvait pas “chaussure à son pied”?
      5/ J’invite nos lecteurs à mieux comprendre la démarche thérapeutique qui nous conduit à ce type de traitement “ROBOCOP” en lisant un article mentionné dans les références bibliographiques: http://periodontics-prosthodontics.imedpub.com/new-sensations-with-latest-implant-generations-allowing-high-performance-strategies-in-oral-implantology.pdf

      Bien confraternellement,
      MA

  3. Michel ABBOU.

    Preuve que ce sujet est source d’intérêt (et je m’en réjouis sincèrement): la discussion se propage également sur les réseaux sociaux, avec déjà plus de 950 vues et quelques commentaires sur LINKEDIN par exemple !

    https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:6257984832920387584/

    MERCI à vous, surtout à ceux qui commentent en prenant la peine d’argumenter; c’est plus enrichissant pour nous tous.

    MA

      1. Michel ABBOU.

        Le “secret” est assez simple cher confrère: implantations chirurgicales et prothèses réalisées dans les règles de l’art, à partir d’une EPI rigoureuse et avec un suivi prophylactique sans concessions.

        Bien cordialement,
        MA

  4. Michel ABBOU.

    Ceci est le commentaire d’un des administrateurs du groupe 4 your smile sur Facebook: merci beaucoup pour cette publication, effectivement à un moment a qui devons-nous rendre service ? à nos patients ou à notre envie de conserver au maximum…..?

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