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Orthodontie et première molaire mandibulaire.

Orthodontie Par Louis-Marie DUSSERE le 20-09-2013

La mandibule est un os particulier pour l’orthodontiste du fait de sa croissance différentielle par rapport au maxillaire.

La croissance de la mandibule est complexe, tant par son mode d’ossification (origine membraneuse et cartilagineuse) que par ses modifications morphologiques. C’est le seul os mobile de la face ; il est relié à la partie postérieure de la base du crâne par l’intermédiaire des cavités glénoïdes qui se déplacent en bas et en arrière pendant la croissance. De ce fait, la croissance mandibulaire doit donc être quantitativement plus importante que celle du maxillaire, afin de conserver une articulation dento-dentaire équilibrée entre maxillaire et mandibule.

Pano A : Illustration de la migration dans les trois sens de l’espace des dents adjacentes et antagonistes: version sagittale ou transversale et égression.
Orthodontie et première molaire mandibulaire.

La dent de 6 ans est une dent stratégique à plusieurs titres.

D’abord parce qu’elle est la première dent permanente à apparaître et que, située à un point où la force de mastication est la plus forte (ligne de tension de LANGERS), elle est avec la canine, la véritable clef de voûte des arcades dentaires et joue un rôle clé dans l’établissement et le maintien de l’occlusion. Edward H. ANGLE a fondé sa classification sur la position de cette dent qu’il appela « la clé de l’occlusion » et se basa sur sa position antéro-postérieure pour établir sa classification des malocclusions utilisée jusqu’à aujourd’hui. Sa bonne implantation tant au niveau maxillaire que mandibulaire est un objectif primordial pour l’orthodontiste.

Dent stratégique également parce que, très vulnérable à l’atteinte carieuse, elle peut être considérée comme le carrefour de tous les dangers. En effet, 80% des caries détectées vers 10-12 ans sont situées sur cette dent et ce pour plusieurs raisons :

  • Son caractère permanent est trop souvent méconnu de nos patients car son éruption passe inaperçue : elle est alors confondue avec une dent temporaire
  • L’immaturité de son émail qui n’a pas encore subi sa maturation post-éruptive, c’est à dire qui n’a pas bénéficié en surface de la précipitation de phosphate de calcium et fluoro-phosphate de calcium
  •  La dentine sur dent immature qui présente des tubuli largement ouverts favorisant la prolifération rapide de la carie
  • L’immaturité pulpaire qui rend cette dent moins sensible aux différentes stimulations externes
  • La présence fréquente de dysplasies
  • La présence de sillons et fissures anfractueux qui sont des facteurs anatomiques de rétention de plaque
  • La difficulté à la nettoyer en rapport avec sa position distale dans la cavité buccale et la faible dextérité de l’enfant à cet âge
Pour toutes ces raisons la perte de la première molaire est relativement fréquente.

Les conséquences de l’extraction d’une molaire mandibulaire sont les suivantes : 

  • Perte de 50% du niveau de l’os qui supportait la dent dans les 12 mois suivant dont les 2/3 se produiront lors des 3 premiers mois (World J Orthod 2010)
  • Migration (dite « migration secondaire ») des dents adjacentes et antagonistes :  

 
Il est important de noter que les conséquences de la perte d’une première molaire sont pires à la mandibule qu’au maxillaire car à cette arcade, la mésialisation spontanée de la deuxième molaire s’accompagne de plus d’une mésio-version et d’une rotation disto-vestibulaire. Ces migrations secondaires provoquent à moyen ou long terme des problèmes fonctionnels ou articulaires et une perte de tissus supportant les dents.

C’est pourquoi le dentiste confronté à la perte précoce d’une molaire devra absolument mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour remplacer cette dent. Dans cette optique, chez le jeune patient il aura le choix, après évaluation du potentiel éruptif et anatomique des deuxièmes et troisièmes molaires, de proposer soit un mainteneur d’espace afin d’éviter la migration secondaire des 7 et 8 ou au contraire favoriser l’éruption mésiale de celles-ci.

Chez un patient adulte, il devra remplacer prothétiquement la molaire perdue conformément aux recommandations de la Haute Autorité de Santé : «Il est nécessaire de proposer systématiquement l’alternative bridge ou implant à un patient ayant une molaire absente entre deux dents saines ».  

Dans ce dernier cas, le travail de l’orthodontiste visera à optimiser ou rendre possible ce travail prothétique en redressant l’axe des dents basculées, en ouvrant ou en refermant des espaces ou encore en ingressant les antagonistes. 
Correction d’axe

La perte non compensée d’une molaire, la première en général, entraine la version mésiale des deuxièmes et troisièmes molaires. Apparaissent alors :
  •  Des troubles parodontaux : formation de lésions osseuses angulaire
  • Difficultés de réalisation prothétique : parallèlisation des piliers prothétiques, manque d’espace pour pose d’un implant. (cf. pano A)

 Un traitement orthodontique multi-attaches permet la correction des axes molaires et favorise la conception de la prothèse. 


Cas 1 : ouverture d’espace
33 incluse et cariée doit être extraite (une greffe osseuse est pratiquée dans le même temps). Le plan de traitement prévoit son remplacement prothétique (implant)
Cas 1 : ouverture d’espace
33 incluse et cariée doit être extraite (une greffe osseuse est pratiquée dans le même temps). Le plan de traitement prévoit son remplacement prothétique (implant)
Ingression de l’antagoniste

La perte d’une molaire mandibulaire provoque l’égression de la dent antagoniste. L’harmonie de la courbe de Spee et la cinématique mandibulaire s’en trouvent altérées, provoquant des troubles occlusaux. L’orthodontie va permettre un mouvement de la dent égressée en direction apicale afin de niveler l’arcade antagoniste (création d’une hauteur suffisante à la réalisation de la prothèse) et de retrouver une courbe de Spee harmonieuse. Ce mouvement dangereux pour la racine (risque de résorption radiculaire) nécessite des forces légères et continues. La mise en place d’une unité d’ancrage de type minivis est une aide précieuse pour ce type de mouvement.  
Après extraction des DDS, l’orthodontie permet à l’aide d’une minivis ancrée dans le trigone rétro-molaire, l’ouverture d’un espace au niveau canin par distalisation des molaires et prémolaires.
Après extraction des DDS, l’orthodontie permet à l’aide d’une minivis ancrée dans le trigone rétro-molaire, l’ouverture d’un espace au niveau canin par distalisation des molaires et prémolaires.
Chez l’adulte, après traitement orthodontique, l’occlusion doit être physiologique et stable à long terme. C’est pourquoi, en plus de la contention et afin d'assurer une bonne stabilité fonctionnelle, une équilibration occlusale est systématiquement effectuée afin de répartir de façon équilibrée les pressions sur l'ensemble des éléments dentaires.
46 doit être extraite, 47 et 48 sont mésialées
46 doit être extraite, 47 et 48 sont mésialées
47 a été mésialée,
48 non appareillée a suivi le déplacement grâce aux fibres transeptales
NB : redressement des axes de 37 et 38
Dans le cas présenté, la 17, égressée suite à la bascule mésiale de 47, doit être ingressée et dérotée pour permettre la restauration prothétique de 46.
Une simple minivis d’ancrage et une seule et unique attache collée sur 17 ont permis d’atteindre nos objectifs.
Ingression de l’antagoniste

La perte d’une molaire mandibulaire provoque l’égression de la dent antagoniste. L’harmonie de la courbe de Spee et la cinématique mandibulaire s’en trouvent altérées, provoquant des troubles occlusaux. L’orthodontie va permettre un mouvement de la dent égressée en direction apicale afin de niveler l’arcade antagoniste (création d’une hauteur suffisante à la réalisation de la prothèse) et de retrouver une courbe de Spee harmonieuse. Ce mouvement dangereux pour la racine (risque de résorption radiculaire) nécessite des forces légères et continues. La mise en place d’une unité d’ancrage de type minivis est une aide précieuse pour ce type de mouvement.  
Maintien de l’espace

Après les corrections orthodontiques, en attendant la conception de la prothèse, le maintien de l’espace est indispensable. En général, cette contention est constituée d’un fil collé sur les faces linguales des dents à l’aide d’une gouttière de transfert :
Plus simplement nous utilisons parfois un autre type de contention pour maintenir l’espace : laisser des attaches collées sur les dents adjacentes et maintien de l’espace à l’aide d’un ressort niti :
Chez l’adulte, après traitement orthodontique, l’occlusion doit être physiologique et stable à long terme. C’est pourquoi, en plus de la contention et afin d'assurer une bonne stabilité fonctionnelle, une équilibration occlusale est systématiquement effectuée afin de répartir de façon équilibrée les pressions sur l'ensemble des éléments dentaires.
En conclusion

L’orthodontie de la molaire mandibulaire s’inscrit dans un concept de dentisterie pluridisciplinaire car c’est avant tout une orthodontie préprothétique visant à favoriser, à optimiser et à pérenniser la réalisation d’une prothèse. Cette phase orthodontique, même si elle augmente le coût et la durée totale du traitement, permet au final une dentisterie plus conservatrice.  


Bibliographie : 

HOFFMAN T. A propos du diagnostic et du traitement de la perte des premières molaires permanentes. Rev Orthop Dento Fac 1987;21:449-463.
MATTESON S.R. Extreme distal migration of the mandibular second bicuspid. Angle Orthodont 1978;1:11-18.
PLINT D.A. The effect on the occlusion of the loss of one or more first permanent molars ( with special reference to the third molar) Eur Orthod Soc 1970;329-336.
YAVUZ I. Effects of early loss of permanent first molars on the development of third molars. Am J Orthod Dentofac Orthop 2006;130:634-663.  
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