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Nos trompeuses convictions professionnelles : la réponse des experts

Par Jean-Christophe PARIS, David SIARRI, Franck LASRY le 14-01-2020   

Réponse n°1

JC Paris

Jean-Christophe PARIS
Docteur en Chirurgie Dentaire
Diplôme d’Etat de Docteur en Chirurgie Dentaire à l’Université Aix-Marseille II
Post-Graduate Esthétique à la New York University.
DU de Dentisterie Restauratrice et Esthétique.
Président de MIMESIS : Groupe de recherche en dentisterie adhésive et esthétique.
Co-fondateur de l’Académie du Sourire.
Exercice privé à Aix-en-Provence

Le docteur Jean-Christophe Paris assure Michel Abbou de son soutien, mais il n’a pas souhaité s’investir directement dans la polémique engagée et rapportée dans son article ; il préfère y répondre avec le rappel d’un édito de l’Académie du Sourire… Qui semble de circonstance :

Evidence Based Dentistry (EBD) VS Facebook Based Dentistry (FBD) 

L’évolution de la dentisterie s’est faite en modifiant profondément l’approche clinique : on a souvent reproché à la pratique dentaire du siècle dernier d’être trop intuitive, opérateur dépendante et sans véritable fondement scientifique.

L’approche moderne se caractérise par l’importance accordée à la méthodologie basée sur la preuve (EBD), seule à même de donner à notre pratique une caution scientifique à l’égal des autres disciplines médicales.

À l’inverse, nous voyons surgir une dentisterie Facebook dont la valorisation dépend du nombre de « j’aime » ; on peut croire que plus c’est « liké » plus la méthode est bonne. Il n’y a qu’à voir la multitude de cas iconographiés faisant office de références pour les jeunes praticiens: « Je l’ai vu sur Facebook ou sur Youtube » est une réflexion que l’on entend très souvent.

Nous passons d’un extrême à l’autre : d’une part, la prise en compte des données avérées de la science, issues de la recherche biomédicale, bases indispensables à la conduite de tout traitement. Et d’autre part, une approche fondée sur le spectaculaire, « le show », visant essentiellement à satisfaire l’égo de leurs auteurs qui se gargarisent du nombre « d’amis » qu’ils ont.

La tâche des formateurs est délicate : exposer des méthodes, pas forcément « à la mode », mais fondées sur une base avérée, fiable et pérenne ou bien accréditer une pratique moderne, spectaculaire sans véritable recul clinique quitte à transformer nos cabinets en champ d’expérimentation.

Être connu sur Facebook, c’est être riche au Monopoly.

Jean-Christophe Paris


Réponse n°2

David Siarri

David SIARRI
Chirurgien-dentiste
Ancien enseignant au D.U de chirurgie et prothèses implantaires Cochin Paris V
Post-graduate en parodontologie et implantologie New-York University
Exercice privé (Israël)

Octobre 1997, j’étais jeune diplômé du D.U d’Implantologie du service de stomatologie de l’hôpital Cochin, Paris. Mes enseignants m’avaient apprécié et m’avaient offert le poste de photographe de bloc pour me garder dans leur équipe de formateur, malgré ma toute jeune expérience en implantologie. Les dentistes de la nouvelle promotion qui venaient se former dans le service étaient pour la plupart plus âgés et expérimentés que moi, même en implantologie pour certains.

L’un d’eux me déclara un jour « moi, je ne dépose jamais mes implants, je n’ai pas d’échec ». Je fus ébloui par cette déclaration car mes maîtres et notamment mon père spirituel feu Michel Kurc, me parlaient bien plus souvent de leurs rares difficultés que de leurs succès quotidiens.

Avec le temps, j’ai compris que seuls ceux qui ne posent pas d’implants n’en perdent pas et que très très rares sont ceux, comme Michel Kurc, que seul le goût d’enseigner et de progresser motive, quitte à montrer leurs échecs.
Les présentations courantes de cas cliniques dans notre domaine sont toutes bien sélectionnées, du magnifique et merveilleux. La raison ? Un peu d’ego, un peu de recherche de correspondants ou de patients potentiels.

Je veux ici te féliciter, Michel Abbou, de nous avoir présenté ce cas clinique afin d’illustrer l’approche globale dans l’élaboration de nos plans de traitement, la diversité des possibilités thérapeutiques dans des cas complexes.
Voilà de la vraie dentisterie quotidienne, des choix audacieux, des réactions professionnelles aux imprévus liés à ce profil de patient, un traitement engagé et terminé. Pas de filtre. Pas de retouche.

Évidemment, le suivi est crucial chez ce patient fumeur et au parodonte atteint, et la panoramique que tu nous feras suivre dans 5 ans sera sûrement différente. C’est le métier du dentiste de famille, il accompagne, soigne.
Tu t’es exposé en mettant en avant des solutions sortant des sentiers battus et notamment dans le secteur 3, où dents et implant sont solidarisés, option couramment utilisée à l’époque des implants aiguilles et lames puis formellement proscrite par la très dogmatique équipe suédoise.
Tu es un de ceux qui aujourd’hui ont une grande expérience dans cette technique et qui en repoussent chaque jour les limites.
Si tu continues dans cette voie c’est que tu as de bons résultats. Et nous ne pouvons que te remercier de nous faire profiter de cette expérience qui peut nous ouvrir des perspectives thérapeutiques audacieuses.

Dans les autres secteurs,
… onlays / overlays céramique à la place de ccm c’est bien, mais le risque de fracture de céramique est élevé si tu solidarises dans un contexte parodontal ;
… extraction des dents de sagesse dans le cadre d’un assainissement parodontal c’est légitime s’il n’est pas assez habile pour nettoyer correctement jusqu’au fond, etc…
Évidemment que chaque praticienne ou praticien pour ce même patient aurait eu une approche différente, raisonnée, défendable, mais tes contradicteurs, pour certains, ont été agressifs voire violents dans leurs critiques sur ce cas.

J’aspire à voir nos conversations professionnelles sur les réseaux sociaux devenir plus courtoises, respectueuses, et surtout constructives.
Que ceux qui présentent des cas, les présentent correctement, anamnèse médicale et dentaire, diagnostic, plan de traitement, photos, radios…
Que celui ou celle qui pense autrement argumente avec photos de cas personnels ou lien vers articles professionnels à l’appui. Montrons ce que nous faisons avec humilité et ouverture d’esprit.

Nous y gagnerons et nous avancerons ensemble.

Bien confraternellement,
David Siarri


Réponse n°3
La critique est aisée, l’art (dentaire) est difficile !

F Lasry

Franck LASRY 
Major promotion Pierre Dargent Paris V 1974
Post Graduate Boston University, School of Dental Medecine Nov 1983
Catholic University of Leuven 1986
Branemark Clinic Gothenburg 1989
D.U Implantologie Chirurgicale et Prothétique Hôpital Cochin 2000
Directeur du Certificat d’Implantologie Hôpital saint Antoine 2002-2019
Ex-attaché Service d’Implantologie Hôpital saint Antoine

Pour répondre au billet de Michel Abbou, ou plutôt à sa joute avec ses contradicteurs, il faut d’abord pouvoir se retourner sans crainte pour juger ou jauger, son parcours professionnel, ce que la majorité des cons-frères Docteurs es internet n’ont pas souvent fait.

Il faut en effet beaucoup d’humilité, que les docteurs Joraimieuxfait ou Moijoraifaitça ne semblent pas avoir acquis derrière leurs smartphones et leurs pseudos guerriers.

Car ils n’ont pas encore conscience de la complexité de ce qu’un patient n’est pas un panoramique mais la somme d’innombrables problèmes à gérer. Il est notre meilleur et notre pire ennemi : il faut qu’il comprenne que nous devons être une équipe pour se battre contre son vécu dentaire, ses peurs, ses désirs fous, son hygiène, son parodonte, ses Actinomycoses cachées, pour trouver le meilleur traitement ou plutôt le meilleur compromis en fonction de nos connaissances, de notre technique, de notre expérience….

Sans forfanterie, je peux me prévaloir d’avoir créé avec mon  ami Jean Koskievic, le Certificat d’Implantologie de l’hôpital Saint-Antoine, officialisé et validé par le Conseil National de l’Ordre : pendant 17 ans, les couloirs ont résonné de nos empoignades mémorables à propos des possibilités de traitements des patients du service de Stomatologie : nous n’avions pas les mêmes diagnostics et les mêmes solutions !!! La finalité étant toujours le meilleur compromis pour le PATIENT.

Les contradicteurs oublient souvent ce motif central !

Chacun prenant la responsabilité de ses décisions et du déroulé du traitement, avec en plus parfois à convaincre le confrère qui avait envoyé son patient sans idée de traitement : il vaut mieux parfois savoir déléguer plutôt que d’emmener son patient dans les chemins boueux de son inexpérience. C’était aussi cela la réalité de notre quotidien : éviter aux patients les mauvaises expériences et parfois, malheureusement, rattraper au mieux les échecs de certains. On n’est plus sur les ergotements de contradicteurs masqués devant une radio panoramique.

Et c’est aussi pour fêter un bon résultat final, un patient satisfait du traitement que l’on poste un article sur un site professionnel : un bon résultat qui est la somme d’espoirs, d’échecs maîtrisés, de techniques, d’heures de fauteuil, d’explications, de négociations, de choix, en fonction parfois d’un cadre conventionnel imbécile ou mutualiste rigide et surtout le cadre financier du PATIENT !

Parfois, c’est l’humilité qui nous conduit à exposer nos échecs et nos reprises. C’est la passion du métier, 17 ans d’enseignement, de transmissions, de compagnonnage qui nous pousse à tenter d’avertir les confrères des risques, des échecs, des reprises décidées en espérant que les observateurs pourront en tirer bénéfice en réfléchissant mieux et éviter eux même nos écueils : c’était juste le but de Michel Abbou dans la publication de son post.

« Traiter-conserver ? Extraire-remplacer ? Bridge-Implants ? »
… Ce n’était certes pas pour dire : je suis le meilleur  !!
Et finalement, c’est la contradiction stupide et non la réflexion intelligente à un cheminement intellectuel qui fait la suite… Avec matière à article !

Proche de mon Jubilé avec 35 ans d’implantologie, j’ai encore la passion de mon métier et la force de monter au créneau pour un ami. Je ne suis pas un vieux con-frère mais un jeune praticien de 18 ans avec 50 ans d’expérience.

Franck Lasry

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