LE BILLET D’INTRODUCTION DE MICHEL ABBOU
Pour le remplacement d’une dent absente, il est courant de parler de traitement conventionnel (bridge fixe/ prothèse adjointe partielle) par opposition à l’option implantaire.
– Si le terme « conventionnel » se réfère au régime éponyme de prise en charge par la Sécurité Sociale, il va de soi qu’il est tombé quelque peu en obsolescence depuis l’avènement de la CCAM (prise en charge de la couronne sur implant) ;
– Si le terme est utilisé dans le sens classique de ce qu’il convient de faire en général, là encore on peut évoquer pour le moins un certain archaïsme dans la mesure où le doute n’est plus permis depuis longtemps sur la validité d’une mise en œuvre implantaire en dehors des rares contre-indications en la matière (1 – 2) ;
– On peut pousser le bouchon encore plus loin en invoquant, dans l’absolu, la prévalence de l’option implantaire plus « écologique » et désormais en partie prise en charge par la CPAM… Contrairement à certains bridges sur dents naturelles.
Cela étant posé, le praticien de l’art est tenu d’un double devoir d’information (consentement éclairé) et de bonne exécution – obligation de moyens et souvent obligation de résultat (3). Le titre de ce billet et son illustration clinique sont à l’évidence provocateurs. Le cas en question est celui d’un patient venu me consulter en 1995. Son praticien habituel lui avait recommandé un traitement implantaire pour remplacer la 11 et l’avait confié pour cela à un correspondant stomatologue « spécialiste ». La double méprise de ce dernier a consisté à :
a/ poser un implant là où il pouvait trouver un ancrage osseux (zone palatine +++ du fait de la résorption alvéolaire centripète) … Sans se poser la question de la compatibilité du traitement prothétique à venir ;
b/ recourir à un système implantaire (IMZ®) dépourvu de connectique anti-rotationnelle et donc non conçu pour les restaurations unitaires !
Le praticien habituel de l’époque s’est trouvé bien gêné de cette situation qui l’a entraîné à réaliser finalement une restauration à type de « bridge conventionnel »… Avec l’implant en conservation (inutile).
Au-delà du caractère anecdotique de ce cas clinique, ce billet se veut rappeler qu’aucun des traitements prothétiques que nous proposons n’est anodin et sans conséquence. Une étude pré-prothétique (incluant l’option implantaire) systématique est de rigueur et doit donner lieu à une information explicite du patient avant exécution de l’option retenue (4). Enfin, à ceux qui pensent que le « consentement éclairé » ne s’applique qu’aux actes non pris en charge par la Sécurité Sociale, je les renvoie au dossier édité par l’Information Dentaire du 09-11-2016 et leur rappelle volontiers la condamnation de ce praticien qui avait réalisé un bridge à son patient, et ce en dépit de la « la bonne mise en œuvre des règles de l’art » comme cela avait été retenu par le tribunal: le patient ne reprochait pas à son dentiste la facture de son bridge… Il l’avait simplement attaqué pour non information préalable de la possibilité d’un traitement implantaire qui lui aurait permis de ne pas entamer l’intégrité des dents adjacentes aux seules fins de supporter un bridge (5).
Cet espace est aussi le vôtre, alors n’hésitez pas à commenter ou poser vos questions !
Vos réponses seront lues et analysées par nos experts qui vous répondront dans un second billet.
Michel Abbou
– Membre de l’Association Française d’Implantologie
– Fondateur et directeur scientifique de SICTmieux depuis 2013.
ARTICLES DE RÉFÉRENCE :
1. SAFAR Philippe, TOUBOUL Corinne. – L’histoire clinique, hommage à J-C HARTER
« Pourquoi j’ai jeté mon iconographie clinique aux oubliettes »
JSOP, FEV. 2009; 26-27
2. ABBOU Michel – Pertes incisives au maxillaire : évaluations cliniques, information du patient et choix thérapeutiques.
ALPHA OMEGA NEWS, 1998 ; 38 Juin-Juillet : 7-9
3. SCHELL Mathieu – La double obligation de moyen et de résultat du chirurgien-dentiste.
Alliance Juris Media, Droit de la santé – 16/04-2013
4. MAILLE Gérald, SCIBILLA Julie – Le consentement éclairé en prothèse. Une approche éclairée.
L’INFORMATION DENTAIRE, 2016 ; 38 : 116-122
5. PLESKOF R. – Responsabilité et expertise en implantologie. Aspect médico-légal.
L’implantologie orale et son concept moderne : aspects chirurgicaux, prothétiques, juridiques
SYMPOSIUM A.U.I du 2 déc. 1995